samedi 8 septembre 2012

[Chronique] - Juarez, de Sergeef et Rouge (Glénat)

Gaël arrive au Mexique, à Ciudad Juarez, avec l'espoir d'y retrouver sa sœur Gabriela, disparue depuis plusieurs mois ; sur place, il se rend chez Emilio, propriétaire d'une blanchisserie, le dernier endroit où travaillait Gabriela. Gaël y fait la connaissance d'Almania, fille d'Emilio, elle aussi morte d'angoisse depuis la disparition de Gabriela, avec qui elle avait sympathisé. Elle se souvient lui avoir dit de ne pas trop traîner avec Esperanza, une femme courageuse et obstinée, à la tête d'une association qui lutte pour faire éclater la vérité et la justice sur les centaines de femmes assassinées à Juarez. Gaël mène une enquête difficile, où ses pas lui font frôler un danger quotidien, en particulier lorsqu'il suit la trace d'Horacio Del Castillo, puissant chef de cartel. Mais c'est auprès de cet homme que la piste est la plus sérieuse pour retrouver la trace de Gabriela...

Sur fond d'une série de faits divers authentiques et d'une noirceur abyssale, Nathalie Sergeef et Corentin Rouge ont construit un polar assez original par son scénario à rebondissement final. La difficulté de leur entreprise était de ne pas simplement se « servir » de la situation dramatique des femmes de Juarez – situation qui perdure depuis presque vingt ans – comme simple décor à une intrigue, aussi judicieuse soit-elle. Il fallait réussir à faire passer autre chose qu'un bon moment au lecteur, lui faire prendre conscience de certaines réalités, sinon... à quoi bon ? Les deux auteurs s'en tirent assez bien, et ils réussissent à assurer une certaine gravité de ton à leur histoire. L'apport du dessinateur est à ce titre essentiel : Rouge, qui dans le dossier de presse confesse « … impossible d'échapper à quelques images un peu difficiles... » , a une justesse de trait dans tous les visages qu'il dessine, et réussit à faire passer toutes les émotions vécues par les personnages. Une réelle tension court par ailleurs tout au long des pages, et elle émane à la fois de la progression de l'enquête de Gaël et de l'environnement de corruption et de suspicion dans lequel il est plongé.
Cet album n'est évidemment pas un documentaire sur ce qui se passe à Ciudad Juarez depuis si longtemps, et n'a pas la force de l'immense roman de Patrick Bard « La Frontière » (exactement sur le même sujet), mais « Juarez » a le grand mérite d'être à la fois une bande dessinée au  scénario  très prenant et une fenêtre ouverte sur un drame de notre siècle.

Juarez
Scénario  Nathalie Sergeef et dessins Corentin Rouge
Glénat, 2012 – 72 pages couleur – Collection Grafica
14,95 €

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