jeudi 26 avril 2012

Les planches originales de Sin City en expo à la galerie 9ème Art (Paris)

 Si vous êtes Parisiens, de manière permanente, ou alors seulement entre le 26 avril et le 22 mai, vos pas doivent absolument vous mener à la Galerie 9ème Art. Pourquoi ?

Et bien, parce que, et là je cite le texte du communiqué de presse  " la Galerie 9è art crée l’évènement en exposant un autre très grand nom de la bande dessinée américaine, avec l’ouverture le 26 avril de l’exposition Sin City. Pour la première fois en France et dans le monde, une trentaine de planches originales de Frank Miller, issues de Sin City, seront exposées en galerie, et exceptionnellement mises en vente jusqu’au 22 mai. Une occasion unique de découvrir les originaux d’une oeuvre culte, que son succès phénoménal, alimenté par l’adaptation cinématographique qu’en ont fait Frank Miller et Roberto Rodriguez, a largement popularisé." 

Et vous savez quoi ? Il ne faut surtout pas rater ça !

Et c'est où ? Au 4 RUE CRÉTET, dans le 9ème.

Et si vous voulez voir toutes les planches exposées, comme celle-ci, voire les réserver, une seule adresse :  WWW.GALERIE9ART.COM

 

lundi 23 avril 2012

[Chronique délocalisée] - Tif et Tondu presque au bout de la route

J'ai déjà eu dans ces pages l'occasion de dire combien j'appréciais la réédition en intégrale des inaltérables Tif et Tondu, immortalisés par les pinceaux de Will, et le talent de ses scénaristes successifs : Rosy, Tillieux, Desberg et Lapière. Le onzième et avant-dernier volume de cette intégrale, paru il y a peu, est un peu particulier, puisqu'il regroupe les toutes dernières aventures dessinées par Will, qui allait alors pouvoir se consacrer à son " jardin des désirs", dans un registre beaucoup plus sensuel. Mais cela ce sont d'autres histoires, et en attendant de les redécouvrir elles aussi, lisez donc "Sortilèges et Manipulations", dont je vous parle plus longuement dans les pages de k-libre, juste ici 

vendredi 20 avril 2012

[Chronique manga] - L'affaire Sugaya

Il y avait bien longtemps que je ne vous avais pas parlé manga dans ces pages, et c'est bien dommage. Aujourd'hui, voici donc l'Affaire Sugaya, dont le sous-titre complet est – La vérité sur les affaires d'enlèvements et de meurtres en série de fillettes du Kita-Kanto. Rien que ça.
Pour compléter le générique : scénario Hiroshi Takano, dessin Kenichi Tachibana, mais aussi direction éditoriale : l'équipe d'enquête du programme Action du service des Informations de Nippon Television.
Et voilà pourquoi sur la couverture le dessin n'est pas un portrait de Sugaya, l'homme accusé à tort, mais une caméra moderne, accompagnée de deux cartes de presse.

Ce manga raconte en fait une histoire qui s'est réellement passée au Japon en 2008 – 2009, et comment un journaliste d'investigation, Kyoshi Shimizu, a repris une enquête close depuis longtemps et permis la libération d'un homme emprisonné à tort depuis plus de 15 ans.
Mais reprenons les faits.
En 1991, un chauffeur de bus de 45 ans, Toshikazu Sugaya, est arrêté pour le meurtre d'une fillette. Il passe rapidement aux aveux, et sa culpabilité est confirmée par une expertise ADN. Par la suite, il se rétracte, mais ni l'appel, en 2000, ni une demande de révision de procès, en 2002, n'aboutissent. Fin du premier épisode Sugaya.
En 2008, la chaine NTV lance un nouveau concept d'émission d'info, le programme Action, qui mobilise des équipes de journalistes sur un sujet, que chaque équipe suit de manière continue pendant 1 an. Objectif avoué : prouver que le journalisme peut encore avoir un impact sur la société, à un moment où il n'est plus vraiment considéré comme un contre-pouvoir. Et parmi les journalistes se trouve Kyoshi Shimizu, un type un peu étrange, pas forcément compris de ses confrères, qui déclare à son directeur vouloir mener une enquête sur une série de 5 enlèvements et meurtres de fillettes, perpétrés de 1979 à 1996... Et parmi ces 5, il y a celui de 1990, pour lequel le tueur, Sugaya, est déjà en prison. L'hypothèse de Shimizu est la suivante : les 5 meurtres sont ceux d'une même tueur et ce n'est pas celui qui est en ce moment sous les barreaux.
Le journaliste a le feu vert de sa chaîne pour se lancer dans l'enquête et en fait, Shimizu commence par reprendre par le menu le déroulement de l'affaire Sugaya, et   il fait sensation dès la première émission . Car de fil en aiguille, du témoignage incohérent du présumé coupable jusqu'aux manquements, erreurs et omissions troublantes de la police dans ses investigations, Shimizu montre que son hypothèse n'est pas aussi insensée que certains le pensent, et la suite de ses recherches va lui donner raison.
Mais cela, je vous laisse le découvrir au fil des pages, qui ménagent un vrai suspense, pour nous occidentaux qui ne connaissons rien de cette affaire.

Une des grande réussites de ce manga, est de tenir en haleine sur deux fronts : celui de l'affaire des enlèvements, et celui de l'enquête de Shimizu en elle-même. Comment va-t-il bien s'y prendre pour remettre en cause ce que tout le monde tient pour acquis, la famille de la victime elle-même ? Tout le suspense est là.

Côté graphisme, le trait de Tachibana est plutôt réaliste, dans la veine de celui de Death Note. Bien entendu, les caractéristiques du dessin manga sont bien là, comme cette manière de souligner certaines émotions en faisant perler des gouttes de sueur au visage des peronnages, ou d'accentuer la force de certaines scènes par des traits de vitesse (vous savez, ces hachures...). Mais au final, le dessin est plutôt apaisé, en opposition avec la fébrilité et l'excitation de Shimizu et son équipe.
Car c'est aussi un autre aspect sympa du début de ce manga, quand Shimizu recrute un caméraman hors-pair, une reporter free-lance assez cocotte, un preneur de son taciturne et un chauffeur amateur de choses compliquées. C'est un peu Mission Impossible...
Je terminerai en vous précisant que « L'affaire Sugaya » est un one-shot, comme on dit vulgairement pour les histoires en un seul tome, et que vous n'avez pas à craindre de vous embarquer dans une saga à n'en plus finir.

L'affaire Sugaya, l'historie vraie d'un homme accusé à tort
scénario Hiroshi Takano, et dessin Kenichi Tachibana
Delcourt / Akata, 2012 - 200 pages environ - Noir et Blanc - 7,99 €

La couverture est copyright :  VS. - KITAKANTO RENZOKU YOJO YUKAI SATSUJIN JIKEN NO SHINJITSU © 2010 by Hiroshi Takano, Kenichi Tachibana / SHUEISHA Inc., NTV

mercredi 11 avril 2012

Goldman, Bekame, Powers, The Boys, Naja... La rafale de mars !

Bon. Mon dernier billet sur Bédépolar a maintenant près de quatre semaines, ce qui confirme que ce n'est pas nécessairement dans mes pages que vous entendrez parler de la dernière nouveauté polar de la semaine... Mais cela, vous l'aviez sûrement remarqué... A la frénésie quotidienne de nos vies familiales et professionnelles, où il y a toujours quelque chose d'urgent à faire, je refuse de m'en rajouter une couche sur ce blog, et je vous parle des bandes dessinées qui me plaisent... quand je trouve le temps de vous en parler. Et souvent, mes chroniques sont assez longues – et encore – car c'est le meilleur moyen d'essayer de vous faire entrer dans l'univers des auteurs, au moins d'en aborder le rivage. En attendant que vous embarquiez pour de bon en lisant l'album. Mais je trouve tout de même le temps de lire beaucoup, et il me semble que, de temps en temps, vous faire profiter des derniers titres qui m'ont plu, dans une présentation express ne pouvait pas faire de mal... Et vous avez encore une chance de trouver les albums, tous sortis dans les dernières semaines... Voici donc « La rafale de mars »

