Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
Trois index sont là pour vous aider à retrouver les BD chroniquées dans ce blog : par genres, thèmes et éditeurs.
Vous pouvez aussi utiliser le moteur de recherche interne à ce blog.
Bonne balade dans le noir !

mercredi 5 mars 2014

[Comics] - Crime SuspenStories : une anthologie de choc chez Akileos !

Un instantané de la mort : Une femme commandite elle-même son propre assassinat, car elle se sait médicalement condamnée. Mais son mari lui apprend une bonne nouvelle : ces braves hommes en blanc ont fait une erreur, elle va s'en tirer ! Oui, mais le tueur est en route...
Le Sosie : Un homme se rend compte qu'il est le sosie d'un milliardaire. Sa vie n'en serait-elle pas meilleure s'il venait à l'éliminer et prendre sa place ? Aussitôt ruminé, aussitôt exécuté... mais la vie du milliardaire n'est pas celle attendue, c'est même un véritable enfer...
Le Tueur ricanant : un homme profite des meurtres commis, à la cordelette, par un tueur en série pour se débarrasser de son insupportable épouse. Mais évidemment, il faut faire attention à qui on fait monter dans sa voiture pour se ménager un alibi...
Face à l'horreur : Un braqueur redoutable se fait prendre en photo au cours d'un hold-up. Son visage désormais connu, sa carrière va tourner court. Jusqu'à ce qu'il trouve un plan génial : se faire refaire le portrait par un médecin... et ne laisser aucun témoin derrière lui. Mais parfois, on a beau prendre toutes les précautions, on oublie le grain de sable qui va tout faire capoter...

Des histoires comme ça, ce premier volume de «Crime SuspenStories » en propose pas moins de 28, réunies par Akileos dans un volume soigné à la couverture sobre et élégante, un peu à l'opposé des couvertures choc de l'époque de parution des fascicules originaux. Ces 28 récits sont tirés des numéros 1 à 7 de cette publication, qui en compta au total 27, et qui prit fin en février 1955, victime de la création du Comics Code Authority. Ce même code entraînera aussi l'arrêt d'autres titres du même éditeur comme « Schock SuspenStories » ou « The Vault of Horror », tous accusés d'entraîner la jeunesse sur les chemins de la délinquance et de la dépravation (on connaît un certain Jean-François C. qui en aurait fait des caisses à leur lecture...). 

(Re)lire, plus de cinquante après, ces histoires qui se sont trouvées dans l'oeil du cyclone de la censure, permet de mesurer leur soit-disant « immoralité »... et de se rendre compte que le duo Bill Gaines (le patron himself à l'époque de EC Comics) Al Feldstein, scénaristes de la plupart des intrigues de ce recueil, construisaient surtout des récits où hommes et femmes s'évertuaient à échapper à un destin funeste, le plus souvent en pure perte... Les chutes de la plupart des histoires sont en effet on ne peut plus cruelles, avec une morale sous-jacente qui pourrait être celle du titre d'une des autres publications de cet âge d'or du "crime comics" : le crime ne paie pas. Et au service de ces histoires sombres et implacables, des dessinateurs au talent immense, qui n'avaient pas leur pareil pour camper des personnages réalistes, aux visages tordus par l'angoisse, suant toutes les larmes de leurs corps à l'approche de l'instant fatal. Sans oublier les femmes, en beautés glacées et glaçantes, fatales pour leur victime... ou pour elles-mêmes. Ces dessinateurs, ce sont Johnny Craig (qui signe la couverture de ce tome 1), Jack Kamen, Graham Ingels, et Harvey Kurtzman, futur fondateur, avec Bill Gaines, justement, de l'immortelle revue satirique Mad.
 
Cette anthologie que nous offre Akileos est une véritable aubaine et permet enfin de lire en français les premiers thrillers - au sens premier : qui font flipper ! - en bandes dessinées, et il ne faut pas passer à côté de ce tome, ni du deuxième, annoncé pour avril... Et aller faire un tour du côté des "Shock SuspenStories" à paraître ce mois de mars ! 

Crime suspenStories 1
Scénario et dessin collectif
Akileos, 2012 – 208 pages noir et blanc – 26 €

Crime suspenStories 2
Scénario et dessin collectif
Akileos, 2014 – 180 pages noir et blanc – 26 €


dimanche 2 mars 2014

[Chronique] - Les Cobayes, de Benacquista et Barral (Dargaud)

Daniel, Moira et Romain ont été retenus par le laboratoire Scott-Dumaz pour tester les effets d'un nouvel anxiolytique avant sa mise sur le marché. Tous trois ont des raisons bien à eux de se lancer dans cette expérience qu'il n'ont encore jamais tentée. Le protocole de test est strict et sévère : trois semaines d'isolement au centre du labo, avec batteries d'examen pendant 21 jours. Au bout de l'expérience, 3500 euros attendent les cobayes, mais l'argent suffira-t-il à leur bonheur ? Et surtout : les effets indésirables seront-ils si secondaires que cela ?

Le récit de Tonino Benacquista est construit en trois parties : "Ceci est un médicament", "Effets indésirables" et "Si les symptômes persistent". Pour résumer, avant/pendant l'expérience pour les cinquante premières pages et après celle-ci pour les cinquante suivantes. Dans la première partie, la plus longue;la personnalité du trio de cobayes est dévoilée, leur histoire personnelle, aussi, tout comme leurs motivations profondes, suggérées par des scènes de flashbacks très bien menées graphiquement. Tout se met en place pour la suite, où le lecteur se trouve en observateur de cette  nouvelle vie qui démarre pour les trois volontaires, et où il attend avec curiosité - et là, il y a une vraie forme de suspense mis en oeuvre - où tout cela va mener...
Je ne dévoilerai ici rien des effets secondaires en question sous peine de gâcher l'idée-maîtresse du scénariste, mais au moins peut -on dire que c'est une trouvaille vraiment sympa.

 "Les Cobayes" n'est pas à proprement parler une attaque frontale des labos pharmaceutiques, mais trouve le moyen de dénoncer leurs pratiques et une certaine irresponsabilité de la part des médecins de tout poil. C'est fait avec une certaine ironie, typique de l'écriture et du style de l'auteur de romans, du raconteur d'histoire qu'est Tonino Benacquista. Cette distance, on la retrouve dans le dessin de Nicolas Barral, sa manière de camper les personnages, en particulier celui de Romain, "obsédé sexuel le plus lamentable du monde". Sa mise en page dynamique achève de faire de cet   album une bande dessinée alerte et intelligente.


Les Cobayes

Scénario Tonino Benacquista et dessin Nicolas Barral
Dargaud, 2014 –  96 pages  couleur
17,95 €

mercredi 26 février 2014

[Come-back] - Before watchmen : Minutemen et Before Watchmen : Compagnon (Urban Comics)

Les Watchmen, d'Alan Moore et Dave Gibbons, ont marqué, en 1986-87, un véritable tournant dans l'histoire des comics : en mettant en scène des super-héros vieillissant, aux pouvoirs quasi-inexistants - à l'exception notable du Docteur Manhattan, figure du super-héros définitif - oubliés de tous, et évoluant dans un monde au bord d'un effondrement inexorable, Moore et Gibbons ont donné un sacré coup de pied dans la fourmilière des justiciers costumés. Après cette série de 12 épisodes, et deux autres monuments du genre : "Sin City" (Frank Miller) et "V pour Vendetta" (Moore encore, et Lloyd), publiés en ces mêmes années 80 agonisantes, il fut impossible de lire les comics avec le même oeil. Et pour les auteurs, d'en écrire comme si rien ne s'était passé... et l'influence de ces oeuvres sur l'ensemble de la production a été perceptible. Avec les Watchmen, on laissait un peu de côté - pas mal, même ! - l'aspect divertissant de la bande dessinée pour se permettre de réfléchir un peu sur le statut même des héros, leurs motivations profondes, leurs conditions de vie, bref, toute une arrière-cuisine jusqu'alors largement ignorée... et racontée par les "héros" eux-mêmes. C'est ainsi  que les deux premiers épisodes des Watchmen se terminent par des extraits de l'autobiographie "Sous le masque", signée Hollis Mason, alias le Hibou. Et c'est cette autobiographie qui sert de base au premier "prequel" de la série, Before Watchmen.
"Minutemen" de Darwyn Cooke (auteur de l'excellente adaptation des romans de Richard Stark "Parker") revient en effet sur cette organisation d'aventuriers déguisés constituée du Comédien, du Hibou, du Spectre Soyeux, du Capitaine Metropolis, du Juge Masqué, de l'Homme-Insecte, de la Silhouette et de Bill Dollar. Huit personnages dont les vies et destins avaient été esquissées ,ou dévoilées par touches discrètes, dans les "Watchmen", et sur lesquels Cooke revient, avec tout son talent narratif et graphique. Et là où on pouvait craindre une déception, même légère, tant la matrice originelle est puissante, il n'en est rien, c'est même tout l'inverse : l'esprit qui régnait sur la série de Moore et Gibbons est là, et c'est (presque) comme si les maîtres étaient aux commandes. Cooke a donc choisi de s'appuyer sur le récit autobiographique du Hibou, et de faire naviguer son intrigue entre les années 60 - période où Hollis Mason décide de faire paraître son livre, mais de recueillir auparavant l'avis de ses ex-coéquipiers - et les années 40, où les Minutemen étaient en activité. Cela fonctionne à merveille, et permet de revisiter le mythe Watchmen, et même, de lui apporter de l'ampleur.
"Before Watchmen" est en fait imaginé sur ce principe : chacun des auteurs, d'ailleurs triés sur le volet  parmi les plus doués de la génération actuelle, s'empare d'un aspect (un personnage le plus souvent) des Watchmen, pour en faire un récit à part entière.

Si celui de Darwyn Cooke est de longue haleine et tient sur plus de 160 planches, le deuxième volume "Compagnon", regroupe lui trois mini-récits. Le premier signé Len Wein & Steve Rude, s'intitule "Bill Dollar" et retrace la carrière étonnante et météorique de ce personnage qui a rejoint les Minutemen, alors qu'il n'était qu'un acteur, jouant le rôle d'un super-héros de pacotille, protecteur-mascotte d'une banque. La mise en abyme, omniprésente dans les Watchmen, est ici encore plus flagrante, avec ce personnage qui doute lui-même de son statut de héros, et qui d'ailleurs aura une fin qui ne sera pas du tout  celle d'un héros...
Le deuxième récit; "Moloch",  de Joe Michael Straczynski & Eduardo Risso (quand je vous disais que la fine-fleur des auteurs était là...) s'attache à la destinée tragique du seul méchant présent de manière un peu continue dans les Watchmen : Edgar Jacobi, un être difforme se faisant appeler Moloch. Sa route va croiser celle d'Ozymandias, qui a pour lui de grands projets...
Enfin, ce volume se conclut sur une étonnante aventure de... pirates signée John Higgins, le coloriste historique des Watchmen. Et là, quelle puissance graphique ! Bon, cette histoire, "Le Corsaire sanglant", n'est évidemment pas sans rappeler, au hasard, les tribulations de Jack Sparrow lorsqu'il croise le Hollandais Volant, puisque ce même vaisseau recueille l'aspirant officier Gordon McClachlan, mais peu importe : elle est portée par le souffle de l'aventure, et nous emmène loin, jusqu'au porte de la noirceur des âmes... Le rapport avec les Watchmen, à part John Higgins ? Dès le Watchmen 3, un jeune Noir lit au pied du kiosque à journaux le comics "Tales of the Black Freighter" (les Contes du Vaisseau Noir), une BD dont on voit certaines cases, dessinées dans un autre style. La BD dans la BD, et à la fin du Watchmen 5, un long article revient sur la carrière du dessinateur virtuose Joe Orlando, qui éclaboussa de tout son talent ces histoires de pirates. La boucle est une fois de plus bouclée avec John Higgins et son "corsaire sanglant".
"Before Watchmen" a déjà été publié en version presse, mais si vous avez aimé les Watchmen, ces éditions cartonnées, dans la collection DC Deluxe, doivent absolument rejoindre votre bibliothèque : elles sont magnifiques ... et la série est une réussite ! Les  titres à suivre sont "Rorschach" et "Spectre Soyeux". Et en attendant, vous pouvez aussi vous replonger, chez le même éditeur, dans la version intégrale des Watchmen, qui reprend la traduction originale  que Jean-Patrick Manchette avait donnée pour les vénérables éditions Zenda.

Before Watchmen, Urban Comics 2014
1 - Minutemen
Scénario et dessin Darwyn Cooke - 170 pages couleurs - 15 €
2 - Compagnon
Scénario et dessins Len Wein & Steve Rude, Joe Michael Straczynski & Eduardo Risso, John Higgins - 150 pages couleurs - 15 €

Watchmen
Scénario Alan Moore et dessin Dave Gibbons - Urban Comics, 2012
464 pages couleurs - Collections DC Essentiels - 35 €

dimanche 23 février 2014

[Nouveauté] - Le Théorème de Karinthy, par Ulbert et Mailliet (Des Ronds dans l'O)

Dès sa couverture - un manifestant casqué faisant face, pavé en main, à un cordon de forces de l'ordre - cet  album annonce la couleur : elle sera rouge. Comme celle de l'idéologie qui anime les personnages de l'histoire de Jörg Ulbert, ou comme celle du sang qui a nécessairement coulé en ces années 70-80 en Allemagne, du côté de Berlin, ou d'ailleurs. Et quant on retourne l'album, on peut y lire :

"Théorème de Karinthy, également appelé « Les six degrés de la séparation » : modélisation des relations humaines établie par le Hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938). Tout individu sur Terre serait relié à n'importe quel autre par une chaîne de connaissances personnelles composée tout au plus de cinq maillons. Au début des années 1980, la police fédérale allemande se sert de ce théorème pour retrouver la trace de terroristes vivant depuis des années dans la clandestinité. "

Voilà donc le lecteur prévenu : il ne va pas se plonger dans un de ces nombreux thrillers qui n'ont d'autre but que de le divertir en jouant la carte du sensationnel -  devenu d'ailleurs conventionnel au fil de piles d'albums interchangeables - mais bien s'apprêter à être confronté avec l'Histoire contemporaine de l'Europe, celle des utopies révolutionnaires, des terrorismes et de leur répression. Celle des "années de plomb", dont les traces sont encore visibles de nos jours.  Et c'est passionnant !


Pour raconter leur vision des mouvements terroristes qui ont agité la RFA et la RDA, les auteurs ont choisi de les faire découvrir de l'intérieur, en suivant, en chapitres parallèles, deux personnages principaux : Otto, flic dont la mission est d'infiltrer un groupe d'activiste d'extrême gauche, pour pouvoir arrêter un chef de réseau et Martin, justement la cible d'Otto.

On suit ainsi d'abord l'arrivée d'Otto à Berlin, et tout son parcours, où il reproduit le plus fidèlement les faits et gestes de celui qu'il traque : inscription à la fac, passage de l'examen de chauffeur de taxi (un métier en or pour passer anonymement entre les mailles des contrôles policiers), fréquentation des bars, politisation. En un mot : se fondre dans le décors, faire partie des meubles, et se faire repérer, accepter par les activistes comme l'un des leurs... sans jamais vendre son âme, ni tomber dans l'illégalité. Mission difficile, sur la corde raide la plupart du temps.
Du côté de Martin, le retour à Berlin est motivé par l'esprit de vengeance : il s'agit de retrouver le responsable de celui qui a causé la mort de sa compagne, au cours d'une arrestation qui a mal tourné. Il doit prendre tout autant de précautions qu'Otto, mais d'un autre ordre... Tout en continuant à agir pour la cause qu'il croit juste. Ici, celle de la défense des nombreux squatts de la ville, autorisés pour certains, les plus anciens et dont les propriétaires ne portaient pas plainte,  mais interdits très vite pour les nouveaux, et violemment à l'encontre des squatters.

Cette trame narrative de Jörg Ulbert permet de donner à voir un Berlin de 1981, méticuleusement reconstitué, que le dessinateur Jörg Mailliet (ici son blog) explore dans ses endroits les plus obscurs, abandonnés, oubliés. Cette plongée dans un réel vieux de trente ans fait toute la force de cet album, et lui confère une authenticité proche du documentaire... même si cela reste une fiction. Une page de notes recontextualisant les événements de l'époque vient d'ailleurs appuyer le côté historique de l'entreprise, sans que jamais d'ailleurs la fluidité de la lecture n'en soit entravée. Ajoutez à tout cela une bande-son qui accompagne les 124 pages de ce récit, où les radicaux américains Dead Kennedys côtoient leurs homologues allemands de Beton Combo, et vous tenez là un album à haute teneur subversive, et un regard intelligent sur une période où les populations étaient parfois (souvent ?) en plein désarroi. Le Théorème de Karinthy est au final un album riche, qui appelle plus d'une lecture et donne à penser à celui ou celle qui s'y plonge, et rien que pour cela, il est précieux. Et certainement, déjà, une des grandes réussites de cette année 2014.

Le Théorème de Karinthy - Berlin, 1981
Scénario Jörg Ulbert et dessin Jörg Mailliet
Des Ronds dans l'O, 2014 - 124 pages couleurs - 22 €

mercredi 19 février 2014

[Originaux ] – Bézian expose son Docteur Radar à la Galerie Glénat (Paris) jusqu'au 11 mars 2014

Le 15 janvier dernier sortait aux éditions Glénat le très réussi Docteur Radar de Frédéric Bézian, sur un scénario de Noël Simsolo. Le duo avait déjà été associé sur l'inquiétant "Ne touchez à rien", et récidive avec cette histoire qui emprunte les voies du polar comme celles du fantastique. Dans un Paris des années 20, des scientifiques, tous spécialisés dans la conquête spatiale, sont assassinés un à un, par le redoutable Docteur Radar, insaisissable car véritable artiste du déguisement.
Pour cet album envoûtant, Frédéric Bézian confesse volontiers comme il a imaginé "son" Paris : 
"Une sorte de bricolage poétique... d'où les allusions au lettrisme, à l'expressionisme, au Bauhaus, les emprunts aux décors de Fernand Léger, et les robes du soir d'Isaure Saint-Clair ou des dames perçues "Chez Maxim's". Du coup, aucun état d'âme concernant d'éventuels anachronismes : certaines voitures apparaissent cinq ans trop tôt, les éclairages sont plutôt influencés par ceux d'Orson Welles, certaines villas sont des décalages de celles créées par Mallet-Stevens vers 1925 et après."

Pour vous immerger dans cet univers, il ne faut pas manquer de vous rendre à la galerie Glénat, au Carreau du Temple, 22 rue de Picardie à Paris (3ème) où est organisée une exposition des planches originales du Docteur Radar.
A noter qu'une édition spéciale Noir et Blanc est sortie parallèlement à la version courante (couleurs) de l'album.

Docteur Radar 
Scénario Simsolo et dessin Bézian.
Glénat, 2014 - 64 pages couleurs - 19,50 €
ou 80 pages noir et blanc - 49,00 €

samedi 15 février 2014

[Nouveauté] - Perico, de Hautière et Berthet (Dargaud)


Cuba, 1958. Joaquin Lima est un jeune  home qui  bosse tous les jours comme serveur au casino Sans-Souci, propriété du parrain local, Santo Trafficante, un homme craint, et proche de Batista, l'homme encore (fort du)  au pouvoir, mais dont l'armée peine à contenir les rebelles castristes. Joaquin ne fait pas de vagues, et ses rêves ne le portent pas plus loin que les murs du  Sans-Souci, dont il espère un jour diriger l'une des tables de jeu. L'arrivée de Carlos, son frère, va venir chambouler cette vie tranquille : en acceptant de le prévenir de l'arrivée d'un américain au casino, Joaquin se trouve très vite mêlé à une affaire plus que dangereuse et qui va le pousser à fuir, en compagnie d'Elena, belle à tomber et sublime chanteuse,...  et surtout  protégée de Santo Trafficante. Le jeune Joaquin va-t-il avoir les épaules assez solides pour résister à la meute ?

Philippe Berthet, dont les débuts s'inscrivirent sous le signe du polar, avec "Couleur café" (1980), et surtout les trois enquêtes du Privé d'Hollywood (avec Rivière et Bocquet, 1985-90), renoue avec le genre avec ce Perico - "perruche" en espagnol, mais aussi cocaïne en argot cubain- et emmène à nouveau ses lecteurs sur les routes américaines, qu'il affectionne particulièrement, avec un départ de Cuba, cette fois. Et comme dans son excellent "Sur la route de Selma" (scénario de Tome) (Dupuis, 1991) (un des meilleurs polars des années 90)(et fin des parenthèses), voici les personnages entraînés dans ce qui s'annonce comme un road-movie sous tension. Régis Hautière en jette en tous cas dans le  premier tome de ce dyptique les bases solides, en présentant la proie, les chasseurs... et la femme (peut-être ?) fatale au milieu. Le tout avec une toile de fond historique bienvenue, qui permet à Berthet de restituer une atmosphère fifties toute en élégance - sa marque de fabrique - et violence feutrée à la fois.  Les couleurs de Dominique David, magnifient quant à elle les ambiances nocturnes, les scènes de bar, dans les chambres et donnent ce ton tranquillement inquiétant à Perico. Au final, un premier tome qui aiguille la curiosité, pour un retour intéressant au genre par le dessinateur.  Cet album, ouvre d'ailleurs, une collection "Ligne noire", dirigée par Berthet lui-même.

