mercredi 28 novembre 2012

[Nouveauté] - Dos à la mer, livre II : Sud (Berlion, Varenne et Thomas)

La fuite vers le Sud de la mystérieuse Natacha et du soudeur Henri se poursuit et le couple improbable sait que le bout de la route n'est plus très loin. Pour la jeune femme, le passeport pour une nouvelle vie est bien cette sacoche pleine de dope, subtilisée à ceux pour qui elle devait la livrer. Pour l'ouvrier des chantiers de Saint-Nazaire, qui a tout quitté pour servir de chauffeur à la jeune femme, l'avenir est plus incertain, et « demain sera un autre jour » pourrait bien être la devise qui illustre le mieux son état d'esprit. Natacha guide, Henri pilote. Chacun garde ses pensées secrètes bien au chaud, pendant que dans l'ombre, la meute des poursuivants se tient prête à tomber sur les fugitifs.

Le second volet de ce diptyque mouvementé est cette fois centré sur le personnage féminin de l'histoire de Varenne et Berlion, comme le laisse d'ailleurs fortement penser la couverture. Natacha est l'objet de l'attention des mafieux qui veulent récupérer leur marchandise, mais « Sud » voit aussi l'entrée en scène d'un second groupe d'acteurs dans la sarabande, les militants basques, qui sont eux en chasse de la jeune femme pour d'autres raisons, politiques. Et c'est Christine qu'ils veulent eux retrouver, la compagne de leur leader, qu'elle a dénoncé aux autorités. Une double identité qui la place dans un double faisceau d'ennuis. Le scénario s'étoffe donc avec cette nouvelle dimension politique, sans jamais perdre en efficacité dans sa narration, au contraire : les croisements des  intérêts des différents protagonistes font tout le piment de  « Dos à la mer ». A tout moment on se demande comment ce duo, formé par un couple que tout semble éloigner, va réussir à s'en sortir. Cette seconde partie tient donc toutes ses promesses, et Olivier Thomas réussit tout autant que dans le premier tome à transporter ses lecteurs, avec des décors toujours aussi soignés et des personnages solidement campés. Ce second aspect n'est pas anodin, car pour la meute de mâles dans laquelle Christine/Natacha se retrouve plongée, il fallait un coup de crayon sûr, pour faire passer les caractères de chacun. Sans oublier Henri, qui, lui, représente un point d'ancrage à la fois solide et doux pour l'héroïne. Bref, « Dos à la mer » est une des réussites de cette année 2012, une histoire noire teintée d'espoir, derrière laquelle on sent aussi bien la patte de l'écrivain qu'est Antonin Varenne que celle du créateur de Tony Corso, Olivier Berlion.
Vous pourrez lire bientôt dans ces pages une interview d'Olivier Thomas, sur son travail avec ces deux auteurs.


Dos à la mer, livre 2 – Sud
Scénario Olivier Berlion et Antonin Varenne
Dessins Olivier Thomas
EP, 2012 – 56 pages couleur – (Collection Atmosphères) – 15,50 €

samedi 24 novembre 2012

[Chronique] - Du primus, du brutal et de l'harmonie : l'encyclopédie Audiard

Bon, allez, si je vous dis :
« Parce que j'aime autant vous dire que pour moi, monsieur Éric, avec ses costumes écossais tissés à Roubaix, ses boutons de manchette en simili, et ses pompes italiennes fabriquées à Grenoble, eh ben, c'est rien qu'un demi-sel. Et là, je parle juste question présentation, parce que si je voulais me lancer dans la psychanalyse, j'ajouterais que c'est le roi des cons... »
Vous me dites, vous me dites... Bernard Blier dans « Le Cave se rebiffe » ? Bingo ! Vous connaissez votre Audiard sur le bout des doigts. Mais si vous avez répondu, au pifomètre, allez, Gabin dans « Le Pacha », pas de doute : l'encyclopédie Audiard de Stéphane Germain, chez Hugo & Cie, est pour vous. Dans le premier cas aussi, d'ailleurs...
Ce pavé de près de 300 pages est un pur délice. Après une première partie resituant l'homme dans son époque, Stéphane Germain, l'auteur de cette somme, se met en tête de présenter à son lecteur l'oeuvre intégrale d'Audiard : l'écrivain, le dialoguiste, le scénariste, le réalisateur, l'adaptateur. Et le lecteur est ébahi, car il ne soupçonnait pas une telle richesse, une carrière aussi prolifique : une dizaine de livres (Audiard fut aussi romancier, ce qui est souvent oublié de celles et ceux qui gouttent son verbe), et une centaine de films. Cette encyclopédie nous les présente tous, absolument tous, dans leur ordre de sortie en salle, de « Mission à Tanger » (1949) à « On ne meurt que deux fois » (1985). On y trouve même les « introuvables », ces six films portés disparus des écrans, impossibles à (re)voir, dont le dernier - «Toutes folles de lui » - date seulement de 1967, et au générique duquel figurent, entre autres, Jean-Pierre Marielle, Julien Guiomard,
Amarande...