Le pavé du mois est sans conteste « Pierre Goldman, la vie d'un autre », d'Emmanuel Moynot chez Futuropolis. Un pavé, et un ovni, un peu : 208 pages en noir et blanc, dont une bonne moitié d'entretiens, pour un « livre-enquête à la mesure même du personnage hors du commun que fut Pierre Goldman ». Fils de résistants, militant d'extrême gauche, guérilléro au Vénézuela, ganster, écrivain... Goldman est mort assassiné à Paris en septembre 1979. Jamais les responsabilités de cet assassinat ne furent clairement établies, malgré la revendication d'un commando baptisé« Honneur de la police »... Moynot a construit un récit à la première personne, mais du point de vue de Goldmann. C'est étonnant, dense, prenant, instructif, et nécessite une lecture en plusieurs temps. Cela conduit aussi à se poser la question de savoir ce qui a motivé Moynot à s'emparer d'une telle histoire et à cet égard les dernières pages dessinées « Je ne suis pas Pierre Goldman » (164-167) donnent quelques clés. Mais si vous voulez aller encore plus loin sur cet album et sur Goldman, réécoutez la Fabrique de l'Histoire, diffusée le vendredi 9 mars sur France-Culture (www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-table-ronde-fiction-du-vendredi-090312-2012-03-09).

L'autre album marquant chez Futuro est le premier volume de « Békame » signé Jeff Pourquié et Aurélien Ducoudray (auteur de l'excellent « La faute aux Chinois »). L'histoire est celle de Bihel, jeune garçon arrivé clandestinement dans le Pas-de-Calais, où habite son frère Ahmed depuis deux ans. Bihel est à la recherche de ce frère avec qui il projette de rallier l'Angleterre. Mais en attendant des jours qu'il espère meilleurs, c'est plutôt le quotidien sordide des sans-papiers que doit subir le jeune garçon. Il trouve tout de même le soutien d'un monsieur Assane, rencontré à l'entraînement de l'équipe de foot des jeunes du quartier, et qui va le ramener chez lui, en attendant qu'il retrouve son frère. Mais quand Bihel y parviendra, Ahmed ne sera plus tout à fait le même... On ne dira jamais assez combien Jeff Pourquié est un dessinateur hors du commun, qui, en quelques cases, sait faire entrer le lecteur dans la tête de ses personnages et partager leurs états d'âme. Et dans ce scénario, superbe, de Ducoudray, directement issu de deux reportages sur les migrants clandestins, ils en ont, des états d'âmes, les personnages... Leurs difficiles conditions de vie sont ici racontées avec justesse et empathie.

On change de registre chez Dargaud, avec "Atlantique" le deuxième volet de la trilogie des « Chroniques Outremers », de Bruno Le Floc'h. On y retrouve le cargo Saroya, en pleine première guerre mondiale, en route vers le Mexique, avec à son bord un équipage aux ordres d'un capitaine charismatique, mais affecté par la maladie, et une poignée de révolutionnaires Mexicains prêts à se saisir d'armes cachées dans la cale du cargo... Il souffle un esprit d'aventure qui n'est pas sans rappeler celui qui hantait les pages de Corto Maltese dans ce périple à la fois historique, romantique (car la Femme n'est pas loin...) et mystérieux. Les images de le Floc'h sont lentes, en contraste avec l'âpreté et le tumulte des éléments dans lesquels il plonge ses personnages. Cet album est certainement le moins « polar » de cette sélection, mais il en utilise certains ressorts, et surtout, il est extrêmement plaisant à lire.

« Naja », de Bengal et Morvan, chez le même éditeur, ressort en intégrale, et là, on est par contre en plein dans le genre : voici une tueuse à gages – Naja, c'est elle – assez particulière, puisque depuis toute petite, elle ne ressent aucune douleur. L'autre particularité c'est son appartenance à un réseau international de tueurs, ultra-secret, où elle occupe la place de numéro 3. Et voici qu'un contrat est mis sur sa tête, et c'est le numéro 1 qui est chargé de l'exécution... Etrange situation, d'autant que le tueur n°2 ne va pas tarder à entrer dans la danse. Cette série de Jean-David Morvan, dont l'oeuvre est parsemée de références au Japon, est assez fascinante et au fil des 5 tomes, il dénoue le fil d'une intrigue qui mène le lecteur par le bout du nez, et lui fait sillonner la planète entière. Le dessin de Bengal, nerveux et tranchant, emprunte pas mal au manga, en particulier dans les nombreuses scènes d'action. L'intégrale propose un épilogue inédit de quatre pages... que je n'ai pas encore lu puisque cette intégrale sort le 20 avril (pas mal, pour les lectures de mars, pas vrai ?).

