Richard « Junk » Junkin a tout du looser : ex-star montante du football américain, sa carrière a été brisée en plein élan, alors qu'il allait intégrer le monde des pros. Recruté comme vendeur de voiture, il est le pire employé de la boite, ce que ses collègues lui font bien sentir, et son patron aussi. Mais le dit boss, Soeffer, plutôt que de licencier après une énième bévue, préfère lui confier un job un plus dans ses cordes : surveiller de près sa fille Victoria, une beauté d'une vingtaine d'années, qui ne semble en faire qu'à sa tête, et se retrouve un peu trop souvent à la une des journaux à scandales. Ce qui est mauvais pour les ventes de voitures de papa... « Junk » doit donc faire en sorte que les paparazzi n'importunent pas la jeune femme, et que celle-ci ne rentre pas trop tard de ses agapes nocturnes.
Job effectivement dans les cordes de Junk, qui a le coup de poing facile, mais qui peut être dangereux avec une jeune femme canon comme Vicky... et de qui on peut tomber amoureux...
Cet album est paru en même temps que « Le Frisson » et tous deux inauguraient la nouvelle collection « Dark Night » de Delcourt. Après le récit teinté de fantastique mythologique de Starr et Bertilorenzi, voici une plus classique mais impeccable histoire de femme fatale, manipulatrice du pauvre type un peu lent du cerveau... Le piège se referme lentement sur Junk, et on ne peut que constater les dégâts. Graphiquement, Victor Santos use d'un noir et blanc qui rappelle parfois celui de Risso dans les ombres des silhouettes et des visages (quand on ne voit que les dents, par exemple) ou celui de Frank Miller (scène au lit la nuit, avec les hachures pages 66-67). Pour vous donner un aperçu, vous pouvez lire ici les 20 premières pages sur le site de Delcourt. Le rythme de l'album est assez soutenu, avec 4 à 8 cases par page, ce qui fait qu'on ne décroche à aucun moment. « Sale fric » confirme que Brian Azzarello – scénariste de "100 bullets" – est bien le scénariste du moment en matière de « Crime comics ».
L'histoire inventée par Christos Gage pour Chris Samnee ne manque quant à elle pas d'originalité : l'inspecteur Adam Kamen, au cours d'une intervention mouvementée sur une prise d'otage, se retrouve avec un tournevis planté en plein milieu du front... Il en réchappe mais l'agression va laisser des séquelles inattendues : le voici pris d'étranges visions, qui modifient sa perception de la réalité. Phénomène encore plus mystérieux, ces visions vont relancer une enquête sur un tueur en série, baptisé Henri VIII, et qui a pour habitude de décapiter ses victimes et de laisser leurs corps mutilés en plein New-York...
Ce « Zone 10 » est assez flippant, car l'enquête est menée par un inspecteur un peu dérangé et va se déporter sur un territoire scientifique, voire même médical, assez inhabituel. Il va en effet être question de trépanation tout au long de l'histoire, et comme le dit Jason Aaron (scénariste de « Scalped ») dans l'exergue à cet album : « Gage et Sammee se sont bien trouvés, et grâce à eux, je ne me sentirai plus jamais tranquille en présence d'une perceuse. Merci... ». Là encore, le travail graphique est tout à fait intéressant, et le noir et blanc de Samnee est lui plus « sale » que celui de Santos, peut-être parce que ce qu'il doit dessiner est aussi un peu plus gore... Bon, on peut rester un peu de marbre quant aux explications scientifiques sur lesquelles repose tout l'édifice – et même les trouver parfaitement farfelues – il n'en reste pas moins que « Zone 10 » est lui aussi un comics captivant, et une nouvelle preuve qu'il est très possible de faire du polar en sortant des sentiers battus.Alors, que penser de ce nouveau label « Dark Night » lancé par Delcourt ? Hormis une petite réserve sur l'agrandissement du format par rapport aux comics originaux parus chez DC dans la collection « Vertigo crime », il faut se réjouir de la traduction de ces trois premiers titres, qui permet de réelles découvertes. Reste à savoir quels seront les prochains à rejoindre la collection, car les trois albums choisis se rapprochaient, peu ou prou, d'une même famille graphique. Or, par exemple, le « Bronx Kill » de Milligan et James ou « The Executor », de l'italien Mutti sur scénario d'Evans, sont dans des registres visuels complètement différents. Wait and see... Et en attendant de voir, Delcourt ressort l'excellent « Sentiers de la perdition », en deux volumes.
Sale Fric
Texte Brian Azzarello et dessins Victor Santos
Delcourt, 2011. - 196 pages noir et blanc.
- Collection Dark Night - 14,95 €
Zone 10
Texte Christos N. Gage et dessins Chris Samnee
Delcourt, 2011. - 179 pages noir et blanc.
- Collection Dark Night - 14,95 €