mercredi 29 mai 2013

[Flons-flons & Paillettes] - Le Prix SNCF du Polar / BD 2013 à "Un léger bruit dans le moteur" (Physalis)

Le verdict est tombé hier vers 20h à la Gaité Lyrique à Paris : les lecteurs-voyageurs ont porté en tête l'album "Un léger bruit dans le moteur" pour la deuxième édition du Prix SNCF du Polar BD. Une belle récompense pour Jonathan Munoz (dessinateur) et Gaet's (scénariste), sans oublier Jean-Luc Lucciani, auteur du roman éponyme dont cet album est une adaptation.
Comme l'a fait remarquer le monsieur loyal de la soirée, le toujours impeccable Jean-Pierre Dionnet , plus question maintenant de confondre Jonathan Munoz, qui signe ici sa première bande dessinée, avec José Munoz, créateur avec Sampayo d'Alack Sinner. D'ailleurs, allez donc faire un tour sur le site de Jonathan, vous verrez un peu de quoi l'oiseau est capable...
Bravo donc aux lauréats, et aux éditions Physalis, qui ont cru dans ce projet, un peu barré, de deux jeunes auteurs. Notons au passage que ce prix, dont un des objectifs avoués est de faire découvrir des nouveaux talents, a réussi son coup pour cette deuxième édition. 
Jonathan Munoz à Gaet's : cette fois, je crois bien qu'on le tient, le trophée !
 La sélection pour le prix 2014 est en cours de constitution, et vous la connaîtrez très vite grâce à Bédépolar. Et pour cette troisième édition de la branche BD du prix, il sera possible de voter via internet. Donc : affaire à suivre !
Et pour n'oublier personne, sachez aussi que le prix polar SNCF du roman est allé à Jérémie Guez pour "Balancé dans les cordes" (La Tengo éditions) et le prix polar SNCF du court-métrage est allé lui à "Kérozène" de Joachim Weissman (Artémis productions).
Champagne pour tout le monde !
Gaet's, Munoz et MC Dionnet

dimanche 26 mai 2013

[Nouveauté] - Tueurs de mamans 1 (Zidrou, Ers et Borecki)

Elles sont cinq, plutôt cocottes, des ados bien dans leur peau et dans leur tête, enfin... presque !
Elles ont tout de même des soucis avec leurs mères respectives, à tel point qu'elles ont formé un ordre secret  - les nonnettes - au sein même du collège, pour y discuter de leur quotidien un peu trop difficile à leur goût... La seule condition pour y entrer : ne pas avoir de père. Elles se réunissent régulièrement dans un local bien à elles, une chapelle oubliée de ce collège qui fut catho, dans un autre siècle. Et, au cours d'une séance d'intronisation d'une nouvelle membre, la fougueuse Toronto, Anggun, l'accro de l'ordi, tombe sur un site étrange : Castigo. Il suffirait de désigner une personne   dans un formulaire, d'indiquer un châtiment, de payer.. et d'attendre que la victime reçoive sa punition. Les filles se lâchent et remplissent cinq formulaires, avec des châtiments plus ou moins sévères... Cela va de la claque à... beaucoup plus meurtrier ! Un peu dubitatives, elles se rendent compte que le site n'est pas une arnaque et qu'un curieux exécuteur des peines officie avec efficacité... Mais jusqu'où ira-t-il ?

Première partie d'une histoire-choc signée Zidrou, qui décidément confirme son talent pour le polar (cf : La Peau de l'ours, Le Client), avec en prime ici un sens aiguisé du suspense qui fait entrer ce dyptique dans la catégorie du thriller, le vrai, celui où l'on frissonne . Ses héroïnes ados sont très crédibles, leur quotidien également, et les relations mère-filles sembleront à coup sûr des plus criantes de vérités à plus d'une lectrice... jeune ou pas ! La réussite du scénario tient à la fois dans justement à ce que l'histoire imaginée par Zidrou se déroule dans un cadre solide, familier, et que d'une vengeance virtuelle, ludique presque, on passe à un concret beaucoup plus sordide, froid. Il y a, au-delà de l'aspect thriller annoncé,  une critique claire d'une société numérique qui échappe à l'être humain, et dont il peut devenir le jouet. Le dessin du tandem Ers-Borecki appartient à l'école franco-belge et il reste un soupçon de légèreté au trait du duo, qui crée ce petit décalage avec le propos, au final assez sombre, du scénario. "Tueurs de maman" appartient à cette même famille de bandes dessinées pour la jeunesse, comme le fut ""Bidouille et Violette" (certes dans un autre genre) et l'est actuellement "Seuls", où l'on ose dire des choses importantes sur l'enfance, l'adolescence, en s'adressant directement aux enfants et ados, via un dessin à priori "classique", et inoffensif ... Zidrou a un jour déclaré qu'il était un "scénariste de bande dessinée à gros nez qui a décidé de faire des scénarios un peu plus compliqués" (ici  sur l'excellent blog madmoizelle.com) : il semblerait bien cette fois qu'il ait réussit à allier les deux.
Ce tome 1 est donc une grande réussite, reste à conclure cette histoire aussi bien qu'elle a été entamée : il n' y aura pas longtemps à patienter puisque le tome 2 est annoncé pour juin...


