jeudi 12 janvier 2023

[Comics ] - Friday 1 / Brubaker, Martin et Vicente (Glénat)

 

Elle est de retour dans sa petite ville de Kings Hill, et même si c’est Noël, qu’elle va revoir sa famille et que les vacances vont lui faire le plus grand bien, rien n’y fait : Friday Fitzhugh, 18 ans, a cette boule au ventre qui la tenaille depuis son arrivée dans la cité enneigée. Et elle sait qu’elle ne partira pas tant qu’elle n’en aura pas parlé à Lancelot Jones. Lui, c’est son ami le plus proche, avec qui elle a passé ses années collège à résoudre des énigmes dans la région, élucider les affaires les plus mystérieuses, bien plus nombreuses que Friday n’aurait pu le croire à son arrivée à douze ans dans cette cité calme et un peu loin de tout. Et à peine arrivée, la voilà déjà entraînée par son infatigable ami détective, accompagné par le sheriff local, à traquer dans la neige et dans la forêt un certain Fouinard Wadsworth, voleur d’une dague antique trouvée sur un site archéologique. Vite retrouvé le jeune homme est embarqué, mais semble passablement perturbé et incohérent : il parle sans cesse d’une Dame Blanche. Mais Friday n’a maintenant qu’une idée en tête : parler à Lancelot de qui s’est passé entre eux juste avant que la jeune femme ne parte pour l’université. Va-t-elle en avoir le temps ?
  

Une fois de plus, Ed Brubaker éblouit par ses talents de conteur et son incroyable imagination, ici tous deux au service d’une nouvelle série appartenant tout autant à la romance qu’au mystère. Brubaker fait en effet un pas de côté et sort du chemin du polar pur et dur dont il est devenu le maître avec son complice Sean Philips (Criminal, Fondu au Noir, Reckless…) et s’est associé au dessinateur Marcos Martin (auteur lui du fascinant The Private Eye, avec Brian K Vaughn) pour une histoire «... d’adolescents détectives dans les années 1970 idéalisées de ma jeunesse ». Le scénariste est d’ailleurs plus précis dans sa post-face : « Je caressais le vague rêve d’écrire quelque chose d’à la fois gothique et ancré dans la réalité, comme un roman post young adult où les gamins qui résolvaient les mystères et se frottaient aux fantômes et monstres de tout poils avaient grandi et devaient affronter les mêmes problèmes et mauvais penchants que nous ». 

 


 Ce vague rêve est donc devenu une réalité mise en images par Marcos Martin et quelle puissance dans ses pages ! Dès le début, on est happé par l’ambiance : une première double page noire (la nuit), une deuxième avec l’apparition de tâches blanches (la neige) puis une troisième et dernière avec une vue générale – et donc nocturne – de la petite ville de Kings Hill : son phare au faisceau puissant, son port, ses rues plus illuminées qu’éclairées, sa forêt qui s’invite discrètement dans un coin de l’image… Puis immédiatement, on s’enfonce dans la forêt et voici Lancelot éclairant des pas dans la neige, et à l’arrière plan, cheveux mi-longs et grosses lunettes, Friday… L’action est vite lancée, et le duo immédiatement à l’oeuvre – et les premiers éléments d’une étrange intrigue installés- mais ce sont bien les pensées de la jeune fille qui guident la narration. Avec cet autre mystère soumis au lecteur : mais que s’est-il passé entre les deux amis ? Un flashback sur l’histoire de cette amitié éclaire tout, et pose aussi l’environnement presque surnaturel dans lequel évoluent Friday et Lance : Kings Hill va devenir pour eux un terrain de chasse regorgeant de mystères plus ou moins dangereux, où c’est « Lance qui les mettait dans le pétrin et Friday qui se chargeait de les en sortir ». Un duo Holmes-Watson junior, en quelque sorte… Mais quand on grandit, quand arrive l’âge d’autres préoccupations, que reste-il de tout cela ? Faudra-t-il un crime d’une autre envergure pour la mettre à l’épreuve, au révélateur ? Et si en plus, quelque chose de réellement surnaturel intervenait ? 

