San
Francisco, 1936. Edison Hark, enquêteur de son état, revient de
toute urgence à la maison – adoptive – familiale, alerté par
son demi-frère Frankie Carroway : Mason, leur père, grande
fortune de l’industrie sucrière, est dans le coma. Un état
provoqué semble-t-il par la disparition brutale d’Ivy CHen la
domestique asiatique – et amante ? – de Mason : une
dispute serait à l’origine de la fuite de la jeune femme, qui n’a
plus donné signe de vie depuis l’altercation. Et puisque les flics
locaux ne remontent aucune piste, qui de mieux placé qu’Eddy, le
fils préféré, pour aller voir ce qui se trame du côté de
Chinatown ? Hark est membre de la famille certes, mais est
surtout américain d’origine chinoise, et les portes devraient
s’ouvrir plus facilement. C’est bien le cas, mais très vite
l’affaire va dévier sur un tueur quasi-légendaire, Hui Tong, qui
semble bien avoir quitté les récits folkloriques pour semer les
cadavres dans un jeu de piste, où les protagonistes sont aussi
nombreux que leurs motivations à vouloir prendre le contrôle de
Chinatown…
Meilleur
Récit Complet aux Eisner Awards 2022 et
Livre de l’année aux
Harvey
Awards la
même année, The
Good Asian
est bien ce qu’annonce une des nombreuses couvertures de ce
comics : « A
Noir mystery featuring the first immigrants officially banned from
America… The Chinese ».
Pornsak
Pichetshote et
Alexandre
Tefenkgi
réussissent
le tour de force d’un récit tout à la fois noir, historique et
politique, avec une intrigue bâtie autour d’un des tout premiers
détectives sino-américain, qui tente comme il peut de mener une
enquête à une époque où le racisme anti-chinois est au plus haut,
fruit de lois anti-immigratoires radicales votées depuis les années
1870, visant particulièrement les asiatiques.
Le
personnage d’Edison Hark – qui
a forcément un petit côté Charlie Chan le privé créé par Earl
Biggers en 1925 - est
magnifique : en constante interrogation sur son identité,
hésitant sur les choix à opérer, malmené
de bout en bout par ses adversaires comme par sa famille, souvent
obligé de faire profil bas, de mentir, il est le parfait reflet de
qu’on dû être les immigrés asiatiques de ces décennies-là.
Pourtant, ne pourrait-il pas être lui, le sino-américain, un espoir
pour ces Chinois déracinés, ce « pont » qu’évoque un
de ses amis entre les peuples et leurs cultures ? C’est une
des nombreuses questions que posent les auteurs de cette brillante
série (12 épisodes en vo chez Image Comics en 2021) , avec celle
des rapports familiaux, du racisme ambiant du pays… et de sa
violence récurrente.
L’intrigue
de Pichetshote
en
elle-même est dense, palpitante, aux ramifications complexes, très
bien rythmée par des planches adaptées
à chacune des scènes : cadrages hyper-dynamiques pour les
scènes d’action, cases déstructurées aux bons moments, et
pleines pages judicieusement distillées. Le travail graphique de
Tefenkgi est à la hauteur de ce récit ambitieux, qui a reçu un
accueil positif unanime lors de sa parution américaine. Komics
Iniative en propose une très belle édition, agrémentées de notes
historiques passionnantes et autres bonus graphiques roboratifs. Une
vraie découverte.
Un
album en compétition pour le Fauve polar SNCF Voyageurs 2025 !
The
good asian – Une enquête d’Edison Hark ****
Scénario
Pornsak Pichetshote ; dessin Alexandre Tefenkgi – Trad.
Benjamin Viette
Komics
Initiative - 304 pages couleurs – Sortie le 24 octobre 2024