Et depuis le 13 février, jusqu'au 9 mars, la Galerie Champaka, à Bruxelles, accueille une exposition, avec notamment, les originaux de Perico. Pour plus d'info, c'est par ici.

Perico - Tome 1
Texte Régis Hautière et dessin de Philippe Berthet
Dargaud, 2014 - 64  pages couleur - Collection Ligne Noire
14,99 €

samedi 8 février 2014

[Nouveauté - Comics] - Sin Titulo, de Cameron Stewart (Ankama)

"C'est comme si ma vie entière était un tapis qu'on avait brusquement retiré sous mes pieds, mais au lieu de retourner sur le sol, je chute sans fin. Et je ne sais pas où se trouve le fond"

Cette réflexion, Alex McKay, jeune homme effacé, la partage avec John, un homme qui a accepté de le prendre à bord de sa voiture, sur le parking de l'hôpital dont Alex venait de s'évader, pour échapper à la surveillance de la police postée à la porte de sa chambre... Ce séjour à l'hôpital est le point d'orgue d'une succession d'événements qui ont débuté par la visite d'Alex à Robert, son grand-père, à sa maison de retraite. Une visite déstabilisante pour le petit-fils : il commence par apprendre que le grand-père en question est mort depuis un mois, et ensuite, on lui remet, en échange, une boîte en carton, pour solde de tout souvenir. A l'intérieur, Alex découvre une photo étonnante d'un Robert MacKay souriant, une belle et mystérieuse blonde à lunettes noires à ses côtés. En légende : "Visite de D. 13/05". Muni de ce seul indice, Alex tente d'identifier la jeune femme, et petit à petit, il va être pris dans une spirale infernale qui le conduira, donc, à la voiture de ce John, un homme disposé à l'écouter et le croire. Mais ce que ne sait pas Alex c'est qu'il est loin d'en avoir fini avec cette histoire, et qu'en fait de point d'orgue, le passage à l'hôpital et la rencontre avec John sont plutôt de nouvelles portes qui s'ouvrent. Mais vers quoi ? Mystère...
Voici un album vraiment déroutant, comme ma tentative de vous en restituer l'ambiance peut vous laisser le supposer. A mi-chemin entre le thriller teinté de surnaturel, et la quête intérieure, "San Titulo" est une oeuvre qui ne se laisse à aucun moment enfermer dans un genre, et qui appelle plus d'une lecture. Alex MacKay est déboussolé par tout ce qu'il découvre au fur et à mesure de sa quête, faite de découvertes qui se téléscopent avec des images mentales inquiétantes et des souvenirs d'enfance parfois terrifiants. Pris dans un tourbillon aux accents parfois kafkaiens, le héros paumé de Cameron Stewart pourrait tout aussi bien arpenter Mullholland Drive, tant la réalité qui est la sienne passe son temps à se distordre. On le suit dans sa recherche de la vérité, comme dans un long rêve, et Sin Titulo s'ouvre d'ailleurs par un prologue en forme de songe récurrent. Et se termine par une case noire... comme il avait commencé. Entre ces deux vignettes, 1278 autres, en bichromie sépia, alignées implacablement sur 160 pages, imposent leur rythme lancinant, quasi-fascinant.
Vainqueur d'un Eisner Award en 2010; (celui du Webcomic), Sin Titulo est une bande dessinée américaine en marge de la production habituelle, ne serait-ce que par sa forme, plus proche du comics-strip que du comic-book habituel. D'abord publiée en ligne, elle parait en France chez Ankama sous le label Hostile Holster, qui n'a jamais hésité à faire preuve d'audace et de curiosité . Le choix de publier ce comics hors-norme en est une autre preuve et il faut à nouveau saluer la richesse de ce label, que tout amateur de noir se doit de connaître ou de découvrir.
Sin Titulo
Scénario et dessins Cameron Stewart 
Ankama, 2014 – 166 pages noir et couleur – Collection Hostile Holster –19,90 €

mardi 4 février 2014

[Collector] - Dur à cuire, un hommage distingué de Gérard Auclin (Hoochie Coochie)

Petite soirée entre amis. Dans le salon, on se laisse un peu aller : allongé sur le dos, la chemise ouverte sur une bedaine rebondie, un homme ouvre un large bec, où le vin coule directement du cubi tenu par une invitée en bas résille. Adossé à un mur, sous une affiche de Grosdada, un autre cuve, en ronflant, une bouteille vide et un verre renversé à ses côtés. Sur le canapé, un troisième convive, stoïque, ne semble pas prêter attention à son voisin, qui a baissé son froc à demi et s'apprête à donner un happening qui s'annonce spectaculaire et odorant. Et au premier plan la maîtresse de maison, Marie, apparemment pas gênée par le spectacle environnant, appelle un dénommé Victor, qui n'est autre que son homme. Mais Victor ne répond pas, car il est occupé aux toilettes avec une blonde à genoux à ses pieds, très désireuse de lui faire plaisir. Semble-t-il. Victor n'a pas l'air contre cet enthousiasme et, pris par sa fougue lors d'un changement de position judicieux, il pose le pied sur le couvercle des WC. C'est le début des emmerdements : sa jambe passe au travers du couvercle et il se trouve coincé.... Quelques mouvements risqués plus tard, il tombe en fracassant la porte des chiottes et se retrouve par terre, devant tout le monde, le pied toujours pris dans le couvercle jacobin-delafoniste. La journée va être longue pour Victor Anthracite...

Bon, je vous préviens : c'est comme ça jusqu'au bout. Car après cet épisode initial, notre héros va être entraîné dans un tourbillon d'événements qu'il peinera à maîtriser. Voire qu'il subira sans vergogne. Il croisera la route de petites frappes, trouvera un sac plein de fric, n'en profitera pas beaucoup, fera connaissance avec un âne (un vrai, pas un couillon comme lui) et, et, et... j'arrête là la description de la tragique destinée de Victor Anthracite, personnage central de ce pastiche de série noire écrit et dessiné par Gérald Auclin. En 75 pages au petit format (avec 3 ou 4 cases par page), sous jaquette imitant la célèbre collection de Gallimard, l'auteur nous livre un petit bijou de grand n'importe quoi. Le style graphique est pour le moins sobre, sans chichi, et les ingrédients du récit sont du fric, du cul, des flingues (un peu) et des abrutis (pas mal). Franchement, c'est assez roboratif : si vous êtes déprimé et tout mou, lisez-donc "Dur-à-cuire"; ça donne la pêche. Mais ne trainez pas : ce collector en puissance a été tiré à 50 exemplaires (numérotés je vous prie) et j'imagine qu'il ne court pas les rues. Je l'ai trouvé à Angoulême sur le stand des éditions "Hoochie Coochie", et le mieux est encore de passer par le blog de la maison mère, juste ici.