Tueurs de mamans 1 - Castigo
Scénario Zidou ; dessins Ers et Borecki
Dupuis, 2013 - 48 pages - 12 €

mercredi 1 mai 2013

[Nouveauté] - Lartigues et Prévert par Benjamin Adam (La Pastèque)

Lartigues, c'est celui qui est barbu, enfin, plus pour très longtemps. Prévert, c'est celui qui est propriétaire de l'épicerie du bourg. Enfin, plus pour très longtemps non plus. Tous les deux ont l'air d'avoir comme des ennuis, et voilà pourquoi ils lâchent leur magasin, et essayent de se faire oublier, juste quelques jours, le temps que l'affaire se tasse. L'affaire ? Une histoire de cadavre ensanglanté, retrouvé dans le coffre d'une R12 abandonnée avec son chargement, bien sûr, devant le garage du bourg. Pas très content le garagiste... surtout quand la police le place en garde à vue. Et que la R12, elle aurait plutôt été conduite par Lartigues, pour la dernière fois... Voilà pourquoi Lartigues a préféré se terrer avec Prévert dans cette vieille maison familiale oubliée de tous, à Machault, dans les Ardennes. Mais les deux hommes ne semblent pas attendre que le temps passe avec la même sérénité...

Alors là, ami(e)s du polar, voici un des albums de l'année, rien de moins. Entièrement réalisé par Benjamin Adam, il séduit d'abord par son aspect extérieur : couverture mystérieuse à la composition éclatée, dans un style art déco revisité, et dos toilé très soigné. Impeccable.  Et dès qu'on tourne cette première page, apparaît, avant-même la page de titre, une galerie de portraits : treize visages qui donnent leur avis sur "le fils Lartigues",  treize anonymes semblant répondre à un invisible journaliste, enquêteur, curieux... Et voici le lecteur plongé dans le bain immédiatement, avec cette page pré-générique, qui indique d'entrée que  le récit va se construire par touches successives. Passé cette séquence initiale, on suit donc le voyage et l'arrivée du duo, sous la neige, dans un village reculé, et leur installation dans la maison - abandonnée, presque - d'une tante de Lartigues. Une maison figée dans le temps, dont la mémoire est enfouie dans ces cartons qui traînent un peu partout. Une maison gardée par un blaireau empaillé, immortalisé dans une drôle de posture. Petit à petit, dans cette atmosphère étrange et poussiéreuse, la relation entre les deux hommes s'assombrit, en même temps que l'histoire progresse et s'éclaircit. Benjamin Adam alterne les séquences avec Lartigues et Prévert, et leur manière bien différente de faire face à leur situation préoccupante, avec des pages présentant des éléments-clés de l'intrigue, que ce soit des objets (la R12, la carabine) ou des personnes. Ces coupures sont franchement marquées, visuellement, par une mise en  couleur radicalement différente (rouge et noir, vert et noir), qui tranche avec le gris-bleu / noir des pages avec le tandem. Coté lecture, la mise en page est assez audacieuse, puis que l'oeil doit suivre un chemin lui aussi différent pour toutes ces double-pages qui sont presque des interludes, l'une d'elle étant même qualifiée d'"entracte". C'est d'ailleurs l'une des plus originales de l'album. 
 
Il faut aussi dire un mot  du lettrage, réellement réussi, et qui participe lui aussi à ancrer l'histoire dans les années 70 où elle se déroule. C'est un autre aspect intéressant de "Lartigues et Prévert", la restitution de cette époque où on fume dans les trains,  où les cabines téléphoniques à pièce peuvent devenir le seul moyen de communication...  et où la mise en examen s'appelait encore la garde à vue...  Graphiquement superbe, "Lartigues et Prévert" n'oublie pas d'être un album au suspense maintenu jusqu'au bout, avec des personnages attachants, solidement construits et aux comportements et réactions crédibles, face aux événements qu'ils traversent. C'est un album extrêmement riche, de la famille de ceux qu'on peut lire et relire en y trouvant toujours autant de plaisir. Regardez dans votre bibliothèque : ces albums sont rares, pas vrai ? Vous pouvez y rajouter "Lartigues et Prévert".

Lartigues et Prévert 
Textes et dessins de Benjamin Adam
La Pastèque, 2013 - 130 pages couleur - 23 €