lundi 25 avril 2011

[Chronique] - Tif et Tondu menacés ! Desberg et Will vous disent tout !

Neuvième tome – sur douze annoncés - de l'édition de l'intégrale des aventures des infatigables Tif et Tondu, Innombrables menaces regroupe quatre albums signés Stephen Desberg et Will, parus entre 1979 et 1983 et s'achève sur trois autres récits complets : Dangereuse programmation (8 pages), la fin de Tif et Tondu (7 pages, inédit en album) et Perforations (18 pages). Bon, voyons cela de plus près.

Métamorphoses : Une météorite tombée en Afrique provoque d'étranges mutations sur les bêtes de la savane, et les transforme en créatures difformes et agressives. Ce n'est que dans le zoo où elles ont été vendues que le phénomène se déclenche, au bout d'un certain temps. Et évidemment, les hommes qui ont approché la météorite sont eux aussi touchés par le phénomène, et deviennent à leur tour des monstres sanguinaires. Tif et Tondu vont intervenir pour que tout rentre dans l'ordre, bien sûr.

Pour cette 28 ème aventure, qui a un petit côté Jekyll et Hyde, Desberg, dont c'est le premier scénario en solitaire, l'avoue sans hésiter dans le dossier qui ouvre ce tome : « … Je ne sais pas encore très bien ce qu'on attend de moi. Will et moi n'avons jamais parlé de l'avenir. […]. Je cherche surtout à aller dans le sens de ce que Will a envie de dessiner. Ce sont des situations que j'essaie de rendre le plus amusantes possible. Ce sont des scénarios à la carte ».
Technique qui est aussi appliquée pour le tome suivant :


Le Sanctuaire oublié : En Bretagne, le groupe de chasseurs de trésors « Paradise hunters », mené par une femme à la poigne de fer, Candice, emploie tous les moyens (y compris la séduction du pauvre Tif...) pour mettre la main sur un stock d'or caché dans la région. Une fois récupéré, les lingots sont transportés au Yutacan, où ils sont assemblés pour constituer la porte d'un sanctuaire ouvrant sur les légendaires cités d'or...

Encore un album à l'atmosphère fantastique, avec les civilisations précolombiennes en toile de fond, pour une histoire de chasse au trésor pleine de rebondissements. A noter que Tondu roule en Visa, dont il bénit la tenue de route (ce qui ne l'empêchera pas d'être précipité du haut d'une falaise...) : les aventuriers des années 80 ont des destriers pour le moins surprenants...

Echec et matchs
Tif et Tondu sont soudain sans le sou, et obligé de travailler.... Impensable pour des héros, surtout Tif, qui est vite exténué par le travail de bureau, et prend la direction du sud pour des vacances méritées. A peine arrivé, il se retrouve embarqué dans une histoire de voiture commandée à distance par des ordinateurs, et pour aider l'inventeur de ce système révolutionnaire, il accepte de prendre le volant d'une Formule un pour le Grand Prix de Monaco. Mais un margoulin du sport va tout faire capoter, et Tif et Tondu vont le retrouver sur leur route, et mettre fin à ses agissements à New York, en plein tournoi de tennis international.

Une histoire teintée des avancées technologiques de l'époque (on est en 1981, ce sont les premiers PC, l'informatique reste nimbée d'un certain mystère pour ne pas dire d'une certaine magie) . Ce côté « nouveau » a pris un coup de vieux et cette aventure est un peu dépassée de ce côté-là. Par contre, le personnage du méchant, qui fabrique littéralement des sportifs de haut niveau pour les exploiter jusqu'à la corde, reste tout à fait d'actualité.

