mardi 31 décembre 2013

[Top 12] - La sélection 2013 de Bédépolar

Très attendue par mes nombreux-ses fans (levez la main que je puisse vous compter... Ah, 2 684 784, mais j'en ai vu qui ont levé les deux mains, l'habitude des braquages,peut-être ?), voici enfin la liste de mes albums préférés de l'année, versant polar, évidemment. Pour celles et ceux qui passent ici par hasard, sachez que ce classement est par ordre alphabétique éditorial inversé, (je sais, ça fait mal à la tête) et que je me suis arrêté aux 12 BD qui m'ont le plus plu, qui m'ont procuré le plus de plaisir, quoi. Si vous cliquez sur "la suite sur...", vous tombez soit sur une de mes chroniques, soit sur celle d''ami(e)s du noir en case. Bon, assez causé. Place au palmarès.


Revanche 2 - Société anonyme
Texte Nicolas Pothier et dessin Jean-Christophe Chauzy
Treize Etrange, 2013 – 48 pages couleur - 13,90 €

Alors voyons, commençons par ce qui se passe au dos de cet album. Le texte d'accroche est un peu mystérieux : "Je m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la justice sociale. Avec ou sans arme".... (la suite sur Bédépolar)


Chapeau Melon et Bottes de cuir
Scénario Grant Morrison et Anne Caulfield, dessins Ian Gibson.
Soleil, 2013 - 143 pages noir et blanc -20 €
Bon, alors celui-là, c'est vraiment pour les fans - comme moi - des Avengers périodes Emma Peel / Tara King. En deux histoires ("Le jeu d'or", par Morrison et "Arc-en-ciel mortel" par Caulfeld), nous voici replongés en plein dans l'univers de la série, et les auteurs ont vraiment respecté l'esprit de celle-ci. C'est pas difficile, on croirait "voir" deux épisodes inédits... Le dessin de Gibson en déroutera plus d'un(e) mais les  fans de Juge Dredd, (oui c'est lui aussi... parmi d'autres) apprécieront certainement sa version du trio de choc Steed / Peel / King. Sans oublier Mère-Grand... Pour les fans, je vous dis !


Lartigues et Prévert 
Textes et dessins de Benjamin Adam
La Pastèque, 2013 - 130 pages couleur - 23 €
Lartigues, c'est celui qui est barbu, enfin, plus pour très longtemps. Prévert, c'est celui qui est propriétaire de l'épicerie du bourg. Enfin, plus pour très longtemps non plus. Tous les deux ont l'air d'avoir comme des ennuis, et voilà pourquoi ils lâchent leur magasin, et essayent de se faire oublier, juste quelques jours, le temps que l'affaire se tasse. L'affaire ? Une histoire de cadavre ensanglanté, retrouvé dans le coffre d'une R12.... (la suite sur Bédépolar)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014


Crève saucisse
Scénario Pascal Rabaté et dessins Simon Hureau
Futuropolis, 2013 - 80 pages couleur - 17 €
Didier, artisan-boucher indépendant, est toujours aimable et avenant envers sa clientèle. Cependant, quand il n’y a personne dans la boutique et que sa femme Sandrine est allée faire des courses, il se déchaine dans le frigo de l’arrière-boutique, à coups de hachoirs, sur une carcasse de veau. « Crève, salaud ! ». Son fils Arthur le surprend dans cet état de rage. Didier se rattrape avec un « Crève saucisse » peu convaincant… (la suite sur Planète BD)


Silas Corey 1 et 2 - Le Réseau Aquila
Scénario Fabien Nury et dessin Pierre Alary
Glénat, 2013 - 64 pages couleurs - 14,95 €
Silas Corey est un brin détective, un poil espion, plutôt patriote mais attiré par l’argent, il oscille entre le statut de héros ou la casquette de l’escroc. Bref, c’est l’homme de toutes les situations ! À Paris, en pleine Première Guerre mondiale, le voilà qui enquête sur la disparition d’un reporter louche et d’un timbre recelant des secrets, à la fois pour le compte de l’opposant Georges Clemenceau et pour celui du 2e Bureau (les services secrets français). Et peut-être aussi pour une riche marchande d’armes, aux motivations obscures… (la suite sur Bodoï)


J'aurai ta peau Dominique A
Scénario Arnaud Le Gouefflec et dessin Olivier Balez
Glénat, 2013 - 54 pages couleur - 16 €
Ca ne va pas fort pour Dominique A. Le chanteur reçoit d’inquiétantes lettres anonymes et craint pour sa vie. Il tente d’aller trouver refuge et compassion auprès l’un de ses meilleurs amis, son collègue Philippe Katerine. L’idée d’utiliser un artiste réel et vivant, encore en activité — dont le dernier album, Vers les lueurs, est magnifique —, pouvait laisser dubitatif. J’aurai ta peau Dominique A enchante pourtant, grâce à une finesse, un réel sens du suspense et un humour contagieux... (la suite sur Bodoï)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014


Millenium 1 et 2 - Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
Scénario Runberg et dessins Homs, d'après la trilogie de Stieg Larsson
Dupuis, 2013 - 64 pages couleur chaque - 14,50 €
On a lu — et apprécié — la trilogie de Stieg Larsson, parue en Suède entre 2005 et 2007. Puis on a vu débarquer le film (suédois, puis américain), la série télé, et même le feuilleton radiophonique. De quoi se demander s’il y avait vraiment besoin de tirer de Millénium une bande dessinée… On a donc ouvert l’adaptation de Sylvain Runberg (au scénario) et José Homs (au dessin) avec méfiance, cherchant les signes attestant que le livre n’était qu’un produit dérivé sans âme, destiné à faire sonner le tiroir-caisse de l’éditeur. Aucun ne nous a sauté au visage. En quelques pages, on était replongé dans une histoire complexe, brutale, mystérieuse... (la suite sur Bodoï)

On dirait le Sud 2 - La fin des coccinelles
Scénario Cédric Rassat et dessinRaphaël Gauthey
Delcourt, 2013 - 64 pages couleur - 14,95 €
La PME locale qui s’apprête à licencier, le représentant syndical en pleine corruption, un demi-frère qui perturbe un enterrement, et un tueur en série qui rôde... L’atmosphère de cet été s’en trouve d’autant plus alourdie. Et pendant ce temps-là, les gendarmes tournoient au-dessus de la ville dans leurs hélicoptères, guettant les abus de consommation d’eau... (la suite sur Actua BD)


