A Londres, de nos jours.
Le député Shrubbery fait la une du Times : il a inexplicablement disparu. Un enlèvement ? De l’autre côté de la Manche, à Arras, cette nouvelle met en émoi un dénommé Kéchichian, ce qui intrigue le jeune Alexis Jurkewicz, un ado fan de romans policiers, et qui habite dans le même immeuble que Kéchichian… Poussé par la curiosité, et par un fantomatique ami, Barney Spottiwood, ex-détective privé, Alexis va profiter d’un voyage scolaire à Londres pour tenter d’en savoir plus sur cette mystérieuse disparition. Il va vite être servi par les événements, car aussitôt, deux autres honnêtes citoyens britanniques, Carfax et Roylott, vont subir le même sort que Shrubbery. Le premier a une nièce, Liza, tout aussi intrépide que le jeune Français, et tous les deux vont se lancer sur la seule piste en leur possession : la clé d’une consigne de la gare Saint-Pancras. C’est le début d’une aventure échevelée où le jeune Alex doit échapper tout autant à la surveillance de sa prof de lettres qu’aux griffes d’un sinistre « Policeman ». Heureusement, il peut compter sur Liza, et sur Barney, son imaginaire et moqueur compagnon.
Initialement publié dans les numéro 791 à 800 de la revue Okapi, en 2005, cet excellent hommage au roman policier (branche : enquête et détective) en général et à Sherlock Holmes en particulier, retrouve une seconde vie grâce aux éditions Vide Cocagne, dans leur collection « Grand Souk ». Et ce n’est que justice, car le trio Darlot / Pourquié / Vidal, a réussi une des meilleures variations holmesiennes qui soient. Du côté du scénario, tout y est : un mystère initial, un méchant insaisissable et flippant, une chasse au « trésor », une vengeance, des rebondissements incessants et des personnages crédibles et attachants. Dessinés avec tout le talent de Jeff Pourquié, ceux-ci évoluent dans de très réussis décors signés Damien Vidal, dont le Londres, pluvieux à souhait, lorgne parfois vers l’insolite (cimetière, théâtre abandonné…), ce qui donne à l’ensemble une ambiance typiquement « british »… Et comme Jean-Michel Darlot a également parsemé son histoire de références aux grands Arthur Conan Doyle et Edgar Allan Poe, le coup est parfait. Sans oublier sa trouvaille en la personne du privé imaginaire qui suit son jeune héros, un vrai dur-à-cuire tout droit sorti des pages d’Hammett ou Chandler... Estampillée BD pour la jeunesse, avec son duo de héros juvéniles, ces « 7 Sherlock », récit trépidant, rigoureux et drôle à la fois, est de toute évidence à mettre entre toutes les mains d’amateurs d’intrigues originales. De 7 à 77 ans ? Yes !
Et si vous êtes du côté d’Avignon le week-end prochain, vous pourrez retrouver Jeff Pourquié, mais aussi Luc Brunschwig (scénariste de Holmes, entre autres), Stéphane Oiry ( Maggy Garrisson) et CED, à la 13ème édition du Festival du Polar de Villeneuve-lez-Avignon.
See you soon !
Les 7 Sherlock ****
Texte de Jean-Michel Darlot, dessins de Jeff Pourquié et Damien Vidal
Vide-Cocagne, 2017 – 48 pages couleurs – Collection Grand Souk – 13 €
lundi 25 septembre 2017
dimanche 10 septembre 2017
[Terreur dans la cité] – Tu sais ce qu’on raconte... par Rochier et Casanave (Warum) ****
Dans
la petite ville tranquille, la journée commence et on sent tout de
suite qu’elle ne va pas être comme les autres. Pensez-donc :
le môme Gabory est de retour en ville ! La nouvelle fait sensation
mais on s’interroge sévère chez les autochtones :
Même
si la famille en question, elle est tout de même un peu bizarre...
Mais
surtout, on s’inquiète chez les braves gens, et les honnêtes
mères de famille ne sont pas très rassurées...
La
tension monte dans les rues, et tout le monde devient nerveux.
Heureusement, certains gardent la tête froide et trouvent le ton
juste pour tenir les propos qui rassurent...
Mais
ne vaudrait-il mieux pas lui faire comprendre une bonne fois pour
toute qu’il n’est pas le bienvenu, le citoyen Gabory ?
Surtout après ce qu’il a fait....
Cet
album est une magnifique illustration des ravages de la rumeur. En un
rien de temps, toute la population d’une petite ville se ressoude
autour de la présence indésirable d’un enfant du pays. Personne
ne l’a encore vu, mais chacun, du boucher à la pharmacienne, du
garagiste à la coiffeuse, a son opinion sur cet impudent qui ose
revenir après ce qu’il a fait à sa jeune compagne. Et d’ailleurs,
que s’est-il passé exactement à l’époque ? On ne sait pas
trop... Mais c’était lui le coupable, ça, c’est sûr... Alors,
ce retour, on comprend qu’il passe mal.
Tout
le talent de Gilles Rochier et Daniel Casanave est d’avoir fait
d’un être invisible le personnage principal de leur histoire. Ils
dressent de lui un portait en creux dont toutes les cases vides sont
bien vite remplies par des habitant-e-s qui semblent le connaître,
lui et sa famille, bien mieux que quiconque. Avec des certitudes et
avis parfois contradictoires, mais peu importe : ce retour est
une menace pour la ville, et les auteurs décortiquent brillamment le
mécanisme de la peur et la paranoïa collectives. Et les
conséquences dramatiques qui en découlent... Ils mettent également
à nu la très ordinaire propension de tout un chacun à porter des
jugements définitifs sur son prochain, sans aucun sens de la nuance,
ou si peu... Et on ne saurait mieux dire que la punkette du cru pour
résumer l’affaire : "Les gens... Tous des fils de pute".
Un
belle histoire de notre beau monde, ma foi...
Tu
sais ce qu’on raconte ****
Scénario
Gilles Rochier et dessin Daniel Casanave
Warum,
2017 – 88 pages couleur – 15 €