Une maison sérieuse, la preuve, elle s'apprête à rééditer l'album de Mokeït "La chute vers le haut", un petit chef-d'oeuvre paru en 1987 dans la collection "X" de Futuropolis.


Dur-à-cuire
Scénario et dessin Gérarld Auclin
The Hoochie Coochie, 2014 –75 pages noir et blanc - 9 €

dimanche 2 février 2014

[Trompettes] - Le Fauve Polar SNCF 2014 à "Ma révérence" (Delcourt)

Cette fois, c'est la bonne pour Wilfrid Lupano ! Après avoir été sélectionné en 2013 pour le Fauve Polar, parrainé par SNCF (pour le tome 2 de "L'assassin qu'elle mérite", dessiné par Yannick Corboz), le scénariste décroche la timbale avec son compère Rodguen pour leur excellent "Ma Révérence", publié par Delcourt. Le Fauve Polar 2014 va donc à cette équipée un peu branque de Vincent Loiseau et Gaby Rocket, deux hommes prêt à se lancer dans le braquage pour aller jusqu'au bout de leur rêve. Une histoire vivante, humaine, qui a su séduire le jury et que Bédépolar avait également apprécié à sa sortie (ma chronique ici). Bien joué, les gars ! Merci à miss Clem, pour cette photo prise au moment de la remise des prix. 
Et une autre, tiens, prise la veille, sur l'espace polar SNCF, alors que le duo ne savait pas encore qu'il allait passer à la postérité... 
 Le site de Rodguen, c'est par là, et la page  Facebook de Lupano, par ici. 
Et en prime, recueillis par Laurence Le Saux  sur le site de Télérama, les commentaires de trois planches par les auteurs.

dimanche 26 janvier 2014

[Angoulême 2014] - Bédépolar repart à la chasse au Fauve Polar

Comme en 2013, Bédépolar a désigné un envoyé spécial - moi, quel bol ! - pour suivre la compétition officielle, surtout la sélection Polar, et ce Fauve en place depuis 2012 et parrainé par SNCF (non, j'ai pas oublié "la" : on dit plus "la" SNCF mais SNCF tout court, depuis quelques temps. Faut prendre le train de la modernité m'sieurs-dames). Alors, qui pour succéder à Simon Hureau ("Intrus à l'étrange", La Boîte à Bulles, 2012) et Anthony Pastor ("Castilla Drive", Actes Sud L'an 02, 2013) ? Au premier coup d'oeil, cela ne va pas être simple pour le jury, car les cinq albums en compétition sont tous de grande qualité. J'ai même parlé de quatre d'entre eux dans ces pages, c'est vous dire (oui, bon...). Voici la liste des heureux nominés :

Simon Roussin pour "Heartbreak Valley", aux éditions 2024 (le seul que je n'ai pas lu, mais il va falloir vite que je me rattrape), Benjamin Adam pour "Lartigues et Prévert" (La Pastèque), Lupano et Rodguen pour "Ma révérence" (Delcourt) Aaron et Guera pour le tome 8 de Scalped (Urban Comics / Dargaud) et Brüno pour "Tyler Cross" (Dargaud)
Tout ce beau monde défilera pour des rencontres avec le public sur l'espace polar SNCF, selon le planning suivant :
- Jeudi 30 janvier : 17h, Benjamin Adam
- Vendredi 31 janvier : 16h, Simon Roussin et 17h, Aaron et Guerra
- Samedi 1er Février : 16h, Brüno et 17h, Lupano et Rodguen

Et verdict dimanche en fin d'après-midi... et rendez-vous sur Bédépolar pour l'annonce du nom de l'heureux lauréat, juste après la proclamation officielle !



dimanche 19 janvier 2014

[Nouveauté] - Bonbons atomiques, d'Anthony Pastor (Actes Sud / L'an 02)

Sally Salinger s'entraîne au maniement des armes à feu : dans son métier, cela rassure les clients. Et puis, ces séances de tir, cela lui finira certainement par  la convaincre qu'elle l'exerce vraiment, ce métier de détective, dont elle est a hérité de son mari, disparu dans la nature... Ne manque plus qu'une affaire à résoudre pour assumer définitivement ce nouveau statut. Sally n'aura même pas à aller la chercher bien loin car elle se présente en la personne de Camilla Sweet, mère d'un copain de classe de son fils Jason. Car ce n'est pas pour les rfelations entre les deux ados - comme le pensait d'abord Sally - que Madame Sweet vient aborder madame Salinger dans les vestiaires du "Trituro Fitness." Non, c'est parce que madame Sweet soupçonne monsieur Sweet d'être sur le point de la tromper avec cette nouvelle assistante, qu'il vient d'embaucher. Voilà donc Sally Salinger sur sa première vraie enquête : un adultère à constater. Du classique pour une détective. Mais, en commençant à s'intéresser de près à la vie de Douglas Sweet, patron de la plus grosse entreprise de la ville, premier pourvoyeur d'emploi de la cité, et potentiel candidat à la mairie, Sally ne sait pas trop ce qu'elle va mettre au jour. Ni jusqu'où cela va la mener...
On retrouve dans ce "Bonbons atomiques", les personnages créés par Anthony Pastor dans "Castilla Drive", pour une histoire qui se déroule un an et demi après celle de ce premier titre, paru en 2012. Sally Salinger en est toujours la figure centrale, et est toujours cette mère de famille inquiète pour ses deux ados -  très présents dans cet album - et qui n'a que ce métier de détective, encore nouveau pour elle, pour s'en sortir. Elle peut aussi compter sur Oswaldo, son poète amoureux, homme aux ressources insoupçonnées, comme on s'en rendra compte au fil des pages. L'ombre de Robert Salinger, furtivement aperçu dans "Castilla drive", plane également : est-il définitivement parti ou faut-il s'attendre à un autre retour ? C'est dans ce décor familial somme toute pesant qu'Anthony Pastor vient injecter une intrigue où d'autres personnages tout aussi forts surgissent : Douglas Sweet, homme d'affaires avisé mais surtout tourmenté par le comportement de Gabriel, son fils, un ado qui lui échappe peu  à peu, et est plus passionné par le skate que par les affaires de son père. Camilla Sweet, femme de Douglas, celle qui va tout déclencher : une épouse perdue devant le comportement étrange de son mari, mais tenace dans sa quête de vérité. Et enfin, Gabriella, la jeune assistante de Douglas, une belle femme mystérieuse dont Sally va vite découvrir la double identité.. et bien plus encore. Tout ce beau monde va entrer dans une sarabande à l'issue plus qu'incertaine, et comme dans "Castilla drive", c'est le petit univers de Sally Salinger qui va se trouver bouleversé. 

