« Bonjour docteur. C’est pour une consultation. Je suis fou. »
Et le docteur de faire entrer patient dans son cabinet, une pièce grouillant d’animaux empaillés. Des trophées de chasse dont le carabin est assez fier. Mais là n’est pas l’objet de la consultation :
- Alors notre meunier est fou ? C’est pour ça que tu viens ? Je ne crois pas beaucoup me tromper en disant que tu es neurasthénique.
- Il y a des pilules pour ça ? Si ça pouvait calmer les villageois…
- Les villageois n’ont pas besoin de pilules. Pourquoi cries-tu au juste ?
- Je ne sais pas, ça sort tout seul. Automatiquement. »
Voilà donc où en est Agnar Huttunen, quelques temps après avoir repris un moulin abandonné près du petit village de Oulu, en Laponie finlandaise. Une reprise qui surprend les autochtones, d’abord curieux de savoir qui est ce grand échalas un peu bizarre qui a réussi à remettre le moulin en marche. Une curiosité qui va vite céder à la panique, puis à la vindicte quand ils vont découvrir passe son temps à hurler à tout moment et à imiter bon nombre d’animaux sauvages. Seule la douce conseillère horticole Sanelma Kayramo semble faire preuve d’empathie. Mais Agnar se retrouve vite persécuté par les villageois qui n’ont qu’un but : le faire enfermer…
On
retrouve avec cette nouvelle adaptation de Paasilinna, après La Forêt des renards pendus (Futuropolis, 2016), tout le talent
de Nicolas Dumontheuil pour mettre en scène les contrées lointaines
de la Finlande de l’immédiate après seconde guerre mondiale et
surtout, ce don pour mettre en scène toute une galerie de
personnages tous aussi pleutres, rapaces, craintifs, jaloux, avides …
les uns que les autres. Les silhouettes et trognes de tout ce petit
monde sont extraordinaires, et au premier chef le meunier lui-même
qui avec ses allures de coq échevelé a tout à fait le physique de
sa personnalité excentrique. L’intrigue suit celle du roman,
pleine de péripéties étonnantes, et on suit avec une délectation
légèrement angoissée – et une certaine tendresse – le destin
d’Agnar le pas-comme-les-autres. La couverture de cet album est
elle aussi vraiment réussie : elle résume à elle toute seule
l’état d’esprit libertaire du « héros ».
Et
c’est donc cette excellente adaptation qui a convaincu le jury du
Prix Clouzot du festival de polar Regards Noirs de Niort.
Après Le Temps des sauvages en 2018 (de Sébastien Goethals
d’après Thomas Gunzig) et l’étonnant A Fake Story de
Laurent Galandon et Jean-Denis Pendanx) d’après l’oublié
Douglas Burroughs, en 2022, les éditions Futuropolis inscrivent une
troisième fois leur nom au palmarès de ce prix. Bravo à elles et à
Nicolas Dumontheuil et rendez-vous à Niort les 14 et 15 février 2025 pour la remise officielle des prix pendant le festival.
Le Meunier hurlant****
Scénario et dessin Nicolas Dumontheuil, d’après le roman de Arto Paasilinna
Futuropolis - 152 pages couleurs – 24 € - Parution le 10 janvier 2024
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