dimanche 20 août 2017

[Sous le soleil exactement] – Intempérie : Javi Rey adapte superbement Jesus Carrasco (Dupuis)

Espagne, loin de la ville. Caché sous la terre, le corps mêlé aux racines d’un olivier de l’immense champs où il s’est réfugié, un jeune garçon attend, tremblant de peur et de douleur. Il attend que tous ces hommes qui le cherchent, avec une insistance inquiétante, soient partis. Loin. Et là, seul, il partira à son tour, encore plus loin de ce père qui le bat, encore et encore, et de l’alguazil, ce flic vicieux qui ne se déplace qu’à bord de son side-car.
A la nuit tombée, le jeune garçon prend son courage à deux mains, sort de sa tanière et court, sous les étoiles et dans le froid nocturne mordant. Le hasard de ses pas l’amène vite jusqu’à un vieux berger taciturne, qui le prend sous son aile. Sans lui poser de questions sur les raisons de sa fuite. Le gamin accepte de suivre cet étrange mais providentiel sauveur, mais pourront-ils lutter longtemps contre une nature parfois hostile et des chasseurs impitoyables ? 

 Adapté du premier - et retentissant - roman de Jesus Carrasco (2013, parution chez Robert Laffont en 2015), Intempérie est une histoire d’un noir profond. Le récit de cette cavale tire toute sa puissance à la fois dans la tension qui y règne, et dans la relation forte de son improbable duo de personnages. Les deux solitaires, l’un par contrainte, l’autre par choix, vont se rencontrer, s’apprivoiser, et vite s’unir pour leur survie face à la cruauté de la terre, mais surtout, des hommes. Il est dit peu de choses sur le passé respectif des deux protagonistes, mais là n’est pas l’important : on comprend très vite que cette vie, qui débute à peine pour le jeune, est devenue un enfer auquel il lui faut échapper, et que le vieux se retrouve – peut-être, certainement – dans ce besoin de liberté et de justice d’un gamin paumé. Javi Rey a mis en scène cette cavale avec talent : qu’il s’agisse de passages terriblement violents (les dégâts d’un soleil de plomb, un incendie, une lutte avec un cul de jatte...), de séquences oniriques saisissantes, ou de scènes nocturnes faussement apaisantes, à chaque fois, le découpage précis et les couleurs employées font mouche. L’utilisation fréquente de cases muettes – à l’image du vieux berger peu causant -, sur des planches entières parfois, laisse toute sa place aux émotions ressenties par ses personnages. Des émotions et des sentiments que Rey fait aussi passer admirablement grâce à un trait clair, précis, superbe.



Dans l’entretien croisé de dix pages qui conclut l’album, Jesus Carrasco ne dit pas autre  chose à propos de son adaptateur : "Sa capacité d’expression et la pureté de son trait me semblent prodigieux […]. Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé son aptitude à restituer la substance du texte".



Et Intempérie est une aussi une grande réussite, en cela qu’il donne envie de se plonger dans ce premier roman "à la langue riche, soignée, sublime" (selon El Mundo).






Intempérie ****
Sénario et dessin de Javi Rey, d’après le roman de Jesus Carrasco
Dupuis, 2017 - 152 pages couleurs – Collection Aire Libre - 15,50 €

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