Avec "Bonbons atomiques", Anthony Pastor développe intelligemment cet univers et prend encore plus son temps (l'album fait 100 pages de plus que le précédent !) pour rendre crédible les relations humaines qu'il décrit. Et c'est passionnant, car non seulement sa trame policière accroche le lecteur (avec comme fil rouge Gabriella et son passé) une vraie tension montant au fur et à mesure que l'on approche du dénouement, mais aussi réussit-il à susciter une vraie empathie pour tous ses personnages... même les moins sympathiques. Une fois de plus, Anthony Pastor se montre un admirable conteur, et prendre ses "bonbons atomiques", c'est comme être propulsé en plein Trituro, et s'attendre à voir débouler Oswaldo, le poète, prêt à nous payer  une bière pour refaire le monde. Ou Ray, le flic, nous demander ce qu'on fout là. On répondrait alors qu'on cherche Sally Salinger, une femme à qui on aimerait bien confier une enquête. Ou ses états d'âmes. 

Bonbons atomiques
Texte et dessin d'Anthony Pastor
Actes Sud / L'an 2, 2014 – 254 pages couleur -
21,80 €

samedi 11 janvier 2014

[Coup de fil] - Snapshot, par Diggle et Jock (Urban comics)

Jake Dobson fait du vtt au Golden Gate Park à San Francisco. La conduite sportive de son engin ne l'empêche pas de repérer dans l'herbe du parc, un truc qui brille. Un téléphone portable dernier cri. Jake s'arrête et le ramasse, avec dans l'idée d'y jeter un coup d'oeil plus tard. Là, l'urgence est plutôt de filer ouvrir la boutique de comics qu'il tient en l'absence de son patron. Et déjà, Steve, le plus fidèle client de "Nearmint Rhino" est là, à faire le pied de grue devant la librairie. Une conversation plus tard, le voici déjà parti, et c'est le moment que choisit Jake pour regarder de plus près ce portable high tech trouvé en chemin. Et là, c'est plutôt pire que dans les comics : dans la galerie de photos, un homme allongé sur le sol. Une balle dans la tête et un doigt coupé. Dobson n'hésite pas une seconde et prévient les flics. Un dénommé Warren, de la section homicides déboule bientôt et demande si quelqu'un d'autre a touché au téléphone. A ces mots, tel Peter Parker alerté par son sens de l'araignée, Jake flaire la question piège, le coup foireux... Il file par la porte de derrière et s'enfuit à toutes jambes dans la rue. Jake Dobson ne le sait pas encore, mais il va avoir beaucoup de monde à ses trousses dans les heures à venir...

 
Diggle et Jock sont les auteurs de la série survitaminée "Losers" (aussi chez Urban Comics) où des agents "black op" de la CIA sont lâchés par leurs patrons et luttent pour leur réhabilitation. Une série où l'action prime, et qui fut adaptée au ciné en 2010. Ce "Snapshot" fait aussi forte impression, côté rythme soutenu du récit et coup d'éclats graphiques : à partir du moment où le jeune héros empoche le mystérieux portable, c'est le début d'un engrenage infernal, qui va l'entraîner dans une histoire assez dingue, avec cadavres à la pelle. Mais si, visuellement le lecteur est vite happé par le dessin nerveux de Jock et son noir et blanc aux portes de l'angoisse, il l'est aussi, le lecteur, pris par l'histoire de Diggle : qui est ce cadavre vu par Jake ? Pourquoi un doigt coupé ? Qu'est cette mystérieuse société, seul contact dans le portable ? Une boite d'analystes financiers ? Mais depuis quand les banquiers emploient-ils des tueurs à gages ? Voilà le genre de questions qui vont déferler dans le crâne du pauvre Jake Dobson, et qui n'aura pas beaucoup de temps pour tenter d'y répondre. 

"Snapshot", comme le confesse Andy Diggle dans la postface de cet album, était à l'origine plutôt un scénario de film. Mais quand il l'a montré à Jock, celui-ci lui a répondu : "Tu sais, ça ferait un super comic-book ! J'adorerais le dessiner". Ces deux-là ont bien fait de s'entendre sur ce projet. Snapshot est en effet un superbe "one-shot". Et une vraie bande dessinée noire. C'est tout de même rare, du côté des "crime comics".

Snapshot
Scénario Andy Diggle et dessin Jock
Urban comics, 2013 - 144 pages noir et blanc - 15 €




mardi 31 décembre 2013

[Top 12] - La sélection 2013 de Bédépolar

Très attendue par mes nombreux-ses fans (levez la main que je puisse vous compter... Ah, 2 684 784, mais j'en ai vu qui ont levé les deux mains, l'habitude des braquages,peut-être ?), voici enfin la liste de mes albums préférés de l'année, versant polar, évidemment. Pour celles et ceux qui passent ici par hasard, sachez que ce classement est par ordre alphabétique éditorial inversé, (je sais, ça fait mal à la tête) et que je me suis arrêté aux 12 BD qui m'ont le plus plu, qui m'ont procuré le plus de plaisir, quoi. Si vous cliquez sur "la suite sur...", vous tombez soit sur une de mes chroniques, soit sur celle d''ami(e)s du noir en case. Bon, assez causé. Place au palmarès.


Revanche 2 - Société anonyme
Texte Nicolas Pothier et dessin Jean-Christophe Chauzy
Treize Etrange, 2013 – 48 pages couleur - 13,90 €

Alors voyons, commençons par ce qui se passe au dos de cet album. Le texte d'accroche est un peu mystérieux : "Je m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la justice sociale. Avec ou sans arme".... (la suite sur Bédépolar)


Chapeau Melon et Bottes de cuir
Scénario Grant Morrison et Anne Caulfield, dessins Ian Gibson.
Soleil, 2013 - 143 pages noir et blanc -20 €
Bon, alors celui-là, c'est vraiment pour les fans - comme moi - des Avengers périodes Emma Peel / Tara King. En deux histoires ("Le jeu d'or", par Morrison et "Arc-en-ciel mortel" par Caulfeld), nous voici replongés en plein dans l'univers de la série, et les auteurs ont vraiment respecté l'esprit de celle-ci. C'est pas difficile, on croirait "voir" deux épisodes inédits... Le dessin de Gibson en déroutera plus d'un(e) mais les  fans de Juge Dredd, (oui c'est lui aussi... parmi d'autres) apprécieront certainement sa version du trio de choc Steed / Peel / King. Sans oublier Mère-Grand... Pour les fans, je vous dis !