Tyler Cross
Scénario Fabien Nury et dessins Brüno
Dargaud, 2013 - 104 pages couleur - 16,95 €
A celui qui pourrait le prendre pour un autre, Tyler Cross rappelle volontiers son pedigree : "Je suis braqueur, pas trafiquant". Et peu importe qu'en face de lui se tienne le vieux Di Pietro, vieux parrain local de la mafia texane : Tyler Cross est du genre à ne pas se laisser emmener là où il n'a pas décider d'aller. Il accepte pourtant l'étrange contrat que lui propose le mafieux sur le déclin : s'emparer de 20 kilos d'héroïne en possession de Tony Scarfo, fils d'"un ami de Chicago - c'est même le filleul de Di Pietro - en échange de 150 000 dollars ....(la suite sur Bédépolar)

La colère de Fantômas 1 : Les Bois de justice
Scénario Olivier Bocquet ; dessin et couleur Julie Rocheleau
Dargaud, 2013 - 60 pages couleur – 13,99 €
21 août 1911. L'homme le plus célèbre et le plus redouté du moment est sur le banc des accusés : l'insaisissable Fantômas fait face à ses juges pour répondre du meurtre de Lord Bentham. Tout repose sur le témoignage de madame Flanquet, la respectable cuisinière des Bentham, et en particulier sur le fait que l'honnête femme ait immédiatement reconnu l'arme du crime, la broche à rôtir de l'office... Fantômas n'est bien entendu pas criminel à s'en laisser compter par le petit personnel, et, comme il est son propre avocat dans ce procès, il demande à avoir en main la fameuse broche... (la suite sur Bédépolar)

Canicule
Scénario et dessin Baru d'après le roman de Jean Vautrin
Casterman, 2013 - 104 pages couleur - 18 €
Aniello observe planqué dans un champ de blé Bogart enterrer une pleine valise de billets avant de croiser la route d'Al Capone filochant Bogart à bord d'une décapotable blanche. Nous sommes en pleine Beauce sous une chaleur caniculaire et tous ces personnages ne sont pas des mirages mais des surnoms distribués allègrement par Chim, jeune adolescent battu par son beau-père dans une ferme où tous sont d'étranges personnes... (La suite sur k-libre.fr)


Mon ami Dahmer
Scénario et dessins Derf Backderf
ça et là, 2013 - 222 pages noir et blanc - 20 €
Derf Backderf : derrière ce nom étrange se cache un journaliste et cartooniste qui délivre une bande dessinée autobiographique un brin particulière. L'auteur relate sa dernière année d'études dans une petite ville de province américaine avant de partir pour l'université, et s'attache à dépeindre l'un de ses camarades de classe, Jeffrey Dahmer, qui deviendra l'un des pires serial killers des États-Unis. Le "Cannibale de Milwaukee" tel qu'on le surnommera a en effet vécu une enfance, et il est intéressant d'essayer de déterminer à quel moment l'enfant devenu adulte se transforme en bête immonde et meurtrière... (la suite sur k-libre.fr)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014

dimanche 15 décembre 2013

[ça va cogner] - Revanche, prénom : Thomas. L'ange purificateur (économique) de Pothier et Chauzy...

Alors voyons, commençons par ce qui se passe au dos de ces deux albums. Le texte d'accroche est un peu mystérieux :
"Je m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la justice sociale. Avec ou sans arme".
Quant au dessin qui accompagne cette entrée en matière, que raconte-t-il ?
On y découvre le dénommé Revanche, bien droit sur le trottoir, une clope à la main, dans un costume bleu impeccable, et une coupe de cheveux qui ne l'est pas moins. Une tête, à lunettes, de premier de la classe : ça, c'est pour le premier boulot. Mais il y a forcément autre chose, et elle se trouve de l'autre côté de la rue, là où le regard de Revanche se pose, : la vitrine du bouquiniste "Les Raisins de la colère".
En fait, c'est la porte de cet endroit chargé de livres, et de sens, que viennent franchir les outragés de la société, celles et ceux qui sont broyés par un patron, un chef de service, un collègue harceleur... et qu'ils viennent prononcer la phrase magique : "Bonjour, je viens prendre ma revanche". Et là, Thomas entre en scène pour son deuxième boulot, celui qui lui permet de se faire un pourfendeur, à coups de poing, d'un monde du travail vraiment trop pourri. Et franchement, on peut se dire que ça fait du bien de voir enfin quelqu'un défendre la cause du peuple d'une manière aussi radicale...
En douze histoires courtes (chaque album en contient six) de huit pages chacune, Nicolas Pothier et Jean-Christophe Chauzy font intervenir son "héros" contre, entre autres, un fabricant de silicone douteux, des exploiteurs de travailleurs sans papiers, un flic harceleur conduisant une collègue au suicide, un patron qui vide son usine le week-end pour la reconstruire en Chine, un marchand de sommeil abusant de la faiblesse d'une vieille dame... N'en jetez plus, on se croirait au 20 heures (enfin, je sais pas, le 20 h, ça fait longtemps que je regarde plus, vu la manière dont sont traités les sujets, mais je m'égare...), en tous cas dans les pages "société" de la presse nationale... ou locale.
Le tour de force du duo est de rendre ces histoires tout à fait crédibles... car tout droit sorties de notre quotidien. L'idée de génie est d'appliquer les codes du récit de super-héros (double identité, volonté de lutter contre le mal, tiraillements psychologiques...) au monde impitoyable du travail, mondialisé, inégalitaire et anxyogène... Et tous ça sans que la lecture de ces scènes de la vie ordinaire, ne poussent le lecteur au suicide. Au contraire ! Les baffes bien senties de Thomas Revanche à ses "victimes", les humiliations qu'il fait sentir aux exploiteurs à la petite semaine, aux chefaillons de tous poils, ont un effet revigorant. Cela fonctionne car c'est intelligent dans la dénonciation du monde de l'entreprise tel qu'il est - et non tel qu'il voudrait nous faire croire qu'il est - et qu'il y a une part d'humour distancié dans les réflexions pour lui-même de Thomas Revanche. Une ironie constante, dont on sent bien que c'est un rempart pour ne pas craquer, lui aussi. Quant au dessin de Chauzy, il est parfait, en particulier quand il s'agit de faire exprimer tous les sentiments par lesquelles passent bourreaux et victimes lorsqu'ils croisent la route de Thomas Revanche... ou avant.
Voilà. C'est bientôt Noël : vous savez ce qu'il vous reste à faire. Appeler Thomas Revanche pour lui dire de faire un tour du côté de ce super marché, pas loin de chez vous, ouvert jusqu'à 22 heures mardi 24 décembre, et de demander au patron comment il paye son Père Noël. Ou lui offrir ces deux tomes de Revanche. Il comprendra peut-être. Ou pas. Mais il ferait bien de se méfier.

