mercredi 1 mai 2024

[Adaptation] – Vénus privée : la première enquête de Duca Lamberti / Paolo Bacilieri d’après Giorgio Scerbanenco (Ici Même)

 

Regardez bien cette couverture. Au premier coup d’oeil, de loin, voici une belle femme, sensuelle, accablée par la chaleur, des perles de sueur dégoulinant sur son corps. Maintenant, penchez l’album de 90° sur la gauche, mettez le sur le dos et approchez vous  : ce ne sont pas des gouttes mais des fourmis. Voici un beau cadavre, n’est-ce pas ?

Les pages suivantes le confirment : voici la dépouille d’Alberta, découverte dans un terrain vague dans la périphérie milanaise. Un suicide, comme le conclut vite l’enquête, au regard des poignets profondément tailladés de la victime. C’est à peu près à cette même période que Duca Lamberti sort de prison : ce médecin désormais radié de la profession a passé trois ans derrière les barreaux pour avoir pratiqué l’euthanasie sur une vieille femme cancéreuse en phase terminale. Et pour son retour à l’air libre, Lamberti se voit confier par le fortuné industriel Auseri une tâche un peu particulière, celle de faire cesser l’alcoolisme de son fils Davide.

Apparemment étrangers l’un à l’autre, ces deux événements vont tout de même étrangement se percuter lorsque, en visite au cimetière de la ville, Davide demande à voir une tombe particulière en soufflant à Lamberti : « Elle s’appelle Alberta Radelli… c’est la femme que j’ai tuée l’an dernier ». Et Davide raconte alors sa rencontre avec Alberta…

Et je m’arrêterai là pour cette mise en bouche, pas question d’en dévoiler plus sur cette première enquête de Duca Lamberti, le médecin radié, et un brin tourmenté, créée par Giorgio Scerbanenco dans les années 60. Les quatre romans de la série plongeaient les lecteurs dans un Milan des plus sombres, qui ont valu - avec ses autres livres – à l’auteur le statut de maître du roman Noir italien ( il existe du reste depuis 1993 un Prix Scerbanenco récompensant le meilleur polar italien de l’année). L’adaptation de Paolo Bacilieri (à qui on doit aussi Adios Muchachos, d’après le roman de Daniel Chavarria, pour feue la collection Rivages/Casterman/noir) restitue bien l’atmosphère du roman, et on suit les pas de Lamberti dans un Milan garanti d’époque. Ses scènes de rues fourmillent de détails, et ses bâtiments dessinés sous toutes leurs coutures : il n’y a pas à dire, on est à Milan en 1966. 

 

 Mais ce qui frappe surtout, c’est cet art de la planche, où cases, angles et points de vues, ombres et lumières, plans subtilement variés, forment un tout qui fonctionne à merveille. Et côté personnage le trait du dessinateur est ici parfois proche de celui de Pichard ou de Crépax. On peut se demander aussi si Paolo Bacilieri n’a pas vu l’adaptation cinéma d’Yves Boisset (1970 sous le titre Cran d’arrêt), car son Lamberti a un petit quelque chose, de manière fugace, de Bruno Cremer qui jouait le rôle du médecin dans ce film. Film par ailleurs aux dialogues d’Antoine Blondin et à la musique de Michel Magne : à (re)découvrir assurément !

  Quant au roman matrice, il est initialement paru en 1966 en Italie, puis fut publié en France d’abord dans la collection Grands Détectives, avant d’être repris au catalogue Rivages/Noir. Venus privée a désormais trouvé refuge chez Gallmeister, dans leur élégante collection Totem, avec une nouvelle traduction de l‘italien par Laura Brignon. Le deuxième volume Tous des traîtres a également été réédité, et les deux autres de la série le seront certainement. 

 

Mais en attendant, il faut vous plonger dans cette Vénus privée-là, dans ces 160 pages dessinées avec brio. Et espérer que les trois autres romans de la série seront aussi adaptés et publiés par Ici Même, qui avait déjà à son catalogue les étonnants Fun et More Fun du même Bacilieri.


