C'est l'histoire de deux Zinedine. L'un sort de prison, et n'a qu'une idée en tête : se venger de ceux qui l'y ont envoyé, et monter un coup pour se refaire. Et qui dit casse, dit un plan et des complices, et l'ex-taulard se tourne vers un dénommé Fabio d'Alloro, un vieux un peu rangé des voitures, mais qui ne demande qu'à replonger une dernière fois, pour la retraite... et la beauté du geste. Comme en plus, il peut constituer son équipe, c'est le moment de faire revenir ses vieux poteaux, Paul et Gaby, pour ce dernier tour de piste. Un braquage de fourgon est programmé...
L'autre Zinedine, c'est le prénom floqué sur le maillot de Slimane, jeune africain surdoué des crampons. Embarqué clandestinement à bord d'un charter, il quitte son pays la tête pleine des rêves d'une carrière à la Drogba, mais l'arrivée est encore plus compliquée que prévue, il se retrouve très vite clandestin et les pelouses qu'il va fouler sont loin d'être celles de l'élite.
Déjà semée d'embûches, la route de Slimane, Zinedine par procuration, va bientôt croiser celle de Zinedine, le vrai, le fou, le tueur...
Cette histoire de casse et de vengeance sur fond social, c'est du pur Baru ! Les méchants sont imbuvables, les cons vraiment trop cons, et les voyous de seconde zone attirent la sympathie. On suit les péripéties de l'histoire avec une jubilation grandissante, car on ne craint pas vraiment le drame soudain au coin de la page. Cela tient à la personnalité du trio de braqueurs à l'ancienne : roublards mais droits, on sent en eux le sens d'une certaine « justice », qui exclue les actes de violence gratuite... à l'opposé de leur commanditaire.
Graphiquement, c'est un grand bonheur de retrouver le trait incroyablement dynamique de Baru, ce virtuose des scènes de bastons et d'accidents de bagnoles. Baru n'a aussi rien perdu de ce style, absolument inimitable, qui tord les corps et déforme les faciès des personnages en plein effort. Un joli bandeau « Grand Prix de la Ville d'Angoulême » orne cet album, au cas où le lecteur distrait ait oublié. Moi je vous le dis : Baru est grand. Tout court.
Dans les rééditions qui n'ont pas manqué dans la foulée de ce Grand Prix, ne manquez surtout pas celle, parue chez Dupuis, de l'Enragé, une intégrale regroupant les deux tomes, toujours dans la collection Aire Libre, et qui relate l'ascension et la chute d'un jeune boxeur, depuis sa banlieue jusqu'au tribunal. Un chef d'oeuvre d'humanité.
Et si vous voulez entendre Baru parler de lui et de son oeuvre, écoutez donc ce grand timide se confier à Rebecca Manzoni dans sa toujours chouette et intelligente émission « Eclectique », sur France Inter. C'était le 9 janvier dernier, mais c'est encore dans les archives de la station, alors profitez-en !
Fais péter les basses, Bruno !
Scénario et dessin Baru
Futuropolis, 2010 - 128 p. couleur - 20 €
L'Enragé
Scénario et dessin Baru
Dupuis, 2010 - 136 p. couleur - 24 €