Revanche
Texte Nicolas Pothier et dessin Jean-Christophe Chauzy
1 - Raison sociale
2 - Société anonyme
Treize Etrange, 2012 et 2013 – 48 pages couleur chaque - 13,90 €



samedi 7 décembre 2013

[Conan Doyle revisité] - Scotland Yard 1 et 2, par Dobbs et Perger (Soleil)

Londres, 1890. Au cours d'un transfert de prisonniers, supervisé par le talentueux inspecteur Tobias Gregson, deux détenus particulièrement dangereux, car particulièrement dérangés du cerveau, se font la belle. Coup dur supplémentaire pour Gregson : son fidèle second, Bradstreet, n'a pas survécu au guet-apens qui a permis l'évasion des deux aliénés mentaux. Et pour achever définitivement Gregson, son supérieur, Lestrade, lui conseille de démissionner et de ne plus mettre les pieds au Yard... Mais Gregson ne se laisse pas abattre comme cela et va tout faire pour retrouver les deux évadés. Il est secondé dans cette quête quasi impossible par une étrange équipe composée du docteur Seward, psychiatre, de 
Faustine Clerval, son assistante au charme troublant, et de Wiggins, un gamin des rues, qui eut autrefois un autre patron : Sherlock Holmes. Ils ne seront pas de trop pour une traque qui va les conduire aux confins de la folie humaine... 

Vous l'aurez compris, ce Scotland Yard-là est bourré de références et clins d'oeil aux figures légendaires de l'âge d'or du roman policier anglais. On retrouve ainsi des personnages qui firent la renommée de Conan Doyle, comme Wiggins ou Lestrade, dans une histoire qu'il n'aurait certainement pas reniée. Pour faire bonne mesure, Dobbs convoque même Bram Stoker, en observateur de l'enquête menée par Gregson et son trio de choc : tout cela est jubilatoire, d'autant plus que le scénario, avec ses deux chasses à l'homme successives, une par tome, fonctionne très bien et va crescendo vers une certaine forme de terreur. Car il y a aussi un petit côté fantastique, dans ce diptyque, et c'est en fait toute la collection "1800" qui revisite ainsi sous cet angle les classiques de la littératures du XIXème. Et si Scotland Yard fait certainement partie des meilleurs titres de "1800", c'est sans aucun doute possible aussi grâce aux superbes planches de Stéphane Perger (son blog ici) qui sait faire surgir l'inquiétude à tout moment. Le dessinateur allie à un sens du cadrage faisant réellement écho au scénario, une palette de couleurs idéale pour restituer l'atmosphère poisseuse des bas-fonds londoniens, la moiteur d'une cave abandonnée, ou encore les souvenirs terrifiés d'un jeune garçon persécuté. Perger s'autorise des débordements de cases, des doubles planches, qui font tous sens, et c'est un vrai régal pour l'oeil. On ne sait, à la fin du second tome, si on retrouvera Tobias Gregson et ses acolytes, mais ce qui est certain, c'est qu'ils mériteraient une plus longue carrière que cette première affaire, vraiment intéressante.

Scotland Yard
Scénario Dobbs et dessin Stéphane Perger
1- Au coeur des Ténèbres
Soleil, 2012 - 56 pages couleurs – Collection Quadrants / Boussole
13,95 €
2 - Poupées de sang
Soleil, 2013 - 56 pages couleurs – Collection Quadrants / Boussole
13,95 €

mercredi 27 novembre 2013

[Prix] - Le Trophée 813 du meilleur album 2012 à Larcenet pour BLAST 3

L'assocation 813, composée d'adhérent(e)s "amis des littératures policières", et dont fait partie le rédacteur de Bédépolar, qui soudain se rend compte qu'il parle de lui à la troisième personne, houlala va falloir se calmer, mon garçon, 813, donc,  a décerné ses Trophées au cours de la 10ème édition du festival Paris Polar dans la somptueuse salle des fêtes de la mairie du XIIIème, parée de ses plus beaux atours. Avec Corinne Naidet, une autre intrépide adhérente, activiste elle de la Noir'Rôde, nous avons donc proclamé les résultats des votes des adhérent(e)s de 813, parce que oui, ce sont les ziens et ziennes (on se surnomme parfois comme cela) qui votent, et si vous ne comprenez pas grand chose à cette introduction pourtant limpide, allez donc faire un tour sur le blog de l'association, ou même sur sa page Facebook, vous serez édifié.

Donc, avec Corinne, nous avons proclamé.

Il y a quatre catégories, Trophée du meilleur roman francophone, Trophée du meilleur roman étranger, et Prix Maurice Renault (vous ne comprenez pas ? Ah ben, voyez plus haut) et évidemment, Trophée de la meilleure bande dessinée.
Il y avait 5 albums en lice :
 Blast 3 (Larcenet) , Castilla Drive (Pastor),  La Peau de l'Ours (Oriol et Zidrou) Pizza Road Trip (Cha et El Diablo) et  Zone Blanche (JC Denis)
Et c'est Manu Larcenet qui a décroché la timbale avec "La tête la première", troisième tome de sa magnifique série "BLAST". Il n'a pu se déplacer pour recevoir son prix, mais Philippe Ostermann
directeur général délégué Dargaud avait envoyé un mot fort chaleureux que je vous livre ici.

"Nous avons appris que le prix 813 du meilleur polar était remis au tome 3 de Blast de Manu Larcenet et nous en sommes immensément fiers.

Manu Larcenet est bloqué chez lui par les toutes dernières modifications à faire sur le 4éme et dernier tome de Blast. Je suis, quant à moi, au Mans pour une rencontre avec Bertrand Tavernier, grand amateur de polar également, autour de Quai d'Orsay.

C'est donc avec grand regret que nous ne pouvons assister à cette remise de prix. Et pourtant, depuis, plus de 20 ans, le prix 813 récompense les plus grands polars, et c'est un grand honneur pour nous d'être associés à un prix qui a eu pour lauréats Tardi, Tonino Benacquista, Lehanne, Ellroy ou Dominique Manotti.

Je ne sais pas si Polza Mancini, cet obèse fuyant le monde et les hommes, a lu les aventures du célébrissime gentleman cambrioleur, et j'ignore si Arséne Lupin vivait le Blast lors de ses méfaits les plus audacieux, mais j'aimerai assister à la rencontre des deux, à l'ombre d'un Moais sur les falaises d'Etretat.

En tout cas, merci au jury et merci à tous les lecteurs de cette œuvre fascinante qu'est Blast et rendez vous le 21 février pour la parution du 4eme et dernier tome de ce chef d'œuvre."



