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samedi 23 juillet 2011

Un boucher, un balafré et un squelette : faites-vous des amis grâce à Casterman !

Il paraît qu'en ce moment, c'est l'été. Vous savez, cette période où il fait bon oublier ses soucis, et s'adonner aux joies du farniente. Le moment, aussi, où on se laisse tenter par des lectures pleines de légèreté et d'optimisme. L'été quoi. Et si l'été est pourri, on peut rester dans le ton et s'adonner sans vergogne à la fréquentation d'oeuvres un peu plus sombres. Ce que j'ai fait en lisant ces trois albums parus au printemps dernier chez Casterman.
Le premier retrace l'histoire terrible de Fritz Haarmann, surnommé le Boucher de Hanovre. Sévissant à la même période que le célèbre Peter Kürten, alias le Vampire de Düsseldorf, Haarman s'en prenait lui à de jeunes garçons, qu'il abordait à la gare et attirait jusqu'à sa mansarde de la Rote Reihe, où il les violait avant de les liquider... Et comment se débarrassait-il des corps ? Simple, il les débitait et vendait les morceaux pour un restaurant... En connaisseur, il a déclaré à son interrogatoire : « Certains prétendent que la viande humaine ressemble à la viande de porc ou de veau. Non, elle est beaucoup plus noire, différente aussi de la viande de cheval. Et je sais de quoi je parle, j'en avais toujours plein les mains ». Au delà de l'atrocité de ces crimes, le plus étonnant dans cette histoire est bien que ce monstre soit passé à travers les mailles des filets de la police, grâce à des négligences, et que son arrestation se soit opérée par hasard. Il était même indicateur pour le commissariat de la ville. Je ne suis pas en général fasciné par les récits tirés de faits réels, ni par les tueurs en série, mais le talent d'Isabel Kreitz, est là : son dessin, noir et blanc, restitue avec minutie une Allemagne en proie à la crise, et sa description des rues crasseuses de Hanovre, de l'antre de Haarman, sont d'une précision admirables. Côté personnages, elle ne s'attarde pas sur le côté macabre de son boucher, et évite les scènes ouvertement gore, mais elle installe une peur insidieuse qui passe par le regard de fou de Haarman. C'est délicieusement dérangeant... Peer Meter, son scénariste, livre à la fin de l'album un aperçu historique des faits – photos d'époque à l'appui – qui complète parfaitement ce « Boucher de Hanovre ».

A côté, les deux romans adaptés sortis à la même époque, dans la toujours superbe la collection Rivages/Casterman/Noir sont presque d'aimables bleuettes. Bon, d'accord, j'exagère.

Le premier est signé Christian de Metter, qui a choisi de donner sa version du Scarface, d'Armitrage Trail. L'histoire est celle d'un gangster des années 20, Tony Guarino, devenu roi de la pègre de Chicago après son retour du front européen, où la guerre lui a laissé une balafre au visage qui transforme le moindre de ses sourires en rictus inquiétant Cet aspect du personnage est plus qu'un détail, et on pouvait compter sur de Metter pour être au plus près de la description qu'en avait faite le romancier lui-même : « […] le coin gauche de sa bouche tirait en permanence vers le haut, pas énormément, mais suffisamment pour modifier son apparence de façon surprenante. Quand il souriait, ce coin-là refusait de sourire, et conférait à son visage un aspect étonnamment sinistre ».
Sinistre à souhait, la trajectoire de Guarino, qui change d'identité pour devenir Tony Camonte, l'est aussi, et les planches de l'album sont parsemées de cadavres. On cherchera en vain la lumière dans cette adaptation que De Metter a quasi intégralement dessinée dans des tons glauques, au sens littéral du terme : d'un vert tirant sur le bleu... Si vous appréciez le travail de ce dessinateur, vous aimerez ce Scarface, même si on peut lui préférer, dans la même collection, son Shutter Island.

La seconde adaptation est celle d'un des dix-sept romans du « cycle de la police tribale Navajo » de Tony Hillerman : L'Homme-squelette. Il ne s'agit pas de la première version graphique des enquêtes de Joe Leaphorn et Jim Chee, puisque Katou avait réalisé « Là où dansent les morts » pour Emmanuel Proust en 2004-2005, mais force est de constater que le trait de Will Argunas est plus convaincant pour restituer l'atmosphère si particulière des romans de Hillerman. Dans celui-ci, un jeune Hopi se retrouve en possession d'une pierre précieuse d'une valeur inestimable : il n'en faut pas plus pour qu'il se retrouve accusé d'être l'auteur du récent braquage d'une bijouterie. C'est le point de départ d'une véritable chasse au trésor, dans la région du Grand Canyon, à la recherche de diamants égarés depuis plus de 40 ans... Argunas aime dessiner les Etats-Unis et les Américains comme il l'a déjà brillamment montré dans ses précédentes BD, comme Missing ou Bloody September, et cette fois, ce sont les grands espaces sauvages qui s'animent sous son crayon. Son style, où les hachures continuent de dominer, renforce la majesté des paysages, et rend toujours aussi mystérieux les visages. La couverture de cet album en est la parfaite illustration.
J'ai préféré cet « Homme squelette » au « Scarface », mais une chose est sûre : ces deux albums sont de qualité et en 16 albums, la collection Rivages/Casterman/Noir s'est vraiment imposée comme une valeur sûre de la bande dessinée noire.

Le Boucher de Hanovre
Scénario Peer Meter et dessin Isabel Kreitz
Casterman, 2011 – 176 pages noir et blanc – Collection Ecritures – 14 €

L'Homme squelette
Scénario et dessin Will Argunas d'après Tony Hillerman
Casterman, 2011 – 96 pages couleur – Collection Rivages/Casterman/ Noir – 18 €

Scarface
Scénario et dessin Christian de Metter d'après Armitrage Trail
Casterman, 2011 –112 pages couleur – Collection Rivages/Casterman/ Noir – 18 €

1 commentaire:

  1. L'histoire du boucher de Hanovre est assez incroyable. Un scénariste à suivre puisqu'il était déjà à l'origine de très bon "L'empoisonneuse" chez Actes Sud.

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