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vendredi 16 avril 2010

Parker - Le Chasseur (2010)

« Dans les illustrés on dit Syndicat. Pour les escrocs et les gangsters, c'est la famille et vous dites l'organisation. Vous pourriez aussi bien vous appeler la Croix-Rouge, ça m'est bien égal. Il va falloir me rendre l'argent que cela vous plaise ou non. »
Celui qui parle ainsi à un ponte de la mafia new-yorkaise ne doute de rien : il s'est fait doubler sur un casse, piégé par sa propre femme. Comme il est plutôt du genre têtu et dur à cuir, et qu'en plus il a fait de la prison suite à cette affaire qui a mal tourné pour lui, peu lui chaut l'importance de ceux qui doivent lui rendre les 45 000 $, petites frappes ou parrains intouchables. Il s'appelle Parker, et ceux qui se retrouvent en travers de son chemin vont vite apprendre à connaître son nom.
Quant à celles et ceux qui le connaissaient déjà, ils peuvent commencer à numéroter leurs abattis : Parker
est en chasse, et il y a fort à parier qu'il se montre sans pitié...

Parker est, avec Dortmunder, l'un des principaux personnages récurrents du grand romancier américain Donald Westlake. Publiées dès 1962 sous le pseudo de Richard Stark, les 22 romans mettant en scène ce cambrioleur sans prénom, froid et implacable, ont donné lieu à une dizaine d'adaptations cinématographiques, pour lesquelles Westlake n'avait jamais autorisé l'utilisation du nom de son personnage. Parker est ainsi devenu Macklin, MacClain, Stone, Porter... ou Walker, comme dans « Pointblank » de John Boorman, adaptation (en 1967) de « The Hunter », premier titre de la série, que les lecteurs français ont découvert en 1963 à la Série Noire sous le titre... « Comme une fleur » (ah, ces titres...).
C'est pour cette même première aventure que le dessinateur Darwyn Cooke a été autorisé à utiliser le véritable nom du héros, pour une superbe version graphique, qui arrive chez Dargaud, avec une traduction de Tonino Benacquista.
Cooke a opté pour une adaptation en « noir/gris et blanc » du meilleur effet, avec un jeu permanent sur la mise en lumière de ses cases, et un trait parfois épuré donnant à cet album, de temps à temps, des allures de story board. Mais il ne faut pas s'y tromper : Cooke montre tout le talent de conteur en images qui est le sien dès l'ouverture de l'album, dans une très longue séquence quasi-muette, où nous suivons le retour de Parker à la vie, et aux affaires. En une vingtaine de pages, grâce à des scènes minutieusement décrites (comme la confection d'un faux permis de conduire) ou racontées par ellipse (la visite aux banques pour les escroquer) le personnage est campé, sa détermination et son caractères posés. Du grand Art !
Par ailleurs, Cooke a pris le parti d'un usage subtil du texte : soit il nous le donne à lire dans les traditionnelles bulles, soit il opte pour de longs passages narratif illustré, avec de temps à autre un dessin pleine page. Et c'est bien ce mode de narration en alternance qui renforce l'impression de lire un vrai « roman graphique ».
C'est toujours un peu la même chose avec les adaptations : soit vous connaissez le roman originel, et là, très souvent, une comparaison s'opère, avec ce qui reste de l'oeuvre littéraire, soit vous découvrez l'histoire et voyez l'ensemble d'un oeil neuf. Dans ce second cas, si en plus du plaisir de lecture de la bande dessinée, vous avez envie d'aller voir à quoi ressemble le roman, c'est que le dessinateur aura réussi à vous ouvrir les portes de l'univers d'un romancier. Pour moi qui n'ai jamais lu un seul Richard Stark – oui j'avoue ! - ce « chasseur » fonctionne exactement comme cela : j'ai désormais furieusement envie d'aller faire un tour du côté des romans. Et aussi des trois autres titres signés Cooke annoncés par IDW, l'éditeur américain. Dargaud annonce la traduction du deuxième.
Après l'adaptation réussie de Lax (« Pierre qui roule » chez Rivages/noir Casterman), cette autre version graphique de Westlake/Stark est un vrai bonheur. Si la vogue actuelle des adaptations vous laisse de marbre, laissez-vous emmener par ce Chasseur. Vous ne le regretterez pas.

Parker : Le Chasseur
Texte et dessins de Darwin Cooke, d'après Richard Stark
Traduction de Tonino Benacquista
Dargaud, 2010
140 pages en bichromie, 19 €

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