vendredi 7 août 2009

Jinx (2006)

Torso et Goldfish, vous vous souvenez ? Publiés par Semic en 2002 et 2003 ces deux crime comics furent les premières traductions du versant noir de la montagne qu’est devenue Brian Michael Bendis. Deux pavés dans la mare, tant au niveau de la narration pour le premier (dont le scénario était signé Andreyko) qu’au niveau du traitement graphique pour les deux : des centaines de pages d’un noir et blanc parfaitement maîtrisé, une utilisation intelligente de la photographie à l’intérieur desdites planches, de longs passages d’inaction précédent des fulgurances dignes des meilleurs polars eastwoodiens. On retrouve tous ces ingrédients dans cet énorme Jinx dont le propos est de raconter la vie mouvementée de Jinx Alameda, chasseuse de primes en quête du coup qui la mettra définitivement à l’abri d’un quotidien harassant et désespérant. Et cette quête du bonheur pour la belle Jinx passe peut-être par un pacte avec Goldfish, autre figure de la ville, côté petite frappe, doué au jeu et Columbia, autre petite frappe, doué pour rien. Ces deux-là connaissent chacun un morceau d’un «puzzle» menant droit à trois millions de dollars : de la bouche d’un mourrant l’un a entendu un mot-clé, l’autre un lieu. Et il leur faut mettre leurs rancœurs respectives de côté pour partager le pactole. Ce qu’aucun des deux ne veut se résoudre à faire : c’est là qu’intervient Jinx que Goldfish a choisi pour l’aider à sortir vainqueur de la course au fric. De cette intrigue qui semble tout droit sorti d’un Sergio Leone, si on identifie facilement la Brute, on hésite à distribuer les rôles du Bon et du Truand, car Bendis sait brouiller les pistes du côté psychologie des personnages, et rien n’est simple dans ses histoires. Comme dans la vraie vie. Et c’est aussi dans ces longs détours sur le passé de Jinx, et dans ces pages plongeant le lecteur au cœur de la vie de quidams qui ne font que croiser furtivement les protagonistes qu’il trouve le moyen de captiver de bout en bout. Ce Jinx a plus de dix ans et Bendis ne dessine plus de crime stories. Seul Fire, dans le même registre, n’a pas encore été traduit. En attendant ce jour béni mais hypothétique, plongez au cœur de la ville, de sa torpeur et de ses turpitudes. Jinx Alameda veille. Mais peut-être pas sur vous.

Jinx
Scénario et dessin Brian Michael Bendis
Delcourt, 2006 - 400 p. n&b - Collection Contrebande - 25 €

[Chronique parue dans l'Ours Polar n°40 - Décembre 2006]

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