Etienne Rambert descend de l'avion à Lyon, après un long voyage en provenance de l'Amérique du Sud. Mais, rien que ces trois éléments - son nom, la ville où il arrive, celle d'où il vient - Etienne ne s'en souvient plus du tout. Alors, pas étonnant qu'au distributeur de billets il ait aussi oublié le code de sa carte bancaire... et qu'au moment de récupérer ses bagages, il ne sache plus desquels il s'agit. Heureusement pour lui, Violette, une hôtesse de l'air qui avait déjà repéré l'énergumène dans l'avion, lui vient en aide, ravie de rencontrer son premier amnésique, un sujet parfait dans le cadre de ses études de psychologie.. Sur le chemin qui les mène vers le domicile supposé d'Etienne, elle lui demande même si elle peut prendre des notes pour sa thèse, sur cet état qui la fascine. Le jeune homme, encore déboussolé par ce qui lui arrive, accepte et voici l'improbable couple aux portes de la luxueuse maison moderne du dénommé Etienne Rambert. Violette décide d'arrêter là son rôle de chaperonne, persuadée que son passager va retrouver les siens, et forcément, les souvenirs qui vont avec, mais personne ne vient ouvrir au coup de sonnette d'Etienne. Violette décide de rester avec lui et tous deux entrent dans la maison. C'est le début d'une drôle d'aventure pour tous les deux...
Après bien d'autres, Didier Tronchet et Olivier Balez s'emparent du thème de l'amnésie et nous embarquent dans une histoire mouvementée, de Lyon à Quito. L'habileté du scénariste est double : réussir à ne pas lâcher son lecteur avant le dénouement tout en éliminant ce qui a déjà été fait sur le thème de celui-ou-celle-qui-a-perdu-la-mémoire-et-qui-se-demande-quand-tout-cela-va-s'arrêter (non ce n'est pas un titre de Hillerman). Et c'est grâce au formidable personnage de Violette, hôtesse de l'air "mais pas que" que le pari est réussi. Car c'est elle qui, au fil des pages, énumère les cas déjà rencontrés dans les polars, et leur règle leur compte définitivement : "Ne me faites pas le coup du jumeau, qui est l'autre grosse ficelle des intrigues policières". Par exemple. Il est d'ailleurs clair que cet album a comme fil rouge un hommage au récit policier, qu'il soit littéraire, ou cinématographique, et que certaines scènes ont un petit accent hitchcokien très agréable. Le duo formé par l'homme à la recherche de son passé et sa jeune et intrépide aide-mémoire fonctionne parfaitement : on admire la force de caractère de cette femme qui se coltine cet inconnu - dont l'accoutrement n'est pas loin de le faire passer pour une espèce de Tintin, mais neurasthénique - et lui communique toute son énergie, et finira par le faire se questionner sur sa personnalité profonde.
C'est un vrai plaisir de retrouver Olivier Balez dans ce registre du polar, genre pour lequel il a déjà donné deux titres mémorables : le surprenant et, déjà, entraînant "J'aurais ta peau, Dominique A" (avec Arnaud Le Gouefflec, Glénat, 2013) et le très noir "Angle mort" (avec Pascale Fonteneau, KSTR, 2007). Ce premier album chez Futuropolis est à ranger auprès d'eux, en espérant d'autres bandes dessinées noire, ou policière, de ce dessinateur décidément fait pour le genre.
L'Homme qui ne disait jamais non ****
Texte Didier Tronchet et dessin Olivier Balez
- Futuropolis, 2016 - 144 pages couleur - 21 €