Et voilà. Vous savez tout. Vous n'avez pas encore lu Blast ? Foncez. C'est un chef d'oeuvre. L'éditeur le dit... et je confirme ! Et je ne suis pas le seul... Et tenez : une chouette bande-annonce pour vous donner envie.

mercredi 13 novembre 2013

[Festival] - La BD à l'honneur à Noir sur la Ville

Ce week-end se déroule du côté nord de la Bretagne, un des plus fameux salon du roman noir de l'année : Noir sur la ville. C'est à Lamballe et c'est la 17ème édition du festival. Et comme tous les ans, quelques auteurs de BD parviennent à se glisser subrepticement parmi la quarantaine d'auteur(e)s invité(e)s. Mais cette année, ils ne réussiront pas à passer inaperçus puisque que je vais les passer à la question au cours d'une table ronde sur la Bande dessinée noire (étonnant, non ?) et cela se passera samedi 16, à 15 heures. Mais qui sont-ce vous dites-vous ? Dans le désordre le plus total : Boris Beuzelin, Anthony Pastor, et Jean-Christophe Chauzy. Trois excellents stylistes, qui seront accompagnés pour la discussion d'Olivier Keraval, éditeur chez les toujours dynamiques éditions Sixto, et par ailleurs scénariste pour ce même éditeur.
Voilà vous savez tout. Ou presque. La suite, c'est à Noir sur la Ville,
qui ouvre ses portes avec le film "Zulu", d'après le roman de Caryl Férey, en avant-première mondiale, dès vendredi soir. 
Come on people ! 

vendredi 1 novembre 2013

[Compet'] - Prix SNCFdu polar BD : la sélection 2014

Nous avons eu la joie de dévoiler, avec Christian Marmonnier, dimanche 26 octobre à Quai des Bulles la liste des cinq albums qui sont en lice pour le Prix SNCF du Polar BD 2014. Voici les heureux compétiteurs, par ordre éditorial d'entrée en scène :



- Brigitte et la perle cachée / Aïsha Franz - ça et là

Un graphisme déroutant pour un étonnant récit d'espionnage, agrémenté d'un zest d'humour et deux doigts de romantisme : le cocktail est franchement original.




- Mon ami Dahmer / Derf Backderf - ça et là

L'adolescence d'un futur tueur en série, racontée et dessinée par un de ses camarades de classe... Ou comment la société fabrique des monstres sans s'en rendre compte. Un roman "bio"graphique...



 
- Brune platine : Mon sang est plus noir que le vôtre / Lisa Mandel et Marion Mousse - KSTR

Une jeune femme détective sur les traces d'un père disparu avec la fortune familiale depuis des années... Un album franchement noir, avec la part belle à des personnages féminins au caractère bien trempé.



- J'aurai ta peau, Dominique A / Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez - Glénat

Le célèbre chanteur est à la fois victime de la persécution d'un fan pénible et d'un corbeau qui lui envoie des menaces de mort. Une fantaisie enlevée sur fond musical, en mode thriller.



 
- Lartigues et Prévert / Benjamin Adam - La Pastèque

Un beau livre, dans la forme comme dans le fond : 134 pages denses, avec de très bonnes idées de mise en cases. Un suspense maintenu jusqu'au bout, avec des personnages attachants, et solidement construits. Ma chronique ici.



En attendant de retrouver, dans les semaines à venir, la chronique de chacun des albums dans les pages de Bédépolar, vous pouvez aller faire un tour du côté du site du prix SNCF du polar , pour en voir quelques extraits, et, bientôt, pouvoir voter sur le site.

samedi 26 octobre 2013

[Quai des Bulles - 33ème] - Saint-Malo : un peu de polar dans vos bulles ?

 Amateurs d'ambiances noires, réjouissez-vous ! Dimanche 27 octobre, au 33ème festival"Quai des bulles" ce sera le moment de passer un "après-midi polar", et de découvrir les deux nouvelles sélections du Prix SNCF du polar : le court-métrage et la bande dessinée. Rendez-vous donc dès 13h30 à l'amphithéâtre Maupertuis, pour la projection des courts en compétition en 2014, puis à 15h15, même endroit pour une discussion avec les auteurs du collectif "Quais divers" co-édité par les vaillantes éditions Sixto, animée par Christian Marmonnier. A noter dans ce collectif, qui contient cinq récits courts, la présence de Briac, dont on attend avec impatience le nouvel album

Je serai également autour de la table pour parler des 5 albums du Prix Polar SNCF BD 2014. A noter que le polar est aussi en bonne place dans la sélection finale du prix Ouest France / Quai des Bulles, avec deux titres sur cinq : "Mon ami Dahmer" de Derf Backderf (ça et là) , étonnante autobio où l'auteur raconte son adolescence aux côtés de celui qui allait devenir un terrible serial-killer, et "Tyler Cross" de Nury et Brüno, excellent album dont je vous ai causé dans mon dernier billet. Et dans cette sélection, il faut aussi noter la présence d'un album superbe, "le loup des mers" de Riff Reb's (chez Soleil, d'après London) 

Voilà, vous savez tout. Chaussez vos bottes, et direction : Quai des bulles !


samedi 19 octobre 2013

[Nouveauté] - Tyler Cross, de Nury et Brüno, ou le retour du "dur-à-cuire"

A celui qui pourrait le prendre pour un autre, Tyler Cross rappelle volontiers son pedigree : "Je suis braqueur, pas trafiquant". Et peu importe qu'en face de lui se tienne le vieux Di Pietro, vieux parrain local de la mafia texane : Tyler Cross est du genre à ne pas se laisser emmener là où il n'a pas décider d'aller. Il accepte pourtant l'étrange contrat que lui propose le mafieux sur le déclin : s'emparer de 20 kilos d'héroïne en possession de Tony Scarfo, fils d'"un ami de Chicago - c'est même le filleul de Di Pietro - en échange de 150 000 dollars. Histoire de rappeler à Scarfo père et fils que le vieux est encore dans le coup. Tyler ne pose pas d'autres questions, organise le coup avec son associée habituelle, CJ, et un troisième larron, Ike, de la famille des gros bras toujours utiles pour impressionner la victime. Et c'est parti. Et c'est vite réglé... si vite que Cross se retrouve seul, à pied, avec 17 kilos d'héroïne dans son sac à dos. En vue : la localité de Black Rock, où le braqueur solitaire va vite faire connaissance avec la famille Pragg, qui tient toute la ville sous sa coupe.