Swastika
Alors, là, attention : Hitler n'est pas mort ! Il est réfugié en Amérique du Sud, mais à la veille de son 90ème anniversaire, il est un peu gâteux... Ses partisans ne désespèrent cependant pas de lui faire retrouver sa splendeur passée – et eux la puissance du 3ème Reich – grâce à un elixir de jeunesse, le Tor Kal Yash. Il faut juste récupérer un peu de venin du serpent de Crojada, une bête extrêmement rare. Tif et Tondu vont bien entendu se retrouver au coeur de l'affaire, qui les conduira des forêts amazoniennes jusqu'à Venise.

Aventure complètement échevelée, où Tif va même jouer les « étalons », au sein d'une tribu amazonienne, où les mâles sont tous morts, et où il va avoir du travail (trop, même... il est obligé de fuir, comme le montre la couverture, lui, le tombeur de ces dames...). Mais c'est évidemment le sujet même qui reste le plus intéressant dans cet album : le nazisme – même s'il est ici plus esquissé qu'autre chose - avait plus rarement droit de cité dans la littérature pour la jeunesse au début des années 80, et encore moins dans la BD. Il y a d'ailleurs eu une certaine incompréhension autour de cet album, puisqu'un membre de la communauté juive de Belgique écrit aux éditions Dupuis pour se plaindre d'une scène où un personnage (aux traits de Gainsbourg, d'ailleurs) fait montre de cette cupidité attribuée trop souvent aux juifs. Et il est vrai que certains des gags auraient encore plus de mal à passer maintenant, il faudrait demander à Desberg s'il réécrirait ce scénario à l'identique en 2011... Toujours est-il que cet album reste malgré plus qu'intéressant, et on sent bien que Desberg s'empare de plus de ses personnages, pour les emmener sur des chemins encore inexplorés par les précédents scénaristes. Une certaine conscience politique pointe le bout de son nez, et cela sera encore plus net dans les aventures suivantes.

Tif et Tondu, intégrale tome 9 – Innombrables menaces
Scénario Stephen Desberg et dessin Will
Dupuis, 2011- 240 pages couleurs - 24 €

Vous pouvez aussi m'entendre parler de cet album sur Agora FM, chez les amis d'Ondes Noires.

samedi 16 avril 2011

[Chronique] - Dans mes veines : les dessous de la mode

Un matin de juin, à Paris. Barbara se réveille, avec la gueule de bois. Elle ne se souvient plus trop de la veille, mais elle sait bien qu'elle s'est endormie devant sa télé, seule. Le problème, c'est qu'elle découvre dans sa cuisine le cadavre d'une belle blonde, gisant dans une mare de sang. Et la belle blonde n'est pas une inconnue pour Barbara : c'est Jill Savil, mannequin au firmament de la profession et des médias, il y a encore deux ans... Une époque dorée pour Barbara : Jill était sa petite amie, et elle-même était encore flic. Une relation hors-norme que la hiérarchie de « Barbie » a vite fait d'exploiter en lui faisant infiltrer un milieu où, si les nuits sont blanches, c'est souvent que la cocaïne n'est pas loin. Mais tout cela est du passé : Barbara n'est plus flic depuis longtemps. L'arrivée impromptue de son ex en poupée morte devant son frigo lui fait retrouver d'anciens réflexes : Barbara va désormais tout faire pour savoir qui lui renvoie son passé à la figure. Et pourquoi...Damien Marie est un scénariste qui n'a pas peur de sortir des sentiers battus, et ceux qu'il arpente sont généralement assez sombres, comme en témoigne son très faulknerien « Welcome to Hope » (dessiné par Wanders). Dans cette nouvelle série, pas d'Amérique profonde peuplée par des âmes tordues, mais une immersion dans le clinquant des défilés de mode... tout aussi sordides côté backrooms que certaines granges du Kansas.
« Dans mes veines » met en scène deux femmes aux personnalités fortes, en s'attardant bien entendu sur Barbara, femme-flic à la dérive depuis la fin de son histoire avec Jill la top model. Sur un scénario construit par allers-retours constants entre cette histoire passée de l'héroïne, et la quête de la vérité sur l'assassinat de son ex, Sébastien Goethals réussit à alterner scènes d'action et plongées au coeur de la nuit. Ce premier tome, raconté à la première personne, est rythmé, et on s'attache réellement à Barbara, à ce qui lui arrive, et à ses efforts pour découvrir la vérité. A noter une couverture très réussie, qui réunit tous les ingrédients de l'histoire tout en demeurant assez mystérieuse. Le dénouement au prochain tome.