Une autre intégrale , chez Panini comics, celle des épisodes 1 à 14 du comic choc de Garth Ennis : « The Boys ». Sous-titre de ce tome 1 : «ça va faire très mal ! »... Et en effet, ça fait mal... pour les super-héros de tous poils. La série est construite sur une idée basique : les justiciers en costumes sont peut-être utiles à la société, car ils luttent contre le Mal, mais ils ont tendance à ne pas trop faire attention aux dommages collatéraux dans leurs combats contre les super-vilains. Une équipe spéciale de cinq agents de la CIA, menée par « Bill Butcher », est chargée de remettre les « gugusses à super pouvoirs » dans le droit chemin quand ils vont trop loin. Ce qui est certain, c'est que Ennis n'hésite pas une seconde à dépeindre les gentils comme des êtres complètement dépravés, névrosés, sadiques... bref, des modèles pour la jeunesse. Ce premier volume, cartonné et sous jaquette, est agrémenté d'un cahier de croquis de recherches pour les personnages de Darick Robertson, court mais assez intéressant.

Une autre approche, beaucoup plus subtile, du monde des super-héros via des enquêtes policières les impliquant, est celle de Brian Michael Bendis et Michael Avon Oeming, dans leur série « Powers ». Panini ressort les deux premiers tomes (épuisés) « Qui a tué Retro-Girl ? » et « Jeu de rôle », parus initialement à l'aube des années 2000. Là, on suit les enquêtes de l'inspecteur Christian Walker, et de son adjointe Deena Pilgrim.
Dès le premier volume, on est au cœur du sujet : une super-héroïne adulée des foules a été retrouvée assassinée, et la police ne dispose que de très maigres pistes. Mais Walker a un peu plus de chance que les autres de pouvoir faire éclater la vérité car il a lui-même été un de ces justiciers encapés, sous le nom de Diamond, et a très bien connu Retro Girl quand il luttait contre les Méchants à ses côtés. Le problème est qu'il reste mystérieux sur ce passé et que sa coéquipière n'est pas au courant, au début... « Powers » est certainement la création la plus originale de Bendis, et fait un peu le lien entre les excellents comics de ses débuts, 100 % polar eux (Torso, Jinx...) et la suite de sa fulgurante carrière comme scénariste de Spider-man, Daredevil, Avengers. On retrouve dans Powers cette mise en page si particulière, avec notamment cette façon de construire des planches entières à partir d'images quasi-identiques, et où le lecteur suit la conversation grâce aux bulles reliées entre elles, et qui le font entrer au cœur des scènes. Une ré-invention du plan séquence du cinéma, en quelque sorte. Autre caractéristique, le double niveau de lecture de la page : pendant que l'action principale se déroule sur les deux-tiers de cette page, le dernier tiers est occupé par une autre action, au format strip, relatant, par exemple, des interventions télévisuelles qui commentent l'action principale. Powers fourmille d'idées de ce type, et comme les scénarios sont excellents, vous comprendrez que vous avez là une véritable pépite de la BD américaine, d'ailleurs couronnée d'un « Eisner Award » dès ses débuts en 2001. Cette réédition est une excellente occasion de redécouvrir cette série, et ne vous laissez pas influencer par le trait d'Oeming, qui fait parfois un peu « dessin animé ».

Je terminerai pour cette revue de mars par le superbe album de Alcante et Fanny Montgermont, paru chez Dupuis dans la collection Aire Libre: « Clair-obscur dans la vallée de la lune ». L'histoire est celle de Jose Suarez, guide touristique et homme taciturne, presque ombrageux, qui va conduire Joan, une jeune Américaine, sur les hauts-plateaux du Chili, seule, alors que Jose a plutôt l'habitude d'emmener avec lui des groupes de quatre ou cinq touristes. La distance prise au départ par le guide va se muer progressivement, au fil des événements du voyage et des conversations, en proximité avec la jeune touriste, et tous les deux vont ressortir de cette rencontre complètement différents. Joan va devenir celle qui va permettre à José de surmonter un passé qui le tient en joue depuis trop longtemps, et comme il le pense d'ailleurs « En fait, c'était elle qui était en train de me guider ». Alternant de magnifiques pages de paysages, lumineuses, avec celles des jours anciens, sombres, du guide, et en mettant en scène des personnages féminins d'une grande force psychologique, Alcante et Montgermont donnent à lire un album sensible et sensuel. Ou comment, puisque nous sommes ici sur Bédépolar, une histoire personnelle mal engagée aurait pu virer au roman noir et la déchéance,.. et bascule finalement vers le renouveau et l'espoir. Alors, évidemment, un album qui sort un peu de mon genre de prédilection, le polar, mais qui fait partie de ces bandes dessinées qui emmènent le lecteur ailleurs, loin, et le font avancer.