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Bonne balade dans le noir !

lundi 26 décembre 2011

[Chronique] - L'Ange Noir arrive... et CasaNostra aussi

Judith Mérieux est une avocate réputée, et redoutée, du Barreau de Nantes. Efficace et intransigeante, elle s'est fait plus d'un ennemi au cours de sa déjà longue carrière, et a même hérité d'un surnom : l'Ange Noir. Cette vie au service de la loi et de la justice la fait peut-être passer à côté de sa vie intime avec Pierre, son mari, un homme d'affaire tout aussi occupé qu'elle par ses affaires dans l'import-export. Au moment où Judith interroge Pierre sur un éloignement qu'elle perçoit de plus en plus manifeste, son mari la rassure : il leur a programmé un voyage en amoureux, en Suède, pour leur dix ans de mariage. Mais Judith n'en profitera pas : elle est retrouvée assassinée presque aussitôt après l'annonce de ce voyage. La police entre alors en scène, mais peine à trouver une piste pour ce meurtre. Faut-il chercher du côté d'un ex-taulard animé d'un désir de vengeance ? De celui d'une affaire en cours où le client adverse s'est déjà accroché avec Judith ? A moins que les lettres de menaces reçues depuis quelques temps au cabinet constituent la clé de l'énigme pour l'inspecteur Lucas ?

Pour leur première production, la collection « CasaNostra », dont l'une des ambitions avouées est « son inscription dans les espaces de notre quotidien », nous emmène du côté de Nantes. Jérôme Mathé, le dessinateur, met un soin particulier à mettre en scène sa ville, dans un style graphique original, mixant dessin et photographies, retravaillées ou utilisées parfois directement dans ses pages. Ses personnages évoluent donc dans ce décor urbain, réaliste, et l'alchimie se fait assez bien. La composition des planches, avec l'utilisation ponctuelle des traits de vitesse, ou le choix, plus fréquent, de visages en gros plan, donne un peu un petit côté côté manga à l'album. Mais on pense aussi, toujours côté visuel, à certains comics, et en particulier à Queen & Country, de Greg Rucka (série traduite chez Akileos). Tout cela fait de l'Ange Noir un album un peu hors des sentiers battus. L'histoire en elle-même reste par contre un peu plus attendue, tant dans les portraits proposés par Jean-Pierre Bathany (le flic solitaire et dépressif, l'ex-taulard revanchard, la super-woman au coeur sensible...) que dans l'intrigue dont on pressent assez facilement le dénouement. Il n'empêche que cet album – à la couverture superbe - est une première réussie pour CasaNostra, dont il faudra surveiller les prochaines parutions. Les histoires resteront dans le Grand Ouest (Rennes, Saint-Malo)... en attendant d'emprunter d'autres sentiers du Noir !

L'Ange Noir
Scénario Jean-Pierre Bathany et dessin Jérôme Mathé
Sixto, 2011 – 111 pages noir et blanc – Collection CasaNostra – 17,90 €

mercredi 21 décembre 2011

[Chronique] - Lady Elza et l'Excentric Club

Lady Elza est une jeune femme aux fortunes diverses : si financièrement elle est à l'abri du besoin – car issue d'une riche famille – sentimentalement c'est autrement plus compliqué. Déjà divorcée, elle virevolte d'aventures en aventures, ce qui n'est pas sans danger. Ainsi, au début de celle-ci, Elza se retrouve en imper et porte-jarretelles, sur les toits de Londres, obligée de fuir la vindicte de la maîtresse de son amant d'un soir. Elle s'en sort, mais ladite maîtresse, blessée dans son orgueil (et à l'orteil car elle s'est tirée une balle dans le pied par maladresse...) ne veut pas en rester là. Elle charge son frère, le malfaisant Albee Switch, d'estropier la belle Elza. Par bonheur, celle-ci a été envoyée dare-dare à la campagne par son cousin Palfy, pour la protéger, mais aussi pour la faire entrer dans un cénacle très fermé, le mystérieux Excentric Club. Mais pour être admise, encore faut-il passer rituels et épreuves avec succès. La fougueuse Elza va-t-elle être à la hauteur ?

Vous aimiez « Les Rochester », des mêmes auteurs ? Vous allez adorer les aventures de Lady Elza, qui sont la continuité de celles publiées chez Dupuis, l'héroïne désormais seule vedette. Dufaux, dans une postface un peu amère et triste au sixième et dernier tome de la série, avait exprimé toute sa déception de devoir abandonner les Rochester, faute d'avoir réussi à les faire aimer à son public. Glénat lui offre une seconde chance, et chers lecteurs et lectrices, si vous êtes amateurs d'humour raffiné et que la ligne claire exerce sur vous une certaine séduction : foncez ! Lady Elza s'inscrit dans la droite lignée du Floc'h de la période « Albany » (Le Dossier Harding, A la recherche de Sir Malcolm...) et du Freddy Lombard de Chaland, dont Philippe Wurm fait un peu figure d'héritier, un petit coquin en plus. Car l'héroïne du duo est loin d'être une fille coincée, et elle en émoustille plus d'un au fil de ses pérégrinations. Ce léger décalage entre un style graphique que d'aucuns – les naïfs – estiment s'adresser aux plus jeunes, et une histoire pour les, voyons, moins jeunes, fait tout le sel de Lady Elza. Sans oublier qu'autour de ce personnage central féminin séduisant, Dufaux a imaginé une histoire à la lisière du fantastique, pleine de rythme et ponctuée de dialogues des plus plaisants. Du style :
« - C'est Lord Schnock. Un membre de l'Excentric Club
- Encore ! Et qu'a-t-il de particulier ?
- Il correspond chaque nuit avec Lady Di. Avec l'esprit de Lady Di. C'est très fatigant. La princesse a tant de choses à révéler »
Voici donc un come-back réjouissant, et souhaitons longue vie la pétillante Elza.
Avec qui on partagerait bien une coupe de champagne à la Saint-Sylvestre, tiens.

Lady Elza 1 – Excentric Club
Scénario Jean Dufaux et dessin Philippe Wurm
Glénat, 2011 - 52 pages couleur - 13 €