Pour chacun des films, Stéphane Germain rappelle brièvement le synopsis et rédige une (courte) fiche technique. Suit alors son avis, dans une longue notice où l'analyse côtoie l'anecdote, où l'utile se joint à l'agréable... et le tout est couronné de la cerise sur le gâteau : l'indispensable citation audiardienne, évitée uniquement pour les films les plus catastrophiques du maître, car oui, il y en a bien eu, et l'auteur n'hésite pas à les signaler. Mais ils sont en nombre minime dans la longue filmographie d'Audiard et c'est un plaisir de retomber sur les classiques « Barbouzes », « Ne nous fâchons pas », « Un taxi pour Tobrouk », « Mortelle randonnée », … Mais c'est un plaisir encore plus grand de découvrir, des oeuvres complètement oubliées car absentes durablement des programmations télévisuelles.  Ou de redécouvrir la quinzaine de films dont Gabin était la vedette, lui qui fut l'acteur fétiche du scénariste pendant plus d'une décennie.. 


Cette copieuse encyclopédie se conclut d'ailleurs sur une dernière partie intitulée « Les grands diseurs d'Audiard », qui dresse le portrait de 19 acteurs et actrices, les meilleurs interprètes des dialogues de Michel Audiard, selon Stéphane Germain. 19 portraits illustrés par le très doué Géga, déjà à l'oeuvre sur le précédent ouvrage de Germain (« Le dico des Tontons Flingueurs »), et qui croque avec bonheur Blier, Dalban, Belmondo, Girardot, Pousse, Serrault...
Ce livre est, comme il se doit, très richement illustré de photos et d'affiches, parfois de plusieurs pays pour les films ayant eu le plus de succès.
Je vous le disais au début : ce pavé est un pur délice. Que demande le peuple ? Une autre citation, peut-être ? Soyons bon prince,  en voici deux :

« Dans la vie il y a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance : le cyanure et la loyauté »
(Jean Gabin dans « Le Gentleman d'Epsom »)

« - J'ai peut-être une bonne affaire. Je connais un gars qui cherche un bateau. Tu pourrais lui vendre le tien.
- Mais j'en ai pas !
- C'est pour ça que c'est une bonne affaire... »

(Dialogue entre Robert Dalban et Jean-Paul Belmondo dans « L'incorrigible »)

Un pur délice, vous dis-je. J'insiste. 

L'Encyclopédie Audiard – Du primus, du brutal et  de l'harmonie
Textes Stéphane Germain ; illustrations Géga
Desinge & Hugo & Cie, 2012 - 287 pages couleur
24,95  €

mercredi 21 novembre 2012

[Chronique] – Noir et Pigalle 62.27 : Götting fait coup double !

Un homme est précipité du haut d'une falaise, mains attachées. Pas de miracle, il ne s'en relèvera pas.... La police, dans ses premières constatations, relève qu'il manque un doigt au cadavre. Flashback : on retrouve l'homme assassiné, un émigré Polonais, et on le suit dans son quotidien chaotique. Il est d'abord mécano, puis il est viré par son patron, puis le voilà homme de ménage dans un restaurant chinois, viré à nouveau, avec l'humiliation en prime, et le voici enfin au service d'un notable local, qui fait de lui son tueur à gages... ce qui n'est peut-être pas, finalement, la meilleure des voies pour Franciszek Gruszka...

