C’était récemment la saison des prix littéraires, et il en a plu sur les romans et essais à tous les coins de rue. Les bandes dessinées ne sont pas en reste, et trois distinctions ont été décernés pas plus tard qu’il n’y pas très longtemps. Pour trois albums se déroulant tous au pays de l'Oncle Sam.
Le premier de ces prix a été attribué il y a quelques jours à Laurent Galandon et Jean-Denis Pendanx pour A fake Story, d’après le roman de Douglas Burrough (Futuropolis), qui remporte le Prix Clouzot de la BD polar du festival Regard Noirs de Niort. Choix osé car pour ce prix consacrée à une adaptation d’un roman noir ou policier, le jury a choisi de récompenser une bd dont l’auteur du roman reste, voyons, mystérieux. Mais l’histoire n’en demeure pas moins passionnante : à la suite du reportage sur la fausse invasion martienne racontée «en direct » par Orson Welles en octobre 1938, un homme tire sur sa famille avant de se suicider. Un journaliste, Douglas Burroughs, vient enquêter sur cette tragédie. Et c’est une vertigineuse mise en abyme que racontent avec talent Galandon et Pendanx, et qui entre parfaitement en résonance avec notre époque actuelle…
Pas d’adaptation pour le Trophée 813 de la BD 2021, décerné lui fin septembre, mais un romancier du noir chevronné au scénario : Jerome Charyn, vainqueur avec François Boucq du trophée pour leur New-York cannibals (Le Lombard). Charyn et Boucq œuvrent ensemble depuis de trente cinq ans, et régulièrement se retrouvent pour des albums empruntant à leurs univers respectifs, avec, depuis « Bouche du diable » (1990), une exploration du genre polar plutôt du côté espionnage ambiance goulag. Mais c’est aussi la cité chère au romancier qu’est New York qui est au coeur de leur deux derniers albums, et on retrouve dans « New York cannibals » les personnages principaux de « Little Tulip.», 20 ans plus tard. Tatouage, culturisme, trafic de sang, désir d’enfants… sont autant de thèmes au coeur de cet album dense où se croisent une incroyable galerie de personnages, tous aussi charynesques que boucquiens.
Enfin, c’est début septembre qu’a été remis à Alex W. Inker le Prix Mor Vran de la BD 2021 du festival du Goéland Masqué de Penmar’ch (Finistère) , pour Un travail comme un autre (Sarbacane). Encore une adaptation, mais de pas de mystère sur l’autrice cette fois, puisqu’il s’agit de Virginia Reeves, dont c’était le premier roman. L’histoire ? Allez, pour une fois, reprenons le résumé de l’éditeur : Alabama, 1920, Roscoe T Martin est fasciné par cette force plus vaste que tout qui se propage avec le nouveau siècle : l’électricité. Il s’y consacre, en fait son métier. Un travail auquel il doit pourtant renoncer lorsque Marie, sa femme, hérite de l’exploitation familiale. Année après année, la terre les trahit.Pour éviter la faillite, Roscoe a soudain l’idée de détourner une ligne électrique de l’Alabama Power. L’escroquerie fonctionne à merveille, jusqu’au jour où son branchement sauvage coûte la vie à un employé de la compagnie »
Alex Inker nous replonge donc dans cette Amérique de Caldwell et Steinbeck, et comme il le confie au site ligne claire.info, ce qu’il voulait surtout tirer du roman « c’était avant tout l’histoire d’amour de Roscoe et Mary » (interview complète ici). Mais cela reste aussi un album vraiment noir et tragique, qui là aussi, fait écho à ce que nous vivons ici et maintenant, en 2021
A fake story
Scénario Laurent Galandon et dessin Jean-Denis Pendanx d’après le roman de Douglas Burroughs– F uturopolis, 96 pages couleur – 17 € - Paru le 13 janvier 2021
New York Cannibals
Scénario Jerome Charyn et dessin François Boucq -Le Lombard, 141 pages couleur –24,50 €- Paru le 11 septembre 2020
Un travail comme un autre
Scénario et dessin Alex W. Inker d’après le roman de Virginia Reeves – Sarbacane 173 pages couleur – 26 € - Paru le 27 mai 2020
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