Bon, à dresser l'inventaire - une ville perdue, un dur à cuire, un casse, de la drogue, une famille de cinglés, l'air de la  vengeance qui souffle à chaque coin de rue...  - on se dit : rien de nouveau sous le soleil du polar (si ce n'est qu'il est ici sudiste, et période fifties). On aurait tort. Car les deux artistes à l'oeuvre sur cet album rendent un magnifique hommage au polar façon "hard-boiled", celui où il pleut des coups durs à chaque page, et où la tension règne du début à la fin. Côté scénario, Fabien Nury, l'excellent auteur d"Il était une fois en France" et "Le maître de Benson Gate", suit les figures imposées du genre tout en y inscrivant une patte assez malicieuse : il plonge son (anti) héros Tyler au coeur d'une saga familiale et cruelle à la Dallas (l'ascension de la dynastie Pragg qui fait fortune en écrasant tout le monde sur son passage), et dans le même temps, amène sur le tapis toute une quincaillerie mafieuse. Et puis, toute l'histoire se déroule sur fond d'épousailles, où la robe de mariée ne va pas rester longtemps blanche. Déjà, on jubile à la lecture de ce qui se passe au fil des pages, à un rythme assez explosif, qui plus est. Et cerise sur le gâteau, à la mise en, images,  il y a Brüno dont le dessin semble avoir été inventé pour ce genre... comme il le semblait pour ses précédents albums ! En fait ce garçon est à l'aise dans pas mal de costumes, mais le noir lui va vraiment bien...  et Tyler Cross est  un des meilleurs albums de cette année 2013. Retrouvera-t-on ce personnage dans le futur ? La fin laisse penser que...
Ah non, je ne vous dis rien. Lisez Tyler Cross !

Et n''hésitez pas non plus à lire la chouette interview du duo par Laurence Le Saux, ici, sur le site de Bodoi.

Tyler Cross
Scénario Fabien Nury et dessin Brüno
Dargaud, 2013 - 104 pages couleur - 16,95 €

mercredi 16 octobre 2013

[Réclame express] - Fluide Glacial - Spécial Faits Divers

Bon, dès la riante  couv' de ce numéro 448  du vénérable "magazine d'umour & bandessinées",  vous êtes prévenus : ça va saigner ! Les 84 pages de ce mois d'octobre sont entièrement consacrées aux crimes et délits les plus sordides et les plus sombres de la France profonde... mais évidemment, c'est pour de faux. A moins que ???  Les amateurs de récit (d'humour) noir se délecteront particulièrement des histoires de Chauzy & Lindingre, Bouzard (mais Bouzard est un génie, il n'a pas de mérite) Lefred-Thouron, Jake Raynal ou Hugot
Et en plus y a même de la vraie lecture (des lignes avec des mots) pour les intégristes de la littérature.
On est encore en octobre, il reste encore un infime espoir aux retardataires pour se procurer ce numéro qui remet les pendules à l'heure sur l'état de la délinquance dans notre beau pays. Et ose dire la vérité.  Enfin !
Et si on veut, on peut même perdre son temps sur le blog de Fluide, entre deux coups de fil à la police.

samedi 12 octobre 2013

[Nouveauté] - Ma révérence, par Lupano et Rodguen (Delcourt)



"On fait un braquo social, tu comprends ? Social ! C'est une sorte de performance artistique avec un message politique sous-jacent, quoi !
- Ah... Et c'est quoi, le message ?"

Les deux hommes qui tiennent cette conversation sont Vincent Loiseau, à l'origine d'un plan destiné à le sortir de sa vie médiocre, et Gabriel Roquet, alias Gaby Rocket, celui qu'il a choisi pour mener à bien son plan. A dimension sociale, donc... Idéalement, les deux hommes ont imaginé braquer un transport de fonds, après avoir kidnappé le fils d'un des convoyeurs, histoire de s'assurer sa collaboration. L'argent servirait à Vincent pour un voyage définitif vers le Sénégal, où l'attend - il l'espère - Rana, la femme de sa vie et la mère de son fils, qu'il n'a jamais vu. Pour Gaby, qui incarne à lui tout seul le côté obscur de la génération yéyé, le rêve c'est plutôt Las Vegas, et une villa à piscine avec bimbos à gogo... Mais avant que le duo ne puisse toucher du doigt ses rêves, il va déjà falloir que tout se passe comme sur des roulettes, mais hélas, l'Homme est faillible et parfois fragile...

Raconté à la première personne par la voix du cerveau du casse, cette histoire de braquage emprunte des chemins de traverse, en oubliant volontiers le côté spectaculaire inhérent à ce genre de récit  (Vincent : "Vous excitez pas non plus, je suis pas en train de préparer un de ces coups où ça crépite de partout. ça va pas être une boucherie à la sauce lance-roquettes et pains de plastic"). Non, en fait, Wilfrid Lupano préfère se fixer sur les motivations et les vies des protagonistes de l'affaire. Par touches successives, par flashbacks, il dévoile progressivement les personnalités de chacun des personnages principaux, dans un récit qui prend son temps, et qui, au fil des pages, gagne en force et en crédibilité. Chacun a, dans "Ma révérence", des rêves qu'il croit accessibles, à son niveau, et le  niveau de chacun, ce serait, par exemple, celui de la France qui se voudrait se lever tôt et qui n'y arrive pas vraiment, pour prendre le cas de Gaby, tricard partout "même à l'ANPE". Et si c'est un véritable portait d'une société malade, anxieuse, que nous dresse Lupano, il réussit le tour de force de le faire en laissant toujours une place à une certaine légèreté : le ton de Vincent Loiseau reste malgré tout optimiste et les réparties de Gaby face à l'adversité - qui prend mille et un visages - sont hilarantes. Et si le récit prend tout de même quelques allures de tragédie dans sa dernière partie, à aucun moment cela ne tombe comme un cheveu sur la soupe. Certainement parce que Wilfrid Lupano, qui fut videur et barman dans une autre vie, sait de quoi il parle, et comment en parler. Sa réussite est bien d'avoir, comme il le souhaitait, "fait une oeuvre originale avec des morceaux de vraies histoires hétéroclites"? A ses côtés, son dessinateur, Rodguen, (ici son site) qui travaille habituellement pour Dreamworks (et a mis de ce fait 3 ans à réaliser l'album), impose un dynamisme puissant à l'ensemble de ce roman graphique vraiment hors du commun, et transpose parfaitement l'infinie humanité qui caractérise les personnages de "Ma révérence". Un très bel album.