« Exercice de style récréatif », « Hommage au roman noir et au cinéma américain » : voici comment est présenté par l'éditeur lui-même cette histoire de Götting parue en début d'année. Un hommage, c'est bien ainsi qu'il faut lire cet album découpé en vingt séquences qui sont autant de scènes convoquant tous les personnages et situations-clés du genre : le looser, la garce, le parrain local, le flic malin... et l'humiliation, l'espoir, la peur, la vengeance. Une histoire aussi rapide et expéditive que la trajectoire d'une balle, que Götting met en scène en 150 pages, format manga, au rythme de deux à quatre cases par planche, le tout dans un style charbonneux, crayeux, où même le blanc est foncé. « Noir » ne révolutionnera certes pas le genre, mais a le très grand mérite de marquer le double retour au polar d'un auteur important du 9ème art, un vrai styliste, comme vous pourrez vous en rendre compte ici,  sur son site. Sans oublier l'espace qui lui est consacré sur le site de Galerie Barbier & Mathon, une galerie spécialisée dans les illustrations et planches originales de bande dessinée.

Götting dévoile son autre facette d'auteur de noir dans le très beau Pigalle 62.27, où il a écrit un scénario parfait pour Loustal. Cet album fait partie des 6 titres en compétition pour le prix polar SNCF de la BD, et vous pouvez lire ma chronique ici, sur le site k-libre.fr.



Noir
Texte et dessin Jean-Claude Götting
Barbier et Mathon, 2012 – 152 pages noir et blanc
8  €
Pigalle 62.27
Texte Jean-Claude Götting  et dessin Jacques de Loustal.
Casterman, 2012 – 72 pages couleur
15 €

lundi 19 novembre 2012

[Prix] – La Princesse du Sang 2 (Dupuis) Trophée 813 de la Bande Dessinée 2012

L'association« 813 » des Amis des littératures policières décerne chaque année depuis 1981 ses Trophées, qui récompensent les ouvrages (romans, essais) préférés des adhérents. La proclamation des résultats 2012 a eu lieu hier au cours du festival Sang d'Encre, à Vienne. Après une éclipse de plusieurs années, la bande dessinée figure à nouveau au palmarès, et pour ce grand retour c'est la seconde partie de la « La princesse du sang » qui l'emporte. Retrouvez ici ma chronique de cette très réussie adaptation du dernier roman de Manchette. 

Cet album devance deux autres adaptations : « L'homme squelette » de Hillerman, par Will Argunas (Casterman) et « Parker - L'organisation » de Stark par Darwyn Cooke (Dargaud).

Bravo à Doug Headline et Max Cabanes et aux éditions Dupuis, pour ce prix, le quatrième pour ce dyptique, après le Prix Polar 2010 du Festival de Cognac, le Prix Mor Vran 2010 du festival du Goéland Masqué et le Prix Polar Encontre 2010 du festival dumême nom à Bon-Encontre.

samedi 10 novembre 2012

Prix SNCF du Polar / BD 2013, deuxième !

L'an passé, pour sa première édition, le prix était allé à Bryan Talbot pour son formidable Grandville mon amour, chez Milady.
Cette année, la sélection regroupe 6 titres, chacun dans des styles, des époques et des registres différents. Et vous savez quoi ? Ils sont tous sacrément bons, et le choix va être difficile... Voici la liste :

- CASTILLA DRIVE, d'Anthony Pastor (Actes Sud /An2)
- PIZZA ROADTRIP, de Cha & El Diablo (Ankama)
- UN LÉGER BRUIT DANS LE MOTEUR, de  Gaet’s & Munoz (Physalis)
- LA PEAU DE L’OURS, d'Oriol & Zidrou (Dargaud)
- PIGALLE 62.27, de Loustal & Götting (Casterman)
- LA GRANDE ODALISQUE, de Vivès, Ruppert & Mulot (Dupuis)

En cliquant sur chacun des titres, vous trouverez soit dans ces pages, soit dans celles du site k-libre, de Julien Védrenne, une chronique de ces albums.
Mais le plus amusant est encore de participer en votant pour vos préférés parmi ces six albums. Comment faire ? Contrairement au Prix SNCF du polar, catégorie roman, il n'est pas possible de voter à distance. Première solution : monter à bord d'un des nombreux « trains du polar » organisés un peu partout en France au début de chaque période de départ en vacances... technique aléatoire – mais amusante - puisque ces trains sont « surprises » et que les voyageurs les découvrent au dernier moment. Prochains trains du polar : 22 décembre, pour les vacances de Noël.
Mais si vous voulez lire toutes les BD d'un coup, et c'est la seconde solution, il faut vous rendre sur les espaces Polar SNCF mis en place lors de grands festivals et salons. Le prochain rendez-vous est tout simplement à Angoulême, Place Marengo, du 31 janvier au 3 février 2013. N'hésitez surtout pas à vous y rendre !
Bédépolar vous informera de chaque nouveau rendez-vous, jusqu'à la remise des prix, au printemps.