dimanche 9 octobre 2016

[Noir en couleur] – Watertown, par Götting - (Casterman)

Philip Whiting travaille pour le cabinet d'assurances Barney & Putnam, dans la petite ville de Watertown. Dans sa vie terne et bien réglée, il y a ce passage quotidien et matinal par la pâtisserie Clarke, où il achète un muffin, servi par Maggie Laegger, l'employée que Whiting a toujours vu ici. Et voici qu'un jour, en réponse à son "à demain" habituel, Maggie répond "Non. Demain je ne serai plus là". Et le lendemain, en effet, la jeune femme n'est plus là. Mais son patron, n'y sera plus non plus, définitivement : il est mort, écrasé par une lourde étagère de sa cuisine... et personne ne revoit plus Maggie à Wattertown. Aussi, quand par hasard, deux ans plus tard, Whiting, en visite chez son frère à Stockbridge, une petite ville à l'autre bout du même état du Massachusetts, tombe nez à nez avec une antiquaire disant s'appeler Marie Hotkins, mais que lui identifie immédiatement comme Maggie Laeger, le trouble s'installe dans son esprit. Surtout quand la femme lui dit ne jamais être allée à Watertown... Dès lors, Whiting, n'a qu'une obsession : découvrir la vérité sur cette étrange affaire... Mais comment s'y prendre quand on est un simple agent d'assurance ?

Jean-Claude Götting fait partie de ces auteurs discrets, mais brillants, qui entretiennent avec le genre noir une relation régulière et passionnante. Depuis "Crève coeur", en 1986, dans la célèbre collection "X" de Futuropolis, jusqu'à "Black Dog", avec Loustal au dessin, en 2016, en passant par les "Noir" ou "Pigalle 62,.27", il a oeuvré comme dessinateur ou scénariste. Comme il le dit lui-même, sur ce genre : "Je préfère toutefois le terme roman noir à polar. Ce qui m'intéresse, c'est le côté tragique, plus que l'aspect criminel avec flics et voyous. J'emprunte surtout au polar le côté enquête, qui est une forme de narration intéressante. Mais, dans ce livre, elle est au moins le moyen d'élucider un mystère qu'une manière de raconter la psychologie de celui qui la mène".


En effet, Watertown, vaut tout autant par cette obsédante quête de la vérité menée par Whiting, qu'il mène avec difficultés car... détective, ce n'est pas son métier : "J'étais sûr qu'un auteur de roman policiers saurait trouver ici vingt scénarios possibles. Mais pour l'instant, je séchais", que pour les raisons intimes qui le poussent dans cette quête : " De modeste employé subalterne, je m'étais promu détective, tentant de confondre une meurtrière à laquelle personne ne semblait s'intéresser. J'avais peut-être une chance de devenir une personnalité considérée de Watertown Une célébrité locale dont on parlerait dans la gazette, et pourquoi pas jusqu'à Boston..."

Un double intérêt dans la lecture, servi par le style Götting, celui de ses débuts : " ... un trait noir au pinceau et un travail de grisés réalisés avec un petit rouleau à gouache, modulés à la gouache blanche pour les lumières", une technique qui s'accompagne pour la première de la couleur. Cela donne une Amérique des années 60, emprunte d'un côté vintage, et installe une véritable atmosphère, digne des romans et films noirs de l'époque. Avec une chute qui est loin d'être celle attendue au bout du chemin de Philip Whiting, et qui participe grandement à faire de Watertown un des albums de cette année 2016.


Watertown ****
Texte et dessin Jean-Claude Götting
Casterman, 2016 – 96 pages couleur - 18 €



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