Voilà longtemps que je ne vous avais pas causé Western dans ces pages alors c’est le moment vous présenter le cow-boy solitaire créé par Marion Mousse : Pastorius Grant, chasseur de primes en bout de course, qui recrache plus vite ses poumons qu’il ne dégaine son colt 45 Buntline Special.
Mais ce cow-boy n’est pas si solitaire que ça, et gravitent autour de lui ceux et surtout celle qui vont être au centre de cette histoire crépusculaire. Par ordre d’apparition voici donc Porti et Tavez, le gros et le maigre, traqueurs mexicains de la même proie que Grant. Ils n’ont pas l’air bien finauds, mais semblent pugnaces, même si Tavez ne sent pas trop le coin où ils viennent d’arriver : n’y a t-il pas encore des Comanches dans cette réserve soit-disant désertée par les Indiens ? Faut voir…
Big Hand est lui le prisonnier de Grant, qui le ramène en ville, à Christfield, pour toucher les 5000 dollars de prime. Entravé, le hors-la-loi doute fortement de la capacité du chasseur de primes souffreteux d’arriver à bon port et n’a qu’une crainte finir aux mains des sauvages.
Et enfin, arrive sans crier gare au beau milieu de ce quatuor, Annabelle Hope, petite fille d’une douzaine d’années. Elle veut embaucher Pastorius pour qu’il retrouve celui qui a tué son père, qui lui a dit « S’il m’arrive malheur, va voir Pastorius Grant ». La mort étant une forme de malheur, Annabelle a donc suivi le conseil paternel. Mais pas facile de trouver son chemin dans la forêt sauvage quand on est aveugle : heureusement, la gamine voyage avec son cochon, qui la guide grâce à son flair redoutable…
Tout ce petit monde chemine à travers une nature rude et grandiose, et va finir par se retrouver. Les comptes vont pouvoir être réglés, mais qui au final l’emportera au Paradis ?
Ce western est une merveille ! Déjà, dès les premières pages, on ne peut être qu’emporté par ces décors et ces scènes réalisés en couleurs directes : la palette choisie par Marion Mousse fait de Pastorius Grant un album invitant à un voyage autant onirique que philosophique… Rien que ça, oui ! Cette forêt nocturne nimbée de rose, mauve et bleu, et ces collines luxuriantes, ces pistes rocailleuses encaissées dans des canyons orangés, cet énorme rocher suspendu présent dès la couverture ; tout concourt à faire de cette traque une véritable réflexion sur le sens de la vie, et c’est à un vrai examen de conscience que va se livrer Pastorius Grant, dès que la jeune Annabelle va faire irruption dans sa vie. Ou plutôt dans ce qu’il lui reste de vie.
Bon évidemment, tout cela on le découvre au fur et à mesure de ce qui demeure un récit à suspense – oui, tout de même – au rythme parfait, avec ce qu’il faut d’ingrédients pour qu’on ne décroche à aucun moment. Et il faut le répéter : chaque page est un régal, tout fait sens, et sensation même. On peut même y voir un hommage à Lucky Luke : ce Grant solitaire n’a-t-il pas la même tenue que le célèbre homme qui tire plus vite que son ombre ? Ici, la silhouette courbée sur son fidèle cheval Général s’apprête à rejoindre les ombres. Partira-t-il en paix ? A vous de juger… Cet album est certainement un des meilleurs de Marion Mousse (auteur rappelez vous de GhoSt 111, fauve Polar SCNF 2021), auteur également récemment d’un Bela Lugosi du meilleur goût (scénario de Philippe Thirault, dans la collection 9 ½ consacrée au cinéma chez Glénat).
Enfin, si vous êtes à Paris le jeudi 13 juin, passez donc à la Librairie Super Héros, Marions Mousse y dédicacera cet album
Pastorius Grant ****
Textes et dessin Marion Mousse – Dargaud, 2024 – 116 pages couleur – 21 €
Parution 24 mai 2024