dimanche 13 mars 2016

[Paris Canaille] - Apache, d'Alex W. Inker (Sarbacane)



 Paris, 1934. Un julot bien en chair et sa poule, cocotte, tombent en panne de voiture dans le quartier de la Bastille. Juste en face d'un troquet tenu par un tenancier tatoué, ex-bagnard. Pendant que Raoul, le chauffeur, répare l'auto récalcitrante, Eddy, sue lui aussi toutes les larmes de son corps : il s'est précipité sur le poste TSF du café pour écouter les courses à Longchamps. C'est qu'il a misé gros... Pendant ce temps, sa jeune et jolie "fiancée", une métisse qui n'a pas froid aux yeux, fait la conversation au patron du bar, qui ne résiste pas à lui raconter sa jeunesse tumultueuse, que racontent presque tous ses tatouages... Et voilà que le gros Eddy crise cardiaque à l'écoute de l'arrivée des courses. Aurait-il gagné une fortune ? C'est ce que se dit la jeune femme, mais aussi Raoul, qui n'est pas fâché de voir son patron rejoindre le paradis des pourris. Mais comment faire pour récupérer l'argent du ticket gagnant ? Le patron du café a une idée...


Cet album est étonnant. Déjà, formellement, c'est un très bel objet : format à l'italienne, papier épais et couverture "à empreinte" (le titre est en creux), avec un trio de personnages assez étonnant. Tout de suite, on a envie d'ouvrir et de voir ce qui va se passer. Et en fait, tout - ou presque - va se passer dans ce bar un peu oublié, et tout va tourner autour du patron du bar. Petit à petit, il va se rendre compte, et nous avec lui, qu'avec ce gros client désagréable et répugnant qui vient échouer dans son rade, que c'est tout son passé qui lui revient à la figure. Et pour lui, le passé de 1934, c'est celui de la Grande Guerre, et de son frère qui y est resté. Et autour de ce passé, les trois autres personnages gravitent, et bientôt, l'action va s'emballer, et vengeance, coup-fourrés et rebondissements vont conclure ce qui était jusqu'alors un huis clos assez étouffant. L'ambiance et le ton voulus par Alex W. Inker, avec cet usage de l'argot et ces personnages aux visages et corps marqués, font clairement penser aux univers de Carco, Simonin un peu. Du polar avec mauvais garçons et filles gouailleuses, petites frappes et femmes fatales. Du côté du dessin, c'est aussi surprenant, avec une bichromie maîtrisée, et un vrai talent pour camper des personnages immédiatement expressifs et attachants. La mise en page est quant à elle inventive, et ne se laisse pas brider par le format à l'italienne : à chaque fois Inker varie les propositions selon les scènes qu'il a à traiter : le flashback sur les deux soldats pris dans un trou d'obus et découverts par un troisième - clé de voute de tout l'album - est remarquable. Il n'y a pas à dire : voici un premier album qui ne donne vraiment pas l'impression d'avoir affaire à un débutant !

Apache ****
Scénario et dessin Alex W. Inker 
Sarbacane, 2016 - 128 pages - 2 couleurs - 22,50 €

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