Les mois d’avril sont meurtriers ! Pluie de nouveautés polar en ce début de mois, enfin, polar, plus ou moins… En tous cas, voici déjà une première salve en attendant les prochaines.
Et pour commencer, le retour d’Ethan Reckless, pour le quatrième volume de la série : Ce fantôme en toi. En fait, il faudra patienter dans le prochain tome pour retrouver ce bon vieil Ethan car c’est Anna la protagoniste principale de cette histoire : une vieille gloire du cinéma d’horreur l’embauche pour s’occuper des fantômes qui hantent sa vaste et luxueuse demeure. Ethan occupé sur une autre affaire à San Francisco, Anna hésite un quart de seconde : ce n’est pas tous les jours qu’une cliente est aussi une idole de jeunesse… Et la voici a explorer un manoir hanté, ce qui va réveiller plus d’un fantôme. Comme d’habitude avec la « dream team » Brubaker et Philipps, l’intrigue est prenante dès le départ, avec toujours cette scène d’ouverture où le héros – ici l’héroïne - est en fâcheuse posture, prétexte à un flash back où l’histoire se construit patiemment. Et comme toujours, il est autant question de résoudre une affaire tordue que d’observer les rapports humains, ici ceux d’Anna et de sa mère, qui débarque dans la vie de sa fille un peu sans prévenir. Et c’est aussi un nouvel hommage au cinéma que les auteurs rendent, presque troisième « personnage » principal de la série. Vivement le prochain épisode de cette série incontournable pour tous les amateurs de Noir !
C’est au western qu’Anthony Pastor rend lui hommage dans La femme à l’étoile. Les premières pages nous invitent à suivre un cowboy solitaire et son cheval au coeur de l’hiver , frigorifiés par la neige qui a envahi toute la contrée. Zachary Desmoines, c’est son nom, se dépêche d’arriver au village de Promesa avant la nuit, et lorsqu’il y parvient enfin c’est pour trouver un hameau désert et délabré où seuls tiennent debout l’église et le magasin local. Mais alors qu’il explore celui-ci, une femme farouche surgie du néant (en l’occurence un placard) et armée d’un revolver, lui ordonne de faire demi-tour… Ce qu’il ne fera pas, préférant retaper une des maisons en bois encore à peu près potable pour y passer la nuit. Il reviendra le lendemain avec un poisson pêché non loin et qu’il partagera avec Perla, c’est son nom à elle, et petit à petit les deux seuls humains de ce coin perdu vont se rapprocher, s’apprivoiser. Et bientôt s’épauler : un marshall arrive à son tour, pour arrêter Perla, recherchée pour meurtre… Il est mis en déroute mais il va revenir avec du renfort…
C’est un peu la Mère Nature qu’a voulu dessiner Anthony Pastor dans ce western qui sort des sentiers battus : les décors y ont une place prépondérante, ils sont imposants et parfois piégeux, peuvent être des alliés comme des ennemis. Les personnages qui y évoluent semblent être à la merci de cette nature sauvage, et leurs querelles humaines vaines. Pourtant, l’amour naissant petit à petit au coeur de Promessa n’est lui par contre pas vain, il est même tout ce que les deux fugitifs semblent attendre depuis longtemps. Comme le promet l’exergue de cet album. Tout en couleur directe, La femme est à l’étoile marque une étape importante dans l’oeuvre d’Anthony Pastor.
Autres lieux, autre genre, autre époque : Il était une fois en Jamaïque revient sur le retour d’exil de Bob Marley, et sur le One Peace Love concert donné au stade de Kingston le 22 avril 1978, marqué par la poignée de main entre les deux leaders et opposants politiques de l’époque. Mais avant ce moment historique, c’est tout le contexte de l’époque, et le quotidien d’un pays violent que va décrire Loulou Dédola dans un récit précis et documenté. C’est la manière de faire de l’auteur : aller à la rencontre de ceux qui étaient au centre de l’Histoire avec un grand H, et les mettre en scène le plus justement possible. Et là, l’Histoire de ces seventies jamaïcaines était faite de guerres de gangs, de conditions de vie économiques difficiles, et de violences au quotidien. La musique est alors un moyen d’essayer un peu de fraternité et de paix dans ce pays sous tension, et quel autre meilleur apôtre du pacifisme que Bob Marley et ses Wailers ? Le retour du roi du Reggae sur ses terres natales après deux ans d’exil fut un grand moment, et le récit de Dédoda est parfaitement mis en image par Luca Ferrara, qui donne corps et âmes à tous ceux qui vécurent cet épisode certainement exaltant de leur histoire. Près de 50 ans après, la Jamaïque demeure un pays où la violence continue hélas de régner, mais ça c’est une autre histoire…
Reckless 4 – Ce fantôme en toi ****
Textes Ed Brubaker et dessins Sean Phillips – Trad. Alex Racunica
Delcourt, 2023 – 144 pages couleurs – 16,50 € - Sortie le 5 avril 2023
La femme à l’étoile ****
Texte et dessin Anthony Pastor
Casterman, 2023 – 264 pages couleur – 27 € - Sortie le 5 avril 2023
Il était une fois en Jamaïque ***
Récit de Loulou Dedola et dessin de Luca Ferrara
Futuropolis, 2023 – 112 pages couleurs – 20 € - Sortie le 5 avril 2023