mercredi 11 janvier 2012

Noire est ma couleur : Sélection BEDEPOLAR 2011

En 2012, vous n'êtes pas sans savoir qu'il va nous falloir choisir, et moi, ça y est, j'ai fait mon choix : je vote pour ces 18 albums parus en 2011. Une revue expresse, où il vous suffit de cliquer sur chaque titre pour en lire la chronique complète et détaillée. Prêts ? Hey ho, let's go !

Dans la catégorie Comics, parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, et que, vous me connaissez, j'ai un faible pour les crime comics depuis quelques années, je retiendrai trois titres... dont deux étaient déjà dans ma sélection 2010 pour leur premier tome (vous suivez ?)

Commençons par... la conclusion de la trilogie « The last days of american crime » de Rick Remender au scénario et Greg Tochini au dessin, traduit chez Emmanuel Proust, tient toutes ses promesses. Pour mémoire, il s'agit de l'histoire d'un casse organisé par un quatuor de malfrats, casse qui doit se dérouler juste avant l'émission d'un signal agissant sur le cerveau et annihilant toute envie de commettre un crime, voire même un petit délit. D'où le titre. C'est une trilogie que son auteur qualifie lui-même de « polar hardcore avec un contenu anarchiste ». Et vous voulez que je vous dise ? Et bien c'est vrai !

Pas aussi hardcore mais tout aussi anarchiste quand on y réfléchit bien, « L'Organisation », la deuxième adaptation, chez Dargaud, des romans de Richard Stark (aka Donald Westlake) met en scène son cambrioleur dur-à-cuir : Parker. C'est dessiné magnifiquement par Darwyn Cooke, dont les choix graphiques sont même encore plus audacieux que pour le premier tome. Est-ce possible ? Oui !

Enfin, pour les comics, "Grandville Mon Amour", de Bryan Talbot, aux éditions Mylady, est aussi bon, si ce n'est meilleur, que le premier tome des enquêtes du vigoureux Inspecteur LeBrock et son fidèle et subtil adjoint Radzi, dans un univers steampunk, où les personnages sont tous des animaux. Pour les amateurs de BD complètement à l'ouest, il faut bien avouer, tout de même.

Dans la catégorie roman graphique machiavélico-social (cherchez pas, l'appellation n'est pas encore déposée), la palme revient sans conteste à Futuropolis qui publie « La Faute aux chinois ». Aurélien Ducoudray (le scénariste) et François Ravard (le dessinateur) réussissent l'exploit d'y aborder la lutte des classes, les délocalisations, les grippes aviaires et porcines, l'anorexie, les relations frère-soeur, et j'en oublie certainement, à travers la vie peu envieuse de Louis Meunier, leur « héros » en proie à l'oppression du capitalisme le plus sauvage. C'est étonnant, cynique, parfois délirant, et on pense parfois au roman de Westlake « Le Contrat » où à celui de Jason Starr « Simple comme un coup de fil », en lisant cette « Faute aux chinois ». Emouvant et glaçant.

Une autre ambiance de crise économique est parfaitement décrite, mais c'est à une autre période et dans un autre pays : l'Allemagne des années 20. C'est dans « Le Boucher de Hanovre » d'Isabel Kreitz, chez Casterman. Où l'on suit l'histoire terrible de Fritz Haarmann, surnommé, donc, le Boucher de Hanovre, et qui sévissait à la même période que le célèbre Peter Kürten, alias le Vampire de Düsseldorf. Haarman s'en prenait lui à de jeunes garçons, qu'il abordait à la gare et attirait jusqu'à sa mansarde de la Rote Reihe, où il les violait avant de les liquider.
Le dessin, noir et blanc d'Isabel Kreitz restitue avec minutie une Allemagne en proie à la crise, et sa description des rues crasseuses de Hanovre, de l'antre de Haarman, sont d'une précision admirables. Côté personnages, elle ne s'attarde pas sur le côté macabre de son boucher, et évite les scènes ouvertement gore, mais elle installe une peur insidieuse qui passe par le regard de fou de Haarman. C'est délicieusement dérangeant...

Pour vous remettre de cette ambiance de plomb, un petit tour du côté du Barzoon Circus, où un groupe de personnages pour le moins disparate (un gamin, un gorille, un fakir, deux jumelles, un clown alcolo...) dont on ignore l'origine et les objectifs, est plongé dans une curieuse histoire, dans les Etats-Unis des années 30. « Le Jour de la Citrouille » est la première mission de cette fausse troupe de cirque – car c'est une couverture – et on a l'impression de se retrouver au carrefour de deux séries TV : Mission impossible, et La caravane de l'étrange (Carnivale pour les puristes). C'est un scénario de Jean-Michel Darlot sur des dessins de Johan Pilet et c'est chez Glénat, sur le label « Treize étrange ».

Deux albums sont aussi emprunts d'une légèreté du meilleur goût.

