dimanche 17 décembre 2017

[Hollywood confidential] – Fondu au Noir, par Brubaker et Phillips (Delcourt) *****


 1948. Charlie Parish est scénariste à Holllywood. Il émerge un lendemain de cuite, au petit matin, dans un des bungalows de Studio city, ces petits apparts « où on parquait les acteurs pour les garder tout près du plateau ». Le temps de chasser les effluves vaseuses de son cerveau embrumé, Parish reconstitue petit à petit la soirée de la veille. Une fête. De l’alcool. Une bagarre. Et pour finir, une balade, avec Valeria Sommers, la starlette en pleine ascension. Voilà. Nous y sommes. Il y est. Le scénariste se rappelle de tout, et qu’il se trouve chez la starlette. Mais elle… Où est-elle ? Pas très loin, dans le living. Morte. Etranglée. Et Charlie qui a passé la nuit complètement ivre, à ses cotés… Vite, agir ! Prévenir la police ? Impossible… Alors, il efface toutes les traces de son passage, et se rend à pied au studio, tout près. En laissant sa voiture sur place…



Ce prologue occupe les dix premières pages sur les quatre cents que comptent les douze chapitres de « The Fade Out », le dernier Brubaker et Phillips publié par Delcourt. Un éditeur qui n’hésite pas à qualifier les deux créateurs de « duo magique », et on ne peut lui donner tort : en un peu plus de 10 ans et depuis la sortie du premier volume de Criminal, les deux hommes sont devenus les véritables maîtres du récit noir dont ils ont exploré de multiples facettes, avec leur série phare, Criminal, donc, mais aussi avec  Incognito  et  Fatale, où ils flirtaient avec d’autres mauvais genres, le fantastique en tête. 

 Fondu au Noir marque un retour à ce talent inégalé qu’ils ont pour le récit strictement noir, qui a la couleur sombre et mélancolique des romans et films de l’âge d’or du genre. Peut-être parce que cette histoire se déroule en pleine chasse aux sorcières, au coeur d’Hollywood ? Peut-être… 

Mais plus sûrement, parce qu’Ed Brubaker déploie une fabuleuse galerie de personnages – dont les dix-huit principaux sont d’ailleurs présentés, en guise de générique mystérieux dès les premières pages – et qu’il les plonge dans un univers fait de mensonges, corruption et manipulations. Le pauvre Charlie Parish, pour se sortir d’affaire, va vite découvrir que le meurtre va être transformé en suicide pour cacher des secrets bien plus importants que sa petite personne. Contraint malgré tout de mener son enquête, entendra-t-il cette mise en garde de Dashiell Hammett lui-même : « Je dirais que ce détective ferait mieux de se tenir à l’écart de tout ce bazar… Il y a des gens qu’il vaut mieux ne pas irriter. » 

Je vous laisse découvrir comment va se sortir Charlie Parish du nid de vipères dans lequel il est tombé… Et c’est une fois de plus dessiné avec classe par Sean Phillips, véritable maître des ombres et des ambiances nocturnes. De ce tandem qu’ils constituent, Brubaker dit : « Nous espérons former un duo tel que celui de Munoz et Sampayo, mener cette collaboration à bien pour le reste de nos vies, et être considéré comme les membres d’une équipe à part entière ». Une équipe à laquelle il faut associer Elizabeth Breitweiser, leur coloriste désormais attitrée, et qui magnifie le travail de Phillips.

Ajoutons que Delcourt a, une fois de plus, soigné cette édition, qui est du reste la traduction de la version « Deluxe » originale. La galerie d’illustrations qui clôt ce livre magnifique vaut vraiment le détour, et on y trouve aussi la « bande annonce » de la série, que je vous reproduis ici.






Alors, vous n’avez pas envie d’aller faire un tour du côté obscur d’Hollywood ?
Joyeux Noël !


Fondu au noir *****
Scénario Ed Brubaker, dessin Sean Phillips et couleurs Elizabeth Breitweiser
Delcourt, 2017 – 400 pages couleur - Collection Contrebande – 34,95 €