Ma révérence
Scénario Wilfrid Lupano et dessin Rodguen.
Delcourt, 2013 - 128 pages couleur - (Collection Machination)
17,95 €

vendredi 4 octobre 2013

[Retour fracassant] - Fenêtres sur rue, de Pascal Rabaté (Soleil)

Pour son retour aux pinceaux, Pascal Rabaté, qui n'avait plus dessiné depuis son magnifique  "Ibicus", a choisi de dérouter son lecteur, en publiant dans la collection de Soleil "Noctambule", un album qui commence par intriguer par son aspect. "Fenêtres sur rue" est en effet un "livre accordéon", comprenez dont les pages ne se tournent pas vraiment, mais se déplient, et dévoilent l'image d'une façade d'immeuble sur chaque double page. Et ces pages se aussi lisent recto verso : une fois arrivés au bout de la partie "Matinées", on recommence à zéro, et on est invité à entrer dans l'immeuble pour les "Soirées". Voilà pour la première originalité formelle, et, à celle-ci vient s'en ajouter une seconde : l'album ne comporte aucun texte, si ce n'est une courte introduction, invitation à entrer, qui fait office de mise en bouche et d'avertissement à la fois devrait-on même dire, répétée au début de chaque période (jour - nuit). Voici ce qu'elle dit :

"Si une fenêtre est une ouverture qui permet d'assurer l'aération et la lumière... elle permet aussi d'assurer la vue... vue sur d'autres fenêtres derrière lesquelles se déroulent des histoires de couples, des histoires d'amour, de séparation, de tromperie, et pourquoi pas, des histoires de meurtre.
C'est un travail à plein temps de regarder à la fenêtre, de surveiller, de guetter... d'ailleurs retournons-y,... Il ne faudrait pas rater quelque chose".
Et une fois passées ces quelques lignes, c'est rideau pour les mots... et place aux dites fenêtres annoncées et  voilà le lecteur-spectateur prêt à assister à ce qui est annoncé un peu mystérieusement dès la couverture  :
"Une pièce sans paroles en dix tableaux et un décor"
Le décor, immuable (ou presque), c'est donc ce bout de quartier,  vu de face, où on dénombre un lavomatic, un bar ("Le Pénalty") et huit appartements. En tout, treize fenêtres, deux vitrines, et une porte d'entrée. Et derrière, ou devant, ces ouvertures vont se dénouer les petites histoires de quotidien du quartier, des instants de vie d'une vingtaine de personnages... et de deux chiens.
A la première lecture, on fait comme d'habitude : on embrasse d'un coup d'oeil la scène, puis on s'arrête sur un détail qui amuse ou intrigue, puis  on passe à la scène suivante, on retrouve les mêmes personnages, qui ont bougé, disparu, réapparu, car le temps a passé d'une double page à l'autre, la journée a avancé, et les gens ne sont pas restés figés. On lit comme cela tout l'album, on le retourne, on passe à la partie soirée, et là, il fait nuit, et on voit parfois mieux ce qui se passe dans les appartements car les lumières sont allumées, et les rideaux pas toujours tirés. Et à d'autres moments on devine seulement ce qui se passe, car les  lumière sont cette fois tamisées, et seules des ombres se meuvent dans l'obscurité. Mais à chaque fois on retrouve nos personnages, et quand on a passé toute cette journée à les observer on n'a qu'une envie, c'est de les retrouver. Même si on se sent un peu atteint de voyeurisme léger...
Et c'est là qu'intervient toute la force de "Fenêtre sur rue" : la multiplicité des pistes de lectures. Car passé le premier parcours, qui s'apparente à un repérage, la tentation est grande de s'attacher à l'histoire de chacun des habitants des lieux, et là, on peut reprendre tout depuis le début et aller d'une double-page à l'autre en ne regardant qu'une fenêtre à la fois, et s'offrir une plongée encore plus grande dans l'intimité de tous ces anonymes, en passe de devenir des intimes...

 Il y a un côté oulipien évident dans cet album,  car il fait penser à une version graphique de " La vie mode d'emploi" de Georges Pérec, et, de manière plus transparente encore, "Fenêtre sur rue " est un hommage au cinéma d'Hitchcok (cf le  titre même de l'album) et de Tati, les deux cinéastes déambulant eux-mêmes  au fil des pages. Leurs films les plus emblématiques sont du reste l'objet d'adoration d'une des habitantes que l'on retrouve à chaque nouvelle page, vissée devant sa télé, devant "Jour de fête", "Psychose" ou encore "Les oiseaux". Cette façon de faire de Rabaté - amuser le lecteur en le forçant à retrouver des clins d'oeil à d'autres oeuvres - rappelle aussi celle qui préside aux albums pour enfants du japonais Mitsumasa Anno ("Ce jour-là" et 'Le Jour suivant") , muets également, dans lesquels il faut chercher des références à des contes, ou à des oeuvres artistiques tout en suivant un personnage de page en page.
Bref on l'aura compris, "Fenêtre sur rue", est d'une richesse incroyable et fait partie de ces livres inclassables car à la croisée des genres et des styles, et ici, des formes. Et il est éminemment ludique.

La question que vous vous posez (peut-être) est : est-ce vraiment une bande dessinée polar ? Ou même : est-ce vraiment une bande dessinée  ? Une bande dessinée, certainement, pas au sens le plus commun du terme, mais une bande dessinée malgré tout, si l'on veut admettre que le tryptique case / planche / récit, trouve ici son équivalent en Fenêtres / Quartier / histoires... et que chaque scène peut être perçue comme une case agrandie fourmillant de détails. Et que l'ensemble forme un tout cohérent.

Quant à l'aspect polar, il est ténu, certes, mais présent puisqu'il se commet bien un meurtre sous nos yeux impuissants, et qu'un inspecteur passe d'un logement à l'autre, en quête d'un suspect. Mais comme je le disais, ceci est plutôt un album inclassable, embrassant plusieurs genres, et c'est surtout, un vrai bonheur de lecture.
Un mot tout de même sur l'aspect graphique : l'impression de voir des tableaux est très nette. Rabaté a réalisé cet album à l'acrylique, et les coups de pinceaux sont visibles, même dans une édition comme celle-ci, industrielle, et non artisanale. Et en l'absence de mots, il y a tout un travail sur les ombres, le temps qui passe et qu'il fait, et qui joue sur les postures des personnages. C'est une des autres réussites de cet album que d'avoir su retranscrire au mieux les états d'âmes des personnages sans passer une seule fois par le texte.
A la fin de la partie "Soirée", les 23 personnages sont alignés, sous la lumière, prêt à saluer le lecteur. Il ne lui reste plus qu'à applaudir l'auteur, car  Rabaté,  mérite pas moins d'un Molière de la Bande dessinée  - ou un Buster Keaton - En attendant un Fauve à Angoulême ?
Fenêtres sur rue
Texte et (mais surtout) dessin de Pascal Rabaté - Soleil, 2013 - Collection Noctambule
18,95 €

dimanche 29 septembre 2013

[Nouveauté] - Mexicana 1 - Matz, Mars & Mezzomo (Glénat)

Emmett Gardner est flic à la police des frontières, le long du Rio Grande, et surveille le passage des clandestins qui tentent la traversée Mexique - Etats-Unis. Un job stressant, qui met facilement les nerfs en pelote... Et pour en rajouter une couche, Emmett apprend par ses collègues  l'arrestation de Kyle, son fils d'une vingtaine d'années. Le père récupère le rejeton au commissariat, où il a été mis au frais pour une simple bagarre de rue. Intrigué par la situation, Emmett réussit tout de même à faire cracher le morceau au fiston : Kyle s'est en fait mis dans les ennuis jusqu'au cou, en devenant proche d'Angel Moreno, chef d'un cartel local, proche au point de travailler pour lui. Mais lorsque Moreno découvre que Gardner senior est flic, il demande à Kyle d'éliminer un rival pour prouver sa loyauté. Et lorsque le père décide de se mêler de l'affaire sans vraiment en parler à son fils, les ennuis vont prendre une tout autre dimension...