Le premier est "Secrets de famille", la deuxième enquête d'Andrew Barrymore, et c'est un western aux allures holmsiennes, où le héros , un grand échalas rouquin, résout des énigmes grâce à son sens de la déduction plutôt que grâce à son six-coups. C'est rythmé, drôle, inventif, c'est chez Dargaud et c'est de Roderic Valembois et de Nicolas Delestret.

Le second , c'est le retour d'Elza Rochester, héroïne de la série... « Les Rochester », de Jean Dufaux et Philippe Wurm, qui fait un come back chez Glénat, sous son nom, Lady Elza; après l'arrêt par Dupuis de ladite série « Les Rochester ». Je pense que je suis clair. Dans ce tome « Excentric Club », la fougueuse et sémillante jeune lady doit intégrer un cénacle très fermé, le mystérieux Excentric Club, où pour être admise, il lui faudra passer rituels et épreuves... Si vous êtes amateurs d'humour raffiné et que la ligne claire exerce sur vous une certaine séduction : foncez ! Lady Elza s'inscrit dans la droite lignée du Floc'h de la période Albany (Le Dossier Harding, A la recherche de Sir Malcolm...) et du Freddy Lombard de Chaland, dont Philippe Wurm fait un peu figure d'héritier, un petit côté coquin en plus.

Impossible dans cette sélection de passer à côté de la catégorie des romans adaptés, dont la production est encore assez conséquente. Au rang des réussites on peut compter "La Commedia des Ratés" de Benacquista par Berlion (chez Dargaud, en deux tomes), et "la Princesse du Sang" de Manchette par Cabanes et Doug Headline (chez Dupuis). Et dans la collection désormais référence qu'est devenue en très peu de temps Rivages Casterman Noir, je retiendrai le « Adios Muchachos » de Bacilieri au dessin et Matz au scénario, d'après le roman de Daniel Chavarria, « L'homme squelette » de Will Argunas d'après Tony Hillerman, et « Un Hiver de Glace » de Romain Renard d'après Daniel Woodrell. Et je reviendrais la semaine prochaine sur la nouvelle version du "Rouge est ma couleur " de Marc Villard et Chauzy, autre grande réussite de la collection.

Mais l'adaptation qui m'a le plus marqué cette année est celle parue aux éditions Futuropolis en début d'année : c'est celle signée Thierry Murat, du roman « pour la jeunesse » d'Anne-Laure Bondoux, "Les Larmes de l'assassin". L'histoire est celle du jeune Paolo, qui vit avec ses parents dans le dénuement et l'isolement les plus extrêmes, dans des contrées arides, en Patagonie. Un homme traqué arrive, un truand, qui n'hésite pas à liquider les adultes pour s'installer dans leur misérable ferme, où il espère que la police ne le retrouvera pas. Il a épargné l'enfant, et une étonnante relation naît entre Paolo et l'assassin de ses parents. Visuellement, Thierry Murat a su trouver les images les plus fortes et les plus justes pour traduire l'interaction entre des paysages arides et les émotions des hommes, une interaction omniprésente dans le récit initial de la romancière. C'est splendide.

Et pour finir ce palmarès de mes chouchous de l'année, je ne pouvais passer à côté de « We are the night », de Ozanam et Kieran, et que l'éditeur, Ankama, présente comme « une BD chorale pour un polar « Noir et urbain ». C'est en deux volumes, et raconte la nuit lyonnaise de 19 personnages, qui vont se croiser – ou pas – et dont les activités vont les mener du mauvais – ou du bon – côté de la barrière. C'est maîtrisé de bout en bout, et la réussite de cette balade au bout de la nuit tient justement, aussi, au rythme à laquelle elle est menée : le passage régulier de l'un à l'autre des protagonistes, installe un suspense grandissant, pour toutes et tous, avec en filigrane, le croisement attendu des routes des 19 personnages. Le tout fait furieusement penser à un « french comic » (le découpage, le format... et le titre en VO non sous titré... ).
C'est dans une collection « Hostile Holster », qui a sorti deux autres titres tout aussi passionnants en 2011 : « Blue Estate » et « Mafia tabloïds », sur lesquels je vais aussi revenir très bientôt !

Voilà, chers ami(e)s du noir en case, ce qui m'a franchement titillé les neurones ou dilaté (voire explosé) les prunelles l'an passé. Et si vous voulez m'entendre de vive voix m'enthousiasmer pour tous ces titres, faites un tour ici, sur Agora FM du côté des amis de la Noir'ôde, qui me font l'honneur de me laisser causer régulièrement BD polar dans leur émission Ondes Noires depuis un an. J'ai donné cette sélection la semaine dernière à la première émission de l'année, qui ne saurait tarder à être en ligne...

2 commentaires:

  1. Monsieur Fred
    l’émission est désormais en ligne ici
    http://www.ondesnoires.com/ondes12.html#ep7

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  2. Ah, très bien Mister Black Jack !
    Ami(e)s du Noir, il ne vous reste plus qu'à vous brancher sur les Ondes pour avoir la sélection en stéréophonie. Et vive La Noir'ôde !

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