Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
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Bonne balade dans le noir !

samedi 29 novembre 2014

[Apparition des Surhommes] - Wonderball 1 - Le Chasseur (Pécau, Duval et Wilson)

San Francisco, août 1983. L'inspecteur Spadaccini a du pain sur la planche : 9 personnes exécutées en pleine rue, en moins de 10 secondes, par un tireur isolé... et pour le moins habile et rapide. L'endroit où était placé le tueur, un toit en terrasse offrant une vue imprenable et un angle de tir parfait, est vite identifié par l'inspecteur, qui découvre aussi sur place, la signature du sniper : 9 douilles disposées pour former un signe qu'il ne déchiffre pas tout de suite. Mais les douilles elles, parlent immédiatement à Spadacinni : le fusil qui a servi au massacre est un Carcano, le même que celui utilisé par Lee Harvey Oswald. S'il en est sûr, c'est parce qu'il était là, 20 ans plus tôt, en novembre 1963, à Dallas, et qu'il faisait partie du service de sécurité qui n'a pu empêcher l'assassinat de Kennedy. Commence alors pour "le flic le plus désaxé de la ville" - dixit le San Francisco Tribune - une enquête qui va le ramener vers un passé fait de projets scientifiques top secrets, dont les ratés éclatent au grand jour et risquent bien d'éclabousser beaucoup de monde s'ils sont dévoilés...
Pécau et Duval ont placé cette nouvelle série policière sous l'égide d'Antonio Gramsci, dont la citation "Un monde se meurt, un nouveau monde tarde à apparaître... Dans ce clair-obscur apparaissent les monstres". Une citation que Colin Wilson illustre dès la première planche, où est également donnée la clé du surnom de Spadacinni : Wonderball (en fait, l'équivalent américain des Kinder Surprise, avec leur jouet à l'intérieur). Bon, ce démarrage n'annonce, bien sûr, par un roman graphique sur la vie du fondateur du Parti Communiste italien que fut Gramsci, mais bien un polar qui joue intelligemment avec un épisode de l'Histoire universelle, l'assassinat de Kennedy, bien présent dans la mémoire collective. Pécau et Duval, en fans du Dirty Harry d'Eastwood, ou du Bullit campé par McQueen, ont choisi d'envoyer au feu un inspecteur du même acabit, un peu tête brûlée, toujours à la marge de la légalité, et ont introduit un élément cher aux adeptes de la théorie du complot : un secret pour lequel les grands moyens sont mis en oeuvre pour qu'il le demeure. Le tout est donc dessiné par Colin Wilson, parfait pour ce genre d'histoire, en tous cas l'homme de la situation pour restituer les ambiances d'époque. Cela donne un premier tome réussi, avec un final en cliffhanger, of course...

Wonderball - 1 : Le Chasseur ***
Scénario Fred Duval et Jean-Pierre Pécau - Dessin Colin Wlison
Delcourt, 2014 – 56 pages couleur – (Série B)
14,50 €

dimanche 23 novembre 2014

[Steve is back. En bleu] - McQueen : Trois petits singes (Van der Zuiden)

Détective privé, cela n'use pas que la carcasse et les muscles de ceux qui exercent cette profession de dur à cuire : ils doivent également prendre garde à ne pas y laisser leur santé mentale, si l'affaire sur laquelle ils sont leur torture trop l'esprit.
Et c'est bien ce qui arrive à Mc Queen, privé à New York, pris dans le double feu d'une enquête qui vient de laisser sur le carreau son meilleur ami et associé, et dans les souvenirs douloureux d'un passé qui lui a coûté sa place dans la police... Et voici le privé obligé de suivre une analyse, menée par une accorte et pulpeuse psychanalyste, à qui il raconte par le menu les multiples rebondissements de cette affaire qui le tourmente. Tout tourne autour de la disparition d'une jeune fille, nièce d'un antiquaire, "enlevée" - en même temps qu'une statuette à 25 000 dollars - par le secrétaire du marchand d'art...