Le talent de Matz pour les intrigues noires et originales (cf sa série phare avec Jacamon "Le tueur") est reconnu. Le tome inaugural de cette nouvelle trilogie, estampillée "à feu et à sang" et  co-écrite avec Steven Marten, alias Mars , démarre assez bien. L'histoire de ce père qui, en cherchant à protéger un fils inconséquent, se retrouve embarqué dans un engrenage qui va vite le dépasser, est assurément l'aspect le plus intéressant de Mexicana. Il est évidemment aussi question de migration, de familles exploitées, de trafic de drogue, mais tout cela demeure - pour l'instant - en filigrane, au profit d'une histoire personnelle et familiale. Au pinceau, on retrouve avec plaisir Gilles Mezzomo - dont le Luka chez Dupuis est à mon avis à redécouvrir tant sa carrière fut discrète - et qui, ici, avec son trait dur et réaliste, réussit à plonger immédiatement son lecteur au coeur de la vie des Gardner. De bons débuts, donc, pour un des bons albums de cette rentrée.


Mexicana 1
Scénario Matz / Mars et dessin Gilles Mezzomo
Glénat, 2013 - 48 pages couleur - 13,90  €

samedi 28 septembre 2013

[Originaux ] – Brüno expose Tyler Cross à la galerie Maghen (Paris - 6ème)


L'excellent Brüno, qui reste encore un peu trop dans l'ombre à mon goût,  a publié à la maison  Dargaud, à la fin de l'été, un premier tome  d'une série qui s'annonce explosive : TYLER CROSS (allez :  un petit teaser pour la route). Avec Fabien Nury au scénario, l'association de malfaiteurs est proche de la perfection...
En attendant la chronique sur Bédépolar, si vous êtes à Paris, il vous reste une semaine, jusqu'au 5 octobre, précipitez-vous à la Galerie Daniel Maghen, qui expose une grande partie des planches originales de l'album, ainsi que des illustrations autour de ce premier tome. C'est fascinant de beauté, et la taille des planches permet d'apprécier encore plus tout le talent de Brüno, dont je vous avais vanté ici les mérites de Biotope ou Commando Colonial. Et en plus, je ne vous ai jamais parlé de Wanda, véritable chef d'oeuvre à mon sens, et il faudrait aussi que je revienne sur Inner City Blues, une trilogie « blaxploitation » du meilleur goût.
Et si vous ne connaissez pas du tout, l'univers captivant de Brüno allez donc faire un saut ici sur son site : brünocomix.fr.


EXPO BRÜNO - Tyler Cross - Galerie Daniel Maghen - 47, quai des Grands Augustins - 75 006 PARIS (Métro St Michel)

samedi 24 août 2013

[Chronique] - Miss Octobre (Desberg et Queirex) - Le Lombard

Los Angeles, 1961. Un tueur en série commence à semer la terreur à la CIté des Anges, surtout parmi la les jeunes et jolies filles de la ville : l'assassin a décidé de faire des victimes des playmates qu'il photographie post-mortem, dans des poses que ne renierait pas Playboy. Il commence par miss Janvier, et il en est en ce moment à miss Mars, et semble bien parti pour réaliser un calendrier complet tant la police, en la personne du lieutenant Clegg Jordan, patauge. Ce flic d'élite n'arrive pas à retrouver son flair habituel sur cette affaire, ce qui arrange bien son collègue Ariel Samson, qui se verrait bien dans la peau du héros qui met sous les verrous l'assassin. Dans le même temps, Viktor, une jeune femme blonde, fille d'un des familles les plus fortunées de la ville, se remet d'une agression qui l'a laissée en partie amnésique et sourde, et mène sa propre enquête sur celui qui a bien failli la tuer. Elle a reçu de mystérieuses lettres lui laissant entendre que leur rédacteur sait qui est son agresseur... Aidée par Juanita Jones, une détective privée, elle n'hésite pas à prendre des risques pour tendre un piège à ce mystérieux corbeau qui lui réclame 100 000 dollars en échange de la vérité....

Stephen Desberg et Alain Queirex, duo formé pour la série "IRS - All watchers", signe avec "Miss Octobre" un intéressant thriller en trois parties, dans la lignée des scénario "américains" de Desberg. Son histoire, racontée par la double voix d'une jeune héroïne sourde, au passé dissimulé par sa famille, et d'un flic renommé mais rongé par le doute jusqu'au sein de son couple, est assez originale. On suit les péripéties de l'enquête officielle et celles de Viktor avec intérêt, d'autant que l'identité du tueur - évidemment clou du spectacle dans ce genre de BD, reste soigneusement dissimulée par les auteurs. Queirex parvient à dévoiler par bribes le physique du tueur, sans jamais que le lecteur devine lequel des nombreux personnages déjà croisés il pourrait bien s'agir (car on l'a forcément déjà vu...). Son Los Angeles façon sixties est également une réussite - décors, voitures, atmosphère - et ... ses femmes sont belles (le contraire eut été dommage). Ce dessinateur, au trait réaliste, est dans la lignée des Vance / Francq / Bourgne, devenus au fil des albums des références dans ce genre encombré qu'est maintenant le thriller ,en cases ou pas. Cette série, au final assez élégante, nonobstant son côté sanguinolent (les mises en scène façon Miss sont assez explicites), se lit avec plaisir et sa conclusion prochaine attendue avec un intérêt certain.

Miss Octobre
Tome 1 - Playmates, 1961 (2012)
Tome 2 : La morte du mois (2013)
Scénario Stephen Desberg et dessin Alain Queireix
Le Lombard - 48 pages couleurs - Collection Troisième Vague

samedi 17 août 2013

[Rattrapage] - Mako, de Beuzelin et Marty (Treize Etrange, 2012)


Roman, nom de code Mako, est en mission pour un mystérieux employeur, la Boîte Noire. Recruté pour son profil d'ex-agent de la DGSE, il est envoyé, en compagnie d'Ultra, un ancien collègue de la section "les loups", dans un bunker désaffecté, à la recherche d'une puce électronique précieuse. La mission se déroule sans encombre jusqu'à ce qu'Ultra vole la puce, en laissant Mako sur place, dans les vapes, prêt à se laisser cueillir par les services de sécurité des lieux. Cinq ans de prison plus tard, à sa sortie, il retrouve Marie, soeur d'un compagnon de cellule, Roger, qui lui affirme pouvoir retrouver Fia, la femme qui a l'envoyé dans le bunker... et derrière les barreaux. Mais pour arriver jusqu'à  celle qui l'a trahi, Mako doit accepter auparavant de mener un casse des plus périlleux, au service de Marie...

