lundi 17 octobre 2016

[Braquage et Vache folle] - Mort aux vaches, par Ducoudray et Ravard (Futuropolis)

Un quatuor de braqueurs vient de réussir son coup : un beau magot prélevé sans heurts à l'agence BK, de Clermont l'Abbaye. Mais pas question de claquer tout le fric sans précaution. Non : rien ne vaut une bonne mise au vert, à la campagne, donc, histoire de se faire oublier un peu de la flicaille et d'attendre tranquillement que les choses se tassent. C'est en tous cas l'avis - et les ordres - du chef de la bande, Ferrand. C'est le cerveau du casse, et il est de tendance un peu anar. Ses trois acolytes sont eux aussi un peu typés : José, est le compagnon de route, et de plumard, du chef. Un Espagnol aux allures de vieux beau. Romuald, alias Romu, est le préposé aux biceps. C'est l'armoire à glace du groupe, mais sans la glace, car le garçon a tendance à oublier de réfléchir. Quant à l'élément féminin du gang, c'est Cassidy, grande gueule et délurée, qui n'hésite pas à jouer de la langue, ou autres attributs qui font tourner certaines têtes, quand les situations deviennent délicates...
Tout ce petit monde se replie donc dans la ferme d'un oncle de Ferrand, et de son fils, le cousin Jacky, et espère qu'un mois suffira à faire tomber le braquage dans l'oubli. Mais nous sommes en 1996, et se planquer dans une ferme en plein crise de la vache folle, c'était peut-être pas la meilleure des idées...

Ah, voici un album des plus roboratifs ! Déjà associés sur l'excellent "La Faute aux Chinois", où ils donnaient leur vision, teintée d'humour noir, du capitalisme mondialisé, François Ravard et Aurélien Ducoudray nous amènent cette fois sur un terrain plus rural, mais non moins drôle, avec cet album digne des meilleurs polars français des seventies... Ce qui frappe très vite, ce sont ces dialogues gouailleurs et percutants, réussis de bout en bout, et qui constituent un véritable hommage à Audiard. Cela donne des répliques du genre :
" Va lui dire de se couvrir les curiosités, je vais nous chercher du propane...
- Tu parles de curiosités !"
Ou plus loin
" Purée, quatre mots de vocabulaire en français et déjà l'art de poser les questions embarrassantes..."
On croise une foule de personnages légèrement abrutis tout au long des pages, de l'oncle taiseux et du cousin sanguin, à une filière de Roumaines à marier, en passant - évidemment - par des gendarmes gentils mais un peu concons... Tout ce monde tourne autour du quatuor, qui lui non plus ne brille pas toujours par sa sagacité, et on tourne les pages en se demandant avec délectation comment tout cela va finir. Côté dessin, c'est également un plaisir de retrouver le trait de François Ravard, qui est tout aussi à l'aise dans ce registre, plutôt léger, que dans son travail, plus sombre, sur "Les mystères de la Cinquième République". Il y a parfois des airs de faux-frères entre Ferrand, et Paul Verne, le commissaire de sa série chez Glénat. Bon, Ferrand est tout de même plus un cousin de Lino Ventura... y compris dans le caractère. 

 
Vous l'aurez compris : voici un polar qui sort des sentiers battus, intelligent, bien construit, où l'humour règne avec une légèreté inversement proportionnelle au poids d'Attila, le taureau de compétition omniprésent dans " Mort aux vaches ". Donc pas d'hésitation : foncez à la campagne !


Mort aux vaches ****
Scénario Aurélien Ducoudray et dessin François Ravard
Futuropolis, 2016 – 112 pages en bichromie - 19 €

1 commentaire:

  1. Salut Fredo,

    « Mort aux vaches » (Futuropolis) ou le Polar cinématographique des années 60/70 revisité par le duo Aurélien Duoudray et François Ravard.
    Après un casse, deux vieux truands homosexuels, une nymphette toujours prête à en découdre et un jeune adulte bodybuildé un peu bas du front, filent à la campagne se mettre au vert chez un parent agriculteur et éleveur de son état.
    A la lecture de cet album, la critique fera certainement référence à la complicité entre Michel Audiard et Georges Lautner. Ce pourrait être un premier niveau de lecture.
    En reprenant volontiers les clichés du polar cinématographique en noir et blanc, les auteurs de « Mort aux vaches » font non seulement un clin d’œil à ce cinéma de genre mais ils lui rendent surtout un véritable hommage. Sous couvert de distraction, cette production des années soixante/soixante-dix ( on évoquera ici les réalisations de Lautner, Verneuil, Grangier …ou bien les dialogues d’Audiard… mais encore, certains nanars cultes) était un révélateur de la qualité du cinéma hexagonal (acteurs de premier plan, second rôles , dialogues, humour, atmosphère, rythme, utilisation du noir et blanc, lumière, cadrages, musique…).
    L’album de Ducoudray (scénario) et de Ravard (illustration) est un parfait remake de cet esprit et de ce climat qui régnaient dans ce cinéma populaire et de qualité.
    Mais il va plus loin en abordant subtilement avec beaucoup d’intelligence et d’humour la ruralité, la condition paysanne, la misère sexuelle de certains agriculteurs, la condition des femmes à la campagne, les filières mafieuses de l’Est (mariage blanc), les problèmes sanitaires (la crise de la vache folle) et le principe de précaution.
    Saluons ici la qualité graphique de cet album et le coup de crayon de Ravard qui a su créer de véritables personnages. Régalons nous aussi avec des dialogues de grande qualité.
    Cet album est une véritable réussite ! « Mort aux vaches » : une histoire qu’on ne lâche pas, de la première à la dernière page.
    Sans nostalgie aucune, c’est le meilleur hommage que pouvaient rendre les auteurs à leurs glorieux aînés.
    Amitiés,
    Pierrot
    François Ravard avait repris mon retour de lecture sur son FB

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