Vénus privée : la première enquête de Duca Lamberti ****

Textes et dessin Paolo Bacilieri d’après Giorgio Scerbanenco ; traduit de l’italien par Laurent Lombard – Ici Même, 2024 – 160 pages noir et blanc – 22 €

Parution 3 mai 2024


dimanche 24 mars 2024

[Adaptation] – Siniac is back ! Carton blême de Boris Beuzelin et JH Oppel réédité chez Komics Initiative

 

Le superbement pessimiste polar fantastique – et visionnaire ? - de Pierre Siniac paru initialement dans la collection Engrenage en 1985, puis réédité par Jean-Jacques Reboux chez Canaille, et enfin en Rivages/Noir en 2003 avait aussi connu une première adaptation BD, par Jean-Hugues Oppel et Boris Beuzelin. Une version parue dans feue la collection Rivages/Casterman/Noir, et que Mickaël Géreaume et sa maison Komics Initiative reprennent, via une traditionnelle campagne de financement Ulule qui a démarré sur les chapeaux de roue

Interview express de Boris Beuzelin avec comme première question : pourquoi diable ce retour du Carton Blême ?

Boris Beuzelin : C’est moi qui ai proposé à Mickaël ce projet de réédition. J’avais cette idée en tête depuis longtemps et j’attendais un moment favorable pour la concrétiser au mieux. la raison en est que je n’étais pas satisfait de la première version qui ne correspondait pas à l’idée que Jean-Hugues et moi avions de l’album. À cela deux raisons, d’une part l’album est sorti en couleur alors que nous voulions une version noir et blanc au lavis (ce qui était prévu sur le contrat), l’éditeur ayant changé cet aspect au prétexte que les albums noir et blanc de la collection se vendaient moins bien que ceux en couleur. Et d’autre part, un dixième de l’album nous a été « supprimé », cette fois en raison de désaccords avec les directeurs de collection de l’époque. 

L'album était chez Rivages / Casterman / Noir : était il encore dispo ? Cela a-t-il été facile de récupérer les droits ?

Boris Beuzelin  - Cela a été simple de récupérer les droits chez Casterman, la collection n’existant plus depuis longtemps et l’album n’étant plus disponible au catalogue. Il nous a fallu simplement renégocier une nouvelle cession de droit avec Rivage ce qui c’est fait sans difficulté non plus.

Comment as-tu travaillé à cette nouvelle version à paraitre Boris ? En quoi va-t-elle être différente de la précédente : couleurs, pagination, format...

Boris Beuzelin  - Ici j’en reviens à ce que j’évoquais plus haut. L’album à paraître chez Komics Initiative sera une sorte de director’s cut puisque il qu’il sortira donc en noir et blanc, au lavis, tel que je l’avais conçu à l’origine. Nous inclurons également les pages qui avaient été supprimées ainsi que quelques autres modifications qui s’étaient avérées nécessaires suite à la disparition de cette séquence. Cela représente une dizaine de pages supplémentaires. L’album sortira en souple, au format  plus petit que celui de la collection d’origine. L’idée d’une version spécial collector est en réflexion avec un cahier spécial en fin d’album avec des bonus, comme mon découpage et celui écrit de Jean-Hugues, des recherches diverses ainsi que le début si qu’une première version dessinée, car au départ c’est moi qui devait adapter le roman de Siniac, mais ça c’est encore une autre histoire.

As-tu également retravaillé avec Jean-Hugues Oppel ?

Boris Beuzelin - Je me suis débrouillé seul sur cette nouvelle version, mais elle était déjà préexistante en réalité, ce qui ne nécessitait pas de retravaille particulier avec Jean-Hugues, mais il reste bien évidement entièrement associé au projet.

Merci Boris !


La campagne de financement a atteint les 100 % attendus en quelques heures … Carton plein pour Komics Initiative ! Mais il vous reste du temps pour y participer, et choisir entre la version traditionnelle, ou la version collector … ou les deux !

C’est par ici :

https://fr.ulule.com/carton-bleme-pierre-siniac-boris-beuzelin/

Carton blême ****

Scénario Jean-Hugues Oppel et dessin Boris Beuzelin d’après Pierre Siniac

112 pages - Sortie mai 2024