 

C’est bien toute la force de cette série : conjuguer le mystère criminel avec l’exploration des sentiments les plus profonds, avec deux personnages profondément attachants et humains sur le devant de la scène. Deux « héros » qui, de prime abord, ne payent pas de mine : une jeune fille réfugiée derrière une épaisse monture de myope et un jeune homme à la silhouette frêle. Mais qui tout deux ont certainement plus de forces et de ressources qu’on imagine. Les dessins de Marcos Martin sont parfaits de précision et les couleurs extraordinaires de Muntsa Vicente participent à faire de ce tome introductif – il y en aura trois – une réussite totale. Citons encore une fois Brubaker pour conclure : « Kings Hill semble aussi réelle que mystérieuse et empreinte de nostalgie, et je peux vous garantir que nous ne nous avons montré que la partie émergée de l’iceberg. J’ai hâte que vous puissiez tous découvrir ce qui vous attend dans les deux tomes suivants ». Nous aussi !

Friday, tome 1 ****

Scénario Ed Brubaker, dessins Marcos Martin et couleurs Muntsa Vicente

Glénat – 120 pages couleur19 € - Sortie le 11 janvier 2023

jeudi 5 janvier 2023

[FIBD] – 7 titres pour le 12eme Fauve Polar SNCF du FIBD 50

 


Allez, pour bien commencer l’année, quoi de mieux qu’une bonne BD au coin du feu ? Et bien, disons, sept. Polars, bien sûr, comme ceux qui figurent dans cette sélection du Fauve Polar SNCF d’Angoulême 2023. Histoire de vous mettre dans la peau du jury, qui aura, Samedi 28 janvier la lourde tâche de choisir l’album qui succèdera à l’Entaille, d’Antoine Maillard (Cornélius), lauréat 2022.

Lourde tâche car une fois de plus la sélection de ce Fauve est riche, variée et balaye tous les genres du Noir.

Jugez plutôt :

Colorado Train d’Alex W. Inker (Sarbacane) relève du thriller  : une véritable chasse à l’homme dans le Colorado, par quatre ados sur les traces d’un méchant vraiment méchant. Un des meilleurs albums de l'auteur. Flippant.

Le Dormeur, de Carlos Aón & Rodolfo Santullo (Ilatina) est une enquête futuriste -où le « héros » qui ne comprend pas ce qui lui arrive – car il vient de sortir de son hibernation - doit immédiatement enquêter sur une mort suspecte sous peine d’être accusé lui-même. Stupéfiant.

 
Gauloises de Serio & Igort, ( Futuropolis) peut être considéré comme un duel contemplatif de tueurs à gages (appellation non contrôlée…) où tout est d’un calme absolu et invite à la méditation. Reposant.

Hound Dog  de Nicolas Pegon (Denoël Graphic) dresse le portrait de deux paumés à la recherche du propriétaire d’un chien, dans une Amérique « péri-urbaine et pré-apocalyptique ». Avec le grand Elvis qui ne traine pas trop loin... Envoûtant.

 
Lost Lad London de Shima Shinya (Ki-oon) est un manga qui se déroule en Angleterre et où l’inspecteur chargé de l’enquête s’allie avec celui qui fait office de suspect le plus évident dans l’assassinat du maire dans le métro. Déroutant.


Meurtre télécommandé est un histoire complètement barrée de feu le romancier néerlandais Janwillem van de Wetering et illustrée de manière tout aussi délirante par Paul Kirchner (Tanibis) : mais qui a bien pu tuer ce pécheur tranquille à coup d'avion téléguidé ? Délirant.

et enfin, le troisième volume de RecklessÉliminer les monstres, est lui signé des maîtres actuels du récit noir, Ed Brubaker & Sean Phillips (Delcourt) qui signent là un de leurs meilleurs récits. Cette histoire peut se lire indépendamment des deux premiers volumes... mais il faut lire tout Reckless tellement c'est bon ! Percutant.


Rendez-vous le samedi 28 pour le verdict ! En attendant, voyez plutôt (un tout petit peu) à quoi ça ressemble: 

 

Et bonnes bulles noires 2023 !