Bon récit d'aventures à l'ancienne, avec plan de haut vol pour récupérer un paquet de fric, femmes fatales et coups tordus, dans une ambiance espionnage très fifties. Le scénario de Boris Beuzelin et Lionel Marty est riche en rebondissements et même si tout s'enchaîne un peu trop facilement, il ne faut pas faire la fine bouche : l'ensemble est rythmé par une mise en page dynamique, agrémentée d'idées originales (comme la présentation du casse sous forme de pictogrammes par exemple) et tout cela permet de belles scènes d'action. La palme revient au combat sous-marin, digne d'un 007, ce qui n'étonnera pas les lecteurs de Beuzelin, auteur d'une série - Le Narval - où il déjà montré son goût et son talent pour les profondeurs maritimes. Ajoutons à cela un sens du dialogue bienvenu, des personnages bien campés - en particulier le héros, adepte de Marc-Aurèle et ses "Pensées pour moi-même" qui égrènent le premier tome au fil de l'action. Premier tome, car même si le sous-titre "ça ne sera pas pire avant d'être mieux" n'apparait pas sur la couverture, nul doute qu'on retrouvera l'aventurier-philosophe dans d'autres missions, comme le laisse entendre la toute dernière case de l'album. Et c'est tant mieux, car voici un petit nouveau prometteur dans la longue liste des aventuriers du neuvième art. 
Depuis cet album, sorti en octobre 2012, Beuzelin a publié (après "La nuit des chats bottés" en 2006 ) une adaptation réussie du "Carton blême" de Pierre Siniac, avec Oppel au scénario, dans la belle collection Rivages-Casterman Noir. Je vous en reparlerai dans quelques temps, mais en attendant, un petit tour sur son blog Black Luna, vous donnera une petite idée de l'étendue des talents de ce dessinateur. 


Mako
Scénario Boris Beuzelin et Lionel Marty - Dessin Boris Beuzelin
Treize Etrange, 2012 - 48 pages couleurs - 13,90 €

samedi 27 juillet 2013

[Coq Hardi] - Tony Chu 6 – Space Cakes (Layman et Guillory) - Delcourt

Tony Chu, ex-agent vedette de la Répression des Aliments et Stupéfiants, est mal en point : le voici sur son lit de douleur à l'hôpital Notre-Dame du Fémur Cassé. Un hôpital rassurant, au personnel prévenant, à l'image des affichettes qui fleurissent sur les murs chambres, du genre  "Vous n'avez pas envie de savoir ce qu'est cette odeur" ou encore "ça empire seulement avant la fin". Bref, Tony est entre de bonnes mains. Bon, sa fille a été enlevée, mais ça, il verra plus tard. Ou plutôt ses collègues et sa soeur, Antonelle, alias Toni, agent de la Nasa (quelle famille !) verront plus tard. Pour l'instant, il leur faut faire face à toute une série d'actes de délinquance, de l'enlèvement de grenoulets psychédéliques (le grenoulet est un croisement de grenouille et de poulet) à l'explosion de mannequin en plein défilé de présentation de la collection "Mets et mode". Sans compter sur les affaires encore plus bizarres, comme, en Angleterre, ces orages mortels de moutons (oui, les moutons tombent du ciel et s'écrasent sur les habitants : deux morts à chaque fois). Heureusement, Poyo, le coq de combat cybernétique de l'USDA - une autre Agence américaine - est là pour remettre les choses dans l'ordre. Mais pendant ce temps-là, le Vampire rôde, et absorbe les pouvoirs spéciaux de ses victimes....

Welcome ! Si vous n'avez pas encore lu Tony Chu, cette tentative de résumé de ce superbe tome 6 doit vous sembler un brin ésotérique. C'est que la série, partie sur des bases délirantes assez élevées, poursuit son chemin dans le farfelu le plus débridé, et emportant tout sur son passage : le lecteur, son fauteuil, son verre de bière (attention citoyen : êtes-vous sûr que cette besoin soit autorisée ?) et tout ce qui traîne autour... Pour mémoire, Tony Chu, "le détective canibale" ne mange pas vraiment les gens : il les goûte seulement, une fois morts, et grâce à son pouvoir, la cybopathie, il peut revivre leurs derniers instants. Pratique pour les morts inexpliquées... ou les meurtres. Tony est donc devenu Agent de la Répression des Aliments et Stupéfiants, dans des Etats-Unis où la consommation de poulet est strictement interdite, suite à une épidémie de grippe aviaire. Le retour de la Prohibition, quoi... Sur ce point de départ,  John Layman a développé un univers en y injectant des personnages dotés de pouvoirs spéciaux le plus souvent liés à la nourriture, et chaque épisode, ou presque, est l'occasion de découvrir une nouvelle profession issue de son cerveau en ébullition constante. Ainsi, dans "Space Cakes", croise-t-on le chemin d'une "victuspéciosienne", une femme qui prépare des masques de beauté à partir d'aliments, "aux résultats transformationnels stupéfiants voire impossibles". Par exemple. Chaque tome de Tony Chu est ainsi l'occasion de découvrir de nouveaux personnages, ou d'en savoir plus sur la petite dizaine de "seconds couteaux" qui accompagnent le héros au fil des pages. Et dans "Space Cakes", les véritables vedettes sont Toni Chu, la soeur de Tony, qui elle, peut voir une partie du futur des gens qu'elle mord, et Poyo, le coq remodelé façon Steve Austin (sauf que là c'est 6,2 trillions de dollars, le coût de la bestiole). Et cela donne au final un des comics les plus originaux du moment, qui continue de tenir la route, sans s'essouffler. Grâce à son scénario hors norme, bien sûr, mais aussi au dessin époustouflant de Rob Guillory, qui possède un art du cadrage proche de la perfection, et dont les planches fourmillent d'idées et de détails qui rendent Tony Chu absolument unique. Grâce à Layman et Guillory, plus jamais vous ne verrez votre poulet-frites de la même façon. Ni les oeuvres d'art. Ni la météo. Ni les grenouilles. Oubliez-tout. Vous allez entrer dans la chew-dimension, là où l'imaginaire s'étire à l'infini. Welcome !

Ah oui : en plus, vous avez même droit à deux superbes sous-bock, avec la première édition de ce tome. A la vôtre !
Et puis : ma chronique du tome 3, "Croque mort" si vous voulez en savoir encore plus, ici, sur k-libre.fr.

Tony Chu 6 - Space cakes
Scénario John Layman et dessin Rob Guillory
Delcourt, 2012 – 160 p coul. - Collection Contrebande – 15,50 €