EmilioVan der Zuiden, a imaginé, sur cette base, une très réjouissante histoire estampillée dès la couverture "A new hard boiled mystery". Si tous les ingrédients de l'hommage aux récits de privé à la Dashiell Hammett sont bien là, et mixés avec bonheur, c'est surtout par son traitement graphique que ce premier tome de "Mc Queen" fait mouche : le héros à la face simiesque et... bleue, dénote dans la galerie de personnages. Est-ce un homme ? Un animal ? Il se pose lui-même la question... Il se dégage en tous cas de ce privé-là, une énergie, une vitalité, à la base même du dynamisme du récit. Vitalité accentuée par une mise en page inventive, parfois audacieuse, qui fait passer cet album dans la catégorie des découvertes intéressantes, alors qu'il aurait pu tomber dans la pile "un polar-de-plus-accumulant-les-clichés". Bon, d'accord, on n'échappe pas à une galerie de pin-ups impressionnante (même la psychanalyste a oublié d'être moche... mais qui a dit que les psychanalystes devaient être moches ? Bon, bref, vous voyez l'idée), et à des méchants tout ce qu'il y a de plus classiques, mais tout ce petit monde se croise avec un naturel très convaincant. Et est dessiné avec une certaine élégance par Van der Zuiden. Une belle surprise de cette fin d'année, donc.

Mc Queen, 1/2 - Trois petits singes ***
Texte et dessins Emilio Van der Zuiden
Paquet, 2014 - 48 pages couleurs - 13,50 €

mardi 11 novembre 2014

[Art et Cruauté] - Moi, assassin, par Altarriba et Keko (Denoël graphics)

"Tuer n'est pas un crime. Tuer est un art"
Tels sont les premiers mots d'Enrique Rodriguez Ramirez, professeur d'Histoire de l'Art à l'université du Pays Basque, et personnage principal d'une histoire glaçante, signée Antonio Altarriba et dessinée par Keko . Et quel personnage ! L'homme a érigé l'assassinat au rang d'oeuvre d'art et exécute, sans mobile aucun, des victimes choisies au hasard de son quotidien.
 "Tueur en série ? Non... je refuse que mon travail soit rangé dans cette catégorie. Fusillades, pendaisons, électrocutions, exécutions en tous genres : voilà bel et bien des meurtres en série" : Et voilà une des innombrables réflexions qui habitent le très cérébral Enrique, persuadé du reste ne jamais être pris tant il prend de précautions dans l'exercice de son art...

Album époustouflant, tant narrativement que graphiquement, "Moi assassin" réussit l'exploit d'entremêler considérations sur la peinture, la psychologie, les relations de l'Espagne avec "son" Pays Basque, les rapports amoureux, luttes pour le pouvoir universitaire... tout en maintenant un suspense implacable sur le destin final du professeur Rodriguez Ramirez.
Antonio Altarriba, déjà auteur d'un "Art de voler" en passe de devenir un classique de la bande dessinée (dessiné par Kim) est associé à Keko, dont le noir et blanc, ici accompagné de la seule couleur rouge, par tâches éminemment distillées, le range auprès des plus grands maîtres du genre. "Moi, assassin" est une bande dessinée âpre, riche, intelligente, subtile, érudite, déroutante, captivante... et noire, très noire !
Moi, assassin ****
Texte Antonio Altarriba et dessin Keko
Traduction d'Alexandra Carrasco
Denoël Graphics, 2014 - 136 pages noir, blanc et rouge. - 19,90 €


dimanche 2 novembre 2014

[See you soon !] - Ann Bonny : une femme de goût quitte Ankama

 Ann Bonny, alias Audrey Bonnemaison, et réciproquement, vient juste de quitter Ankama. Je l'avais rencontrée à Angoulême, pour un petit échange sur la collection "Hostile Holster", où elle a fait feu de tous bois et publié des albums vraiment marquants. Et permis la réunion d'un duo de choc El Diablo / Cha, qui fait des merveilles.

 
 Bédépolar - Peux tu, pour commencer, nous rappeler comment et quand a été créé le label Hostile Holster, avec quel esprit ?
Ann Bonny - C'est un label que je n'ai pas créé, mais récupéré en 2011. A cette époque avait déjà été publié par exemple"We are the night", d'Ozanan. Je suis arrivée avec une casquette "BD et polar", suite à mes expériences précédentes dans l'édition (j'ai par exemple publié un petit ouvrage sur le polar, au Cavalier Bleu, signé avec mon prof de fac, Daniel Fondanèche, et ensuite j'ai monté une petite agence d'illustrateurs), et j'ai eu l'envie de faire venir des romanciers chez Ankama. L'idée étant de trouver des bonnes histoires. En attendant que les projets se concrétisent, notamment le Maori de Caryl Férey et Giuseppe Camuncoli, j'ai procédé à des achats de droits