Lartigues et Prévert 
Textes et dessins de Benjamin Adam
La Pastèque, 2013 - 130 pages couleur - 23 €
Lartigues, c'est celui qui est barbu, enfin, plus pour très longtemps. Prévert, c'est celui qui est propriétaire de l'épicerie du bourg. Enfin, plus pour très longtemps non plus. Tous les deux ont l'air d'avoir comme des ennuis, et voilà pourquoi ils lâchent leur magasin, et essayent de se faire oublier, juste quelques jours, le temps que l'affaire se tasse. L'affaire ? Une histoire de cadavre ensanglanté, retrouvé dans le coffre d'une R12.... (la suite sur Bédépolar)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014


Crève saucisse
Scénario Pascal Rabaté et dessins Simon Hureau
Futuropolis, 2013 - 80 pages couleur - 17 €
Didier, artisan-boucher indépendant, est toujours aimable et avenant envers sa clientèle. Cependant, quand il n’y a personne dans la boutique et que sa femme Sandrine est allée faire des courses, il se déchaine dans le frigo de l’arrière-boutique, à coups de hachoirs, sur une carcasse de veau. « Crève, salaud ! ». Son fils Arthur le surprend dans cet état de rage. Didier se rattrape avec un « Crève saucisse » peu convaincant… (la suite sur Planète BD)


Silas Corey 1 et 2 - Le Réseau Aquila
Scénario Fabien Nury et dessin Pierre Alary
Glénat, 2013 - 64 pages couleurs - 14,95 €
Silas Corey est un brin détective, un poil espion, plutôt patriote mais attiré par l’argent, il oscille entre le statut de héros ou la casquette de l’escroc. Bref, c’est l’homme de toutes les situations ! À Paris, en pleine Première Guerre mondiale, le voilà qui enquête sur la disparition d’un reporter louche et d’un timbre recelant des secrets, à la fois pour le compte de l’opposant Georges Clemenceau et pour celui du 2e Bureau (les services secrets français). Et peut-être aussi pour une riche marchande d’armes, aux motivations obscures… (la suite sur Bodoï)


J'aurai ta peau Dominique A
Scénario Arnaud Le Gouefflec et dessin Olivier Balez
Glénat, 2013 - 54 pages couleur - 16 €
Ca ne va pas fort pour Dominique A. Le chanteur reçoit d’inquiétantes lettres anonymes et craint pour sa vie. Il tente d’aller trouver refuge et compassion auprès l’un de ses meilleurs amis, son collègue Philippe Katerine. L’idée d’utiliser un artiste réel et vivant, encore en activité — dont le dernier album, Vers les lueurs, est magnifique —, pouvait laisser dubitatif. J’aurai ta peau Dominique A enchante pourtant, grâce à une finesse, un réel sens du suspense et un humour contagieux... (la suite sur Bodoï)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014


Millenium 1 et 2 - Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
Scénario Runberg et dessins Homs, d'après la trilogie de Stieg Larsson
Dupuis, 2013 - 64 pages couleur chaque - 14,50 €
On a lu — et apprécié — la trilogie de Stieg Larsson, parue en Suède entre 2005 et 2007. Puis on a vu débarquer le film (suédois, puis américain), la série télé, et même le feuilleton radiophonique. De quoi se demander s’il y avait vraiment besoin de tirer de Millénium une bande dessinée… On a donc ouvert l’adaptation de Sylvain Runberg (au scénario) et José Homs (au dessin) avec méfiance, cherchant les signes attestant que le livre n’était qu’un produit dérivé sans âme, destiné à faire sonner le tiroir-caisse de l’éditeur. Aucun ne nous a sauté au visage. En quelques pages, on était replongé dans une histoire complexe, brutale, mystérieuse... (la suite sur Bodoï)

On dirait le Sud 2 - La fin des coccinelles
Scénario Cédric Rassat et dessinRaphaël Gauthey
Delcourt, 2013 - 64 pages couleur - 14,95 €
La PME locale qui s’apprête à licencier, le représentant syndical en pleine corruption, un demi-frère qui perturbe un enterrement, et un tueur en série qui rôde... L’atmosphère de cet été s’en trouve d’autant plus alourdie. Et pendant ce temps-là, les gendarmes tournoient au-dessus de la ville dans leurs hélicoptères, guettant les abus de consommation d’eau... (la suite sur Actua BD)


Tyler Cross
Scénario Fabien Nury et dessins Brüno
Dargaud, 2013 - 104 pages couleur - 16,95 €
A celui qui pourrait le prendre pour un autre, Tyler Cross rappelle volontiers son pedigree : "Je suis braqueur, pas trafiquant". Et peu importe qu'en face de lui se tienne le vieux Di Pietro, vieux parrain local de la mafia texane : Tyler Cross est du genre à ne pas se laisser emmener là où il n'a pas décider d'aller. Il accepte pourtant l'étrange contrat que lui propose le mafieux sur le déclin : s'emparer de 20 kilos d'héroïne en possession de Tony Scarfo, fils d'"un ami de Chicago - c'est même le filleul de Di Pietro - en échange de 150 000 dollars ....(la suite sur Bédépolar)

La colère de Fantômas 1 : Les Bois de justice
Scénario Olivier Bocquet ; dessin et couleur Julie Rocheleau
Dargaud, 2013 - 60 pages couleur – 13,99 €
21 août 1911. L'homme le plus célèbre et le plus redouté du moment est sur le banc des accusés : l'insaisissable Fantômas fait face à ses juges pour répondre du meurtre de Lord Bentham. Tout repose sur le témoignage de madame Flanquet, la respectable cuisinière des Bentham, et en particulier sur le fait que l'honnête femme ait immédiatement reconnu l'arme du crime, la broche à rôtir de l'office... Fantômas n'est bien entendu pas criminel à s'en laisser compter par le petit personnel, et, comme il est son propre avocat dans ce procès, il demande à avoir en main la fameuse broche... (la suite sur Bédépolar)

Canicule
Scénario et dessin Baru d'après le roman de Jean Vautrin
Casterman, 2013 - 104 pages couleur - 18 €
Aniello observe planqué dans un champ de blé Bogart enterrer une pleine valise de billets avant de croiser la route d'Al Capone filochant Bogart à bord d'une décapotable blanche. Nous sommes en pleine Beauce sous une chaleur caniculaire et tous ces personnages ne sont pas des mirages mais des surnoms distribués allègrement par Chim, jeune adolescent battu par son beau-père dans une ferme où tous sont d'étranges personnes... (La suite sur k-libre.fr)


Mon ami Dahmer
Scénario et dessins Derf Backderf
ça et là, 2013 - 222 pages noir et blanc - 20 €
Derf Backderf : derrière ce nom étrange se cache un journaliste et cartooniste qui délivre une bande dessinée autobiographique un brin particulière. L'auteur relate sa dernière année d'études dans une petite ville de province américaine avant de partir pour l'université, et s'attache à dépeindre l'un de ses camarades de classe, Jeffrey Dahmer, qui deviendra l'un des pires serial killers des États-Unis. Le "Cannibale de Milwaukee" tel qu'on le surnommera a en effet vécu une enfance, et il est intéressant d'essayer de déterminer à quel moment l'enfant devenu adulte se transforme en bête immonde et meurtrière... (la suite sur k-libre.fr)
A noter : album en course pour le prix  SNCF du polar BD 2014

dimanche 15 décembre 2013

[ça va cogner] - Revanche, prénom : Thomas. L'ange purificateur (économique) de Pothier et Chauzy...