Dans mes veines, tome 1
Scénario Damien Marie – Dessin et couleurs Sébastien Goethals
Bamboo, 2011 – 48 p. couleur - Collection Grand Angle – 13,50 €

jeudi 14 avril 2011

[Chronique délocalisée] - Berlion et Benacquista, deuxième !

Après "Coeur Tam-Tam", adaptation de la nouvelle de Tonino Benacquista "La culture de l'elaeis au Congo Belge", Olivier Berlion s'attaque à l'une des trois Série Noire du même auteur : La Commedia des ratés, une formidable histoire d'arnaque sous le soleil de l'Italie. Le premier tome de cette adaptation prévue en deux volumes est sorti en février, et vous pouvez retrouver ma chronique sur le k-libre.fr, en cliquant ici.

Et n'hésitez pas non plus à vous (re)plonger dans le roman original de Benacquista, un des meilleurs polars des années 90, par un des plus brillants stylistes du Noir.


La Commedia des ratés, première partie
Scénario et dessin Olivier Berlion
Dargaud, 2011 - 76 pages couleur - 14,95 €

lundi 4 avril 2011

[Chronique] - Raffini est de retour !

Le commissaire Raffini est convié dans le Sud de la France au mariage de son ami Toxa. Là, il fait la connaissance d'autres invités, en particulier d'un couple formé par le tonitruant Claude Franchi – alias Dario, en hommage à ses talents de chanteur d'opérette – et la très sexy Mireille. Raffini profite de son séjour pour goûter aux joies de la pêche en solitaire en plein cagnard, mais ce doux farniente est vite interrompu quand Mireille vient lui demander de l'aide : son Dario a disparu. D'abord rassurant, le commissaire est obligé de se rendre à l'évidence quand on trouve l'appartement du fiancé dévasté : on en veut au chanteur du dimanche...

Les enquêtes de Raffini sont des plus orthodoxes, et le temps ne semble pas avoir d'emprise sur le commissaire, sa moustache et ses méthodes. Il faut dire que cette affaire se déroule en 1957, et qu'on savait prendre le temps de vivre à cette époque, mon bon monsieur. Il se dégage un indéniable charme désuet de cette série, et ce nouvel (et dixième) album qui sort 5 années après le précédent n'y échappe pas. Rodolphe a imaginé un enquêteur plus proche de Maigret que de Burma, à qui il fait vivre pour ce retour une enquête des plus classiques. On prend cependant un certain plaisir à suivre les pas de ce héros d'un autre âge, qui veut résoudre son affaire autant par goût de la justice, que par un certain béguin pour la fiancée du disparu. Alors, oui on peut trouver que tout cela est un peu vieillot, mais je trouve moi que les éditions Desinge & Hugo & Cie (!) ont eu une riche idée de relancer ce bon vieux Raffini, trente ans après ses débuts dans Télérama, sous le pinceau de Ferrandez... Dans la foulée de cet inédit, « Les Eaux Mortes », tome 8 de la série paru initialement chez Albin Michel, est réédité, sous une superbe couverture. Une histoire rurale, beaucoup plus sombre. Si vous ne connaissiez pas encore, c'est le moment de faire une petite cure de classique... Ah j'oubliais : les couleurs de cet album sont lumineuses, comme les femmes dessinées par Maucler.

Les Enquêtes du commissaire Raffini
Si tu vas à Rio
et Les Eaux Mortes
Scénario Rodolphe et dessin Christian Maucler
Desinge & Hugo & Cie, 2011 - 56 pages couleur
13,95 € chaque