Un peu tous azimuts, car la collection donne une impression d'éclectisme
C'est vrai que graphiquement, c'est très éclaté, un peu à l'inverse d'un de nos autres labels, "619", où là pour le coup, on a une vraie cohérence graphique, plus dans je genre SF-polar d'ailleurs. Pour Hostile Holster, j'avais envie de faire un peu le contraire, avoir plutôt une ligne sur le crime, au niveau scénario, mais où graphiquement je ne serai pas limitée dans mes choix. J'aime des choses très différentes, dans ce cadre "crime". Ce qui a donné des choses très différentes comme "Gyakushu", qui collait à mon avis très bien à ce que fait Ankama, mais aussi, un comics comme "Le tueur de la green River", en achats de droits, puis ont suivies des productions qu'on a lancées comme "Pizza Road Trip" , "Maori". "Sin Titulo" de Cameron Stewart, est aussi un titre que j'ai acheté, mais là, je connaissais l'auteur depuis très très longtemps, on discutait pas mal pendant le travail sur Sin Titulo, il était assez logique que je devienne son éditrice française.

En 2014, la nouveauté phare est ce titre signé Caryl Férey, Maori, qui reprend les personnages de Zulu et Utu , avec Giuseppe Camuncoli. Comment a été accueilli cet album ?

Bien, car les fans de Caryl ont bien reconnu sa patte, et avec Camuncolli, cela a bien fonctionné. Nous avons été obligé de faire cet album dans un délai très très court du fait de l'emploi du temps du dessinateur, mais cela ne les empêche pas d'avoir un autre projet, peut-être plus noir, moins policier. Sinon, en matière de projet, nous avons l'adaptation de Puzzle, le roman de Franck Thilliez, avec un auteur "maison" qui travaille notamment sur Dofus, Mig, et qui fait par ailleurs du polar chez un autres éditeur. Et sur ce projet, on est en train de vraiment s'amuser, tant la trame de "Puzzle" est, graphiquement, une matière incroyable. C'est un vrai thriller, où on ne sait ^plus vraiment, un peu comme dans Sin Titulo, où est la réalité... Nous avons prévu de sortir l'histoire en 2 tomes, un cette année, en octobre et l'autre au premier trimestre 2015. Nous souhaitons une parution rapprochée des deux tomes, comme nous le faisons pour Maori.

Pour 2014, as-tu d'autres projets ?
Oui. A mon arrivée, j'ai publié "Mafia tabloids", avec Lelio Bonnacorso, au dessin, et là, je l'ai présenté à un romancier qui s'appelle Loulou Dedola, qui a écrit un récit très autobiographique, qui raconte l'histoire d'un gars qui tombe amoureux d'une magnifique africaine, et qui, par amour, va progressivement tomber dans les réseaux de la mafia nigérienne...Une BD cette fois toute en couleurs, contrairement à "Mafia Tabloids", qui était elle tout en marron [Note : cet album est sorti en mai dernier sous le titre "419, African mafia"]

Quels ont été à ce jour, les succès d'Hostile Holster ?

"Le tueur de la Green River" a bien marché. "Pizza Road Trip" également, peut-être aussi porté par sa présence dans différentes sélections. Mais il y a eu également beaucoup de bouche à oreille, et pour El Diablo, créateur des Lascars, cela a été, je pense, le moyen de se rapprocher d'un autre univers, qui est celui aussi des "Monkey business", qu'il a fait pour le label "619" d'Ankama, un univers de bande de copains, de losers... Donc Pizza a bien fonctionné aussi pour cela, parce qu'El Diablo s'est senti à l'aise avec ces univers. Et on porte aussi beaucoup le Caryl Férey. 

Hostile Holster, c'est combien de titres par an : 4 à 6 ?
Oui , c'est cela, cela dépend aussi des achats de droits, car certaines fois cela peut se faire très vite. Mais cette année, ce sûrement un petit peu moins de titres, car c'est une volonté d'Ankama de réduite un peu la voilure.

La collection n'est tout de même pas menacée ?
Non, je ne pense pas ! D'autant que la collection commence à être repérée, sa cohérence aussi, et la maquette plait pas mal...

Merci Audrey !

 
Oui, vraiment : merci beaucoup Audrey pour cette belle collection, et pour la dernière balle du chargeur : le tome 1 de Un homme de goût de Cha et El Diablo. J'en profite ici pour reproduire l'avis de l'éditrice sur son dernier plat, plus que goûtu...

Un homme de gôut 1 : Mise en bouche****
Texte El Diablo et dessin Cha
Ankama, 2014 - 64 pages couleurs
Collection Hostile Holster - 13,90 €