lundi 28 mars 2022

[FIBD] - Le Fauve Polar SNCF 2022 à "L'Entaille" d’Antoine MAILLARD (Cornelius)

C'était- déjà ! - la semaine dernière au méga-cluster d’Angoulême, et dimanche matin au studio SNCF : le Fauve polar 2022 a été décerné à Antoine Maillard pour son premier et inquiétant album L’Entaille, aux éditions Cornélius, dans leur prestigieuse collection Solange.  Il faudra donc que les Robert Crumb, Daniel Clowes et autres Charles Burns fassent une place au petit frenchy et à sa vision de l’Amérique. Et sa vision à lui, c’est celle de la banlieue tranquille, cossue, bourgeoise, qui vient se faire secouer les gazons impeccables et les lampadaires élégants par des meurtres sordides. A la batte de base-ball. Par un tueur insaisissable. Les victimes ? Des lycéennes. Les protagonistes de l’affaire ? Des lycéens et des lycéennes. Qui voient leurs petites affaires et leur train-train sévèrement bousculés… au point de les transformer, eux, radicalement.

Hommage non-déguisé aux « slashers » et aux « teen-movies» deux catégories bien particulières du cinéma de genre chères à l’auteur, l’Entaille est avant tout une réussite graphique : entièrement réalisé au crayon de papier, l’album baigne dans une atmosphère ouatée de la première à la dernière page, et il se dégage des tons noirs et gris veloutés une ambiance pesante et mystérieuse. Couronné dès son premier album, espérons qu’Antoine Maillard, illustrateur de presse reconnu, poursuive dans la voie de la bande dessinée. Dans le polar ou ailleurs.

Et saluons au passage les autres candidats au Fauve Polar, en particulier Reckless (Brubaker et Phillips - Delcourt) et Impact (Rochier et Deloupy - Casterman), pour lesquels Bedepolar avaient un petit faible, avouons-le…

L’Entaille ***

Scénario et dessins Antoine Maillard

Cornélius, mars 2021 – 152 pages noir et blanc

Collection Solange – 25,50 €

 

dimanche 6 mars 2022

[FIBD 2022] – Fauve Polar SNCF : la sélection des 7 albums en compétition

 Qui pour succéder à « Ghost 111 » de Mark Eacersall, Henri Scala et Marion Mousse (Glénat) lauréat du Fauve Polar SNCF 2021 ? Le jury aura fort à faire car la sélection proposée par le FIBD pour la catégorie polar de son palmarès couvre de larges pans du genre, jugez plutôt :

- Commissaire Kouamé, T.2, Un homme tombe avec son ombre, de Marguerite Abouet et Donatien Mary (Gallimard BD) 

Ou comment le survolté commissaire et son fidèle adjoint Arsène vont s’échiner à retrouver la fille d’un richissime industriel français, disparue en plein Abidjan. Une enquête dans une Afrique vivante et authentique, des personnages mémorables, une intrigue solide, un rythme effréné, et … un humour à l’épreuve de tout maraboutage !

- Goodnight Paradise, de Joshua Dysart et Alberto Ponticelli (Panini Comics)

Ou comment Eddie, sans-abri écumant les rues du très prisé quartier de Venice Beach à Los Angeles va tenter de faire éclater la vérité sur l’assassinat d’une jeune femme que tout le monde semble vouloir oublier… et faire taire. Un des comics les plus noirs de l’année !

- Impact, de Gilles Rochier et Deloupy (Casterman)

Ou les destins parallèles et croisés (ah ah, oui les deux à la fois) de Dany, quadra marginal et impulsif à deux doigts de l’incarcération et de Jean, retraité à deux orteils de la tombe. Tous deux ont des secrets un peu trop lourds à porter… Un récit habile et subtil, et un regard acéré sur la France d’ici et maitenant.

- L'entaille, d'Antoine Maillard (Cornélius)

Ou l’irruption d’un tueur d’ados à la batte de base-ball dans une petite bourgade américaine. Passée au révélateur du serial-killer, la quiétude apparente de la ville explose, et les jeunes protagonistes de cette histoire vont mûrir d’un coup… ou mourir. Superbe hommage au cinéma de genre, par un nouveau venu dans la bande dessinée.

- Factomule, d'Oyvind Torseter (La joie de lire)

Ou comment Tête de Mule, factotum du Président se fait voler son identité… et sa place auprès du grand homme qui s’apprêtait à lui confier une mallette de la plus haute importance. Un « grand thriller politique international » déroutant, délirant et… norvégien. Une découverte savoureuse !

- Nouveaux Détours, de Jean-Claude Götting (Barbier)

Ou cinq histoires aussi courtes que noires qui nous amènent sur les routes de l’Amérique des fifties et où les personnages ne sont pas loin d’être des losers magnifiques. Diners, motels, barber-shop et petites villes sont au menu de ce road-trip sombre et élégant. 

- Reckless, d'Ed Brubaker et Sean Phillips (Delcourt)

Où le dénommé Ethan Reckless, un type discret à qui on fait appel pour régler des problèmes que les autorités officielles ne pourraient résoudre voit débarquer une « cliente » qui n’est autre que son ex, disparue depuis leurs années d’étudiants radicaux. Un retour qui le plonge dans une course contre la montre d’un homme pris dans les roues d’un engrenage infernal. Un excellent cru des maîtres du genre…

Alors oui, le choix va être difficile. Verdict samedi 19 mars ! 

A bientôt pour le programme des rencontres polar sur l'espace SNCF !  En attendant, pour des infos sur le FIBD, suivez le guide officiel 

 


mercredi 2 mars 2022

[Express] - LIP des héros ordinaires, de Galandon et Vidal (Dargaud, 2014)

 Il n’est jamais trop tard pour découvrir – et donc vous faire part de mon enthousiasme pour – un excellent album. Et je viens juste de lire celui de Laurent Galandon et Damien Vidal sur le conflit des usines LIP de Besançon, qui s’est déroulé d’avril 1973 à mars 1974. Pendant presque un an, les salariés de cette usine de montres très réputées à l’époque vont tout faire pour ne pas perdre leur boulot : y compris en planquant 25 000 toquantes réquisitionnées au patronat, et en se lançant dans une tentative d’auto-gestion demeurée célèbre. "On fabrique, on vend, on se paie !" : tout un programme, qui a marché, un temps…

Les bandes dessinées-documentaires - appelons-les comme cela - ont le vent en poupe depuis une petite dizaine d'années, et certaines sont remarquables. Cette histoire de LIP l’est : claire, fluide, précise et incontestablement très documentée, elle se lit d'une traite, à la fois pour le "suspense" qu'elle suscite (les ouvriers rebelles tiendront-ils longtemps le choc ? ) et surtout peut-être par l'écho qu'on peut lui trouver, en 2022. Sur le cynisme du patronat, par exemple. A moins que cela ne soit celui des actionnaires ? Si cela ne vous rappelle pas quelque chose... Laurent Galandon construit un récit qui fourmille de remarquables « héros ordinaires » comme l’indique avec justesse le sous-titre – et y met en scène des hommes et des femmes formidablement humains. Damien Vidal dessine l’ensemble avec une finesse et un sens du détail absolument parfaits.

Bref : un excellent album à ranger dans votre bibliothèque rouge (et noire) !

LIP, des héros ordinaires ****

Scénario Laurent Galandon et dessin Damien Vidal

Dargaud, 2014 - 176 pages noir et blanc - 19,99 €