Alors voyons, commençons par ce qui se passe au dos de ces deux albums. Le texte d'accroche est un peu mystérieux :
"Je m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la justice sociale. Avec ou sans arme".
Quant au dessin qui accompagne cette entrée en matière, que raconte-t-il ?
On y découvre le dénommé Revanche, bien droit sur le trottoir, une clope à la main, dans un costume bleu impeccable, et une coupe de cheveux qui ne l'est pas moins. Une tête, à lunettes, de premier de la classe : ça, c'est pour le premier boulot. Mais il y a forcément autre chose, et elle se trouve de l'autre côté de la rue, là où le regard de Revanche se pose, : la vitrine du bouquiniste "Les Raisins de la colère".
En fait, c'est la porte de cet endroit chargé de livres, et de sens, que viennent franchir les outragés de la société, celles et ceux qui sont broyés par un patron, un chef de service, un collègue harceleur... et qu'ils viennent prononcer la phrase magique : "Bonjour, je viens prendre ma revanche". Et là, Thomas entre en scène pour son deuxième boulot, celui qui lui permet de se faire un pourfendeur, à coups de poing, d'un monde du travail vraiment trop pourri. Et franchement, on peut se dire que ça fait du bien de voir enfin quelqu'un défendre la cause du peuple d'une manière aussi radicale...
En douze histoires courtes (chaque album en contient six) de huit pages chacune, Nicolas Pothier et Jean-Christophe Chauzy font intervenir son "héros" contre, entre autres, un fabricant de silicone douteux, des exploiteurs de travailleurs sans papiers, un flic harceleur conduisant une collègue au suicide, un patron qui vide son usine le week-end pour la reconstruire en Chine, un marchand de sommeil abusant de la faiblesse d'une vieille dame... N'en jetez plus, on se croirait au 20 heures (enfin, je sais pas, le 20 h, ça fait longtemps que je regarde plus, vu la manière dont sont traités les sujets, mais je m'égare...), en tous cas dans les pages "société" de la presse nationale... ou locale.
Le tour de force du duo est de rendre ces histoires tout à fait crédibles... car tout droit sorties de notre quotidien. L'idée de génie est d'appliquer les codes du récit de super-héros (double identité, volonté de lutter contre le mal, tiraillements psychologiques...) au monde impitoyable du travail, mondialisé, inégalitaire et anxyogène... Et tous ça sans que la lecture de ces scènes de la vie ordinaire, ne poussent le lecteur au suicide. Au contraire ! Les baffes bien senties de Thomas Revanche à ses "victimes", les humiliations qu'il fait sentir aux exploiteurs à la petite semaine, aux chefaillons de tous poils, ont un effet revigorant. Cela fonctionne car c'est intelligent dans la dénonciation du monde de l'entreprise tel qu'il est - et non tel qu'il voudrait nous faire croire qu'il est - et qu'il y a une part d'humour distancié dans les réflexions pour lui-même de Thomas Revanche. Une ironie constante, dont on sent bien que c'est un rempart pour ne pas craquer, lui aussi. Quant au dessin de Chauzy, il est parfait, en particulier quand il s'agit de faire exprimer tous les sentiments par lesquelles passent bourreaux et victimes lorsqu'ils croisent la route de Thomas Revanche... ou avant.
Voilà. C'est bientôt Noël : vous savez ce qu'il vous reste à faire. Appeler Thomas Revanche pour lui dire de faire un tour du côté de ce super marché, pas loin de chez vous, ouvert jusqu'à 22 heures mardi 24 décembre, et de demander au patron comment il paye son Père Noël. Ou lui offrir ces deux tomes de Revanche. Il comprendra peut-être. Ou pas. Mais il ferait bien de se méfier.

Revanche
Texte Nicolas Pothier et dessin Jean-Christophe Chauzy
1 - Raison sociale
2 - Société anonyme
Treize Etrange, 2012 et 2013 – 48 pages couleur chaque - 13,90 €



samedi 7 décembre 2013

[Conan Doyle revisité] - Scotland Yard 1 et 2, par Dobbs et Perger (Soleil)

Londres, 1890. Au cours d'un transfert de prisonniers, supervisé par le talentueux inspecteur Tobias Gregson, deux détenus particulièrement dangereux, car particulièrement dérangés du cerveau, se font la belle. Coup dur supplémentaire pour Gregson : son fidèle second, Bradstreet, n'a pas survécu au guet-apens qui a permis l'évasion des deux aliénés mentaux. Et pour achever définitivement Gregson, son supérieur, Lestrade, lui conseille de démissionner et de ne plus mettre les pieds au Yard... Mais Gregson ne se laisse pas abattre comme cela et va tout faire pour retrouver les deux évadés. Il est secondé dans cette quête quasi impossible par une étrange équipe composée du docteur Seward, psychiatre, de 
Faustine Clerval, son assistante au charme troublant, et de Wiggins, un gamin des rues, qui eut autrefois un autre patron : Sherlock Holmes. Ils ne seront pas de trop pour une traque qui va les conduire aux confins de la folie humaine... 

Vous l'aurez compris, ce Scotland Yard-là est bourré de références et clins d'oeil aux figures légendaires de l'âge d'or du roman policier anglais. On retrouve ainsi des personnages qui firent la renommée de Conan Doyle, comme Wiggins ou Lestrade, dans une histoire qu'il n'aurait certainement pas reniée. Pour faire bonne mesure, Dobbs convoque même Bram Stoker, en observateur de l'enquête menée par Gregson et son trio de choc : tout cela est jubilatoire, d'autant plus que le scénario, avec ses deux chasses à l'homme successives, une par tome, fonctionne très bien et va crescendo vers une certaine forme de terreur. Car il y a aussi un petit côté fantastique, dans ce diptyque, et c'est en fait toute la collection "1800" qui revisite ainsi sous cet angle les classiques de la littératures du XIXème. Et si Scotland Yard fait certainement partie des meilleurs titres de "1800", c'est sans aucun doute possible aussi grâce aux superbes planches de Stéphane Perger (son blog ici) qui sait faire surgir l'inquiétude à tout moment. Le dessinateur allie à un sens du cadrage faisant réellement écho au scénario, une palette de couleurs idéale pour restituer l'atmosphère poisseuse des bas-fonds londoniens, la moiteur d'une cave abandonnée, ou encore les souvenirs terrifiés d'un jeune garçon persécuté. Perger s'autorise des débordements de cases, des doubles planches, qui font tous sens, et c'est un vrai régal pour l'oeil. On ne sait, à la fin du second tome, si on retrouvera Tobias Gregson et ses acolytes, mais ce qui est certain, c'est qu'ils mériteraient une plus longue carrière que cette première affaire, vraiment intéressante.

Scotland Yard
Scénario Dobbs et dessin Stéphane Perger
1- Au coeur des Ténèbres
Soleil, 2012 - 56 pages couleurs – Collection Quadrants / Boussole
13,95 €
2 - Poupées de sang
Soleil, 2013 - 56 pages couleurs – Collection Quadrants / Boussole
13,95 €