Dans
la grande famille du polar en cases, je confesse un goût de plus en
plus prononcé pour les crime comics, qu’ils
nous viennent de l’Oncle Sam, ou de Sa Majesté la Reine.
Redynamisés et réinventés par Moore et Miller à l’aube des
années 90, ces comics n’ont cessé de gagner en qualité graphique
et audace scénaristique, et depuis quelques années, un
nouveau rameau est apparu : un croisement
des genres où le Noir se teinte de
fantastique, SF, gore… pour des résultats souvent
intéressants, parfois superbes, mais rarement quelconques. Et
c’est un bonheur de voir que les éditeurs français
suivent, et n’hésitent pas à traduire ces séries qui
sortent du polar le plus pur tout en gardant les codes. Parmi
celles-ci, trois sont parues récemment chez Glénat Comics. Trois
premiers tomes.
Paru
en septembre dernier, Never Go Home, de
Rosenberg, Kindlon et Hood, revisite tout à la fois le récit de
cavale et le récit initiatique, avec en toile de fond la question
existentielle : avoir des super-pouvoirs, c’est une aubaine ou
une malédiction ? C’est à quoi tentent de répondre comme
ils le peuvent les deux jeunes « héros » de La
cavale de Duncan et Maddie, obligés de tout laisser
derrière eux et de s’embarquer dans une errance sur les routes de
l’Amérique de 1989. Douée d’une force surnaturelle quand elle
est en état de stress intense, assortie d’une capacité à
détourner les balles, Maddie se laisse guider par Duncan, le pauvre
type du lycée, lui aussi « différent », dans une cavale
où deux chasseurs les pistent : les forces de l’ordre et
celles d’un mystérieux Monsieur Caroll, qui semblent en savoir pas
mal sur leur compte. Ce premier tome trépidant a même sa bande son,
omniprésente : les titres des chapitres sont des morceaux
fétiches de Duncan, tous issus de groupes de la scène hardcore-punk
underground de ces années-là et c’est avec joie qu’on retrouve
les Bad Brains, Replacements, Germs et autre Hüsker Dü.
Tenez,
je ne résiste pas à vous mettre un extrait de la mixtape de Duncan
à Maddie…
En
matière de croisement de genres, Black Magick de
Rucka et Scott lorgne lui carrément du côté des sciences
occultes puisque le personnage principal de la série, Rowan Black
est certes flic à Portsmouth, elle n’en est pas moins sorcière en
dehors des heures de service. « Tout est une histoire de
vocation » annonce ironiquement la quatrième de couv’,
mais on ne rigole pas trop à Porstmouth : un preneur d’otages
illuminé s’immole après avoir demandé à parler exclusivement à
Black, et le cadavre d’un tueur impuni est repêché du fleuve,
sérieusement abîmé et avec une main en moins… La brigade
criminelle de la ville s’y perd un peu, mais Rowan Black se garde
bien de dévoiler ce qu’elle pense être la vérité : on a
découvert son identité de sorcière et on veut la détruire, elle,
et ses semblables. Car des sorcières, il y en a d’autres, dans
cette Amérique profonde… Faire revivre au XXIème siècle les
croyances ancestrales sur des pouvoirs surnaturels détenus par des
Elu-e-s, le pari était osé, et il tient assez bien la route, car ce
premier opus – intitulé Le Réveil – reste
assez sobre en matière d’effets visuels, réservant la couleur aux
passages les plus éminemment fantastiques ; tout le reste de
l’album est dans une bichromie dominée par le gris. Le scénario
de Greg Rucka est lui aussi suffisamment charpenté pour qu’un vrai
suspense soit installé autour d’un double défi pour son héroïne :
découvrir qui sont ses véritables ennemis et… réussir à
dissimuler sa double vie. La suite au prochain numéro.
La
plus originale des trois séries de cette chronique demeure
certainement The Beauty, dont le tome 1
Contamination est vraiment prometteur. Dès la
première page, le décor est posé :
Le
problème de cette sympathique maladie qui embellit votre corps, c’est qu’un effet assez radical va bientôt faire son
apparition : au bout d’une longue période, le malade meurt.
Par combustion interne. C’est assez spectaculaire… Alors, quand
les flics enquêtent sur les premières morts liées à la maladie,
ils ne comprennent pas trop à quoi ils ont affaire. Et puis, très
vite, les scientifiques pointent le bout de leurs masques et gants de
protections, et le duo d’enquêteurs du FBI affecté à l’affaire
va comprendre que d’autres intérêts que la recherche de la vérité
sont en jeu. Et que la santé de l’espèce humaine ne vaut pas cher
face à la puissance de l’industrie pharmaceutique. Derrière
l’enquête, ce sont bien des questions éthiques que posent les
scénaristes Jason A. Hurley et Jeremy Haun . Sans oublier de raconter
une histoire prenante dès le départ, magnifiée par les
images-chocs de Haun, aussi dessinateur de la série. Une fois les
premières pages lues, impossible de lâcher The Beauty ...
Never
go home ***
1
- La Cavale de Duncan et Maddie
Scénario
Matthew Rosenberg et Patrick Kindlon ; dessin Josh Hood
Glénat
comics, 2017 - 160 pages couleurs - 15,95 €
Black
Magick ***
1
-Réveil
Scénario
Greg Rucka ; dessin Nicola Scott
Glénat
comics, 2017 - 160 pages couleurs - 15,95 €
The
Beauty ****
Tome
1 – Contamination
Scénario
Jason A Hurley et Jeremy Haun ; dessin Jeremy Haun
Glénat
comics, 2018 - 160 pages couleurs - 15,95 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire