J’ai
lu pas mal d’albums vraiment bons ces derniers mois, sans avoir
hélas eu le temps de vous en parler. Petite séance de rattrapage
en, voyons, quatre (?) parties pour bien finir l’été.
Commençons
par Futuropolis, dont le catalogue propose régulièrement des
pépites et n’hésite jamais à prendre des risques, tout en
suivant ses auteurs et séries phares.
Dept.
H, de Matt Kindt (avec aux couleurs Sharlene Kindt) est
directement à faire entrer dans cette catégorie. Sous-titré
« Meurtre en grand profondeur », voici un récit
captivant, en quatre tomes, dont les deux premiers sont déjà parus.
L’histoire ? Un meurtre a été commis en pleine station
sous-marine scientifique, à 11 kilomètres de la surface. Et la
victime n’est autre que le concepteur de la base, Hari Hardy, un
savant un peu rêveur mais à l’optimisme inébranlable. Et c’est
Mia, sa fille, qui est envoyée pour essayer de comprendre ce qui
s’est passé… Elle va vite se rendre compte que les sept
occupants de la base – parmi lesquels figure le coupable – ne
sont pas vraiment coopératifs et qu’il va lui être très
difficile de faire éclater la vérité, voire tout simplement de
survivre dans des abysses… Matt Kindt (dont on a vu tout le talent
dans le superbe Du sang sur les mains ) réussit à
croiser plusieurs genres dans ce foisonnant comics : le récit à
suspense, bien sûr, avec cette enquête en huis-clos avec ses
suspects à la Agatha Christie, aux rebondissements minutés, le
récit psychologique, avec ces tranches du passé de chacun qui
remontent petit à petit à la surface, et le récit d’espionnage
scientifique en toile de fond… Très bien mené du point de vue
narratif, Dept. H est aussi une exploration graphique des haut-fonds
étonnante… et flippante. Le troisième tome sort le 13 septembre,
et on approche donc du dénouement de cette série originale.
C’est
justement le tome final de Car l’Enfer est ici
dont le
cinquième et dernier volume – intitulé 11
septembre , vient clore un
récit qui aura tenu ses fans en haleine depuis… 2011, date de
parution du premier album de cette suite
du Pouvoir des innocents. Ce
second cycle, écrit par Luc Brunschwig et
dessiné par le tandem Laurent Hirn-David Nouhaud,
met en lumière – si on peut dire – le personnage de Joshua
Logan, soupçonné d’être le principal suspect d’un attentat
ayant entraîné la mort de plus de 500 enfants et Steve Providence,
le boxeur-prophète adulé des foules… Au fil des tomes, rythmé
par chapitres chronologiques du 8 mai 1998 au 11 septembre 2001,
c’est une assez fascinante tranche de vie américaine – et
mondiale – que les auteurs invitent à lire. Un récit choral et
politique, qu’il vaut d’ailleurs mieux lire d’un bloc pour en
saisir toute la saveur, et qui s’achève donc par le procès de
Joshua Logan, à la veille du 11 septembre 2011. Et Brunscwhig boucle
de « belle » manière ce second cyle en appliquant
réellement son crédo : «
...le
genre de BD que j’ai envie de faire, c'est-à-dire une BD
distractive mais avec une totale implication personnelle. Le fond
politique n’est pas juste là pour habiller l’histoire. J’ai
vraiment essayé de capter « la marche du monde» en écrivant cette
histoire, mais pas juste en m’imprégnant des théories des
analystes reconnus. J’ai vraiment voulu identifier de mon point de
vue les problèmes de la relation entre le pouvoir étatique et
l’individu … (propos sur le site de Futuropolis).
Cet
ultime tome est dessiné entièrement par Laurent Hirn, sur des
décors de Annelise Sauvêtre.
Et
pour finir ce petit tour du côté de chez Futuro, une vraie curiosité : Avec
Edouard Luntz, le cinéaste des âmes inquiètes. de Nadar
et Julien Frey. Le bandeau promo joue bien son rôle, et intrigue avec
cette accroche : « Pour Michel Bouquet, c’est un des
plus grands cinéastes français. Pourtant, personne ne le connaît ».
Le cinéaste en question c’est donc Edouard Luntz, et Julien Frey
lui rend un bel hommage en tentant de le faire sortir de l’oubli.
Lui-même avait presque oublié qu’il avait rencontré le
réalisateur, et il faut qu’il retombe sur un 45t de Gainsbourg, Les coeurs verts, musique d’un film de Luntz, pour
que tout lui revienne en mémoire. A l’époque de leur rencontre,
Luntz avait affirmé au jeune homme, alors étudiant en cinéma, que
sa carrière avait été brisée par Daryl Zanuck, qui avait fait
disparaître son film, Le Grabuge. Et bien des années
après cette rencontre, Julien Frey constate qu’aucun des films de
Luntz n’est visible. Il part donc à leur recherche...
On
le comprendra : cet album n’est pas à ranger dans la case
polars, car il s’agit plus d’une quête personnelle que d’une
enquête à proprement parler. Mais elle est tout autant prenante,
car elle est semée d’embûches – quel périple, par exemple,
pour réussir à voir Le Grabuge ! - et elle
plonge son lecteur au coeur de l’histoire du cinéma en général
et de celle d’un auteur singulier en particulier. Une fois la
dernière page tournée, l’envie est grande d’essayer de voir à
son tour Le Dernier saut, les Coeurs verts, ou encore L’humeur
vagabonde, ce film où Michel Bouquet interprète une vingtaine
de rôles !
L’hommage
est donc réussi, et Nadar, dessinateur espagnol (auteur des très
bons Papiers froissés et Salud !, chez Futuro aussi) apporte
grandement sa pierre à l’édifice avec son dessin souple et
précis, dans un élégant noir et blanc.
Next stop : Delcourt (James Bond, Kill or be Killed, Le vendangeur de Paname)
Dept.
H, tomes 1 et 2 ****
Scénario
et dessin Matt Kindt, couleurs Sharlene Kindt
Traduction
de Sidonie Van Den Dries.
Futuropolis,
2018 - 160 pages couleurs – 22 €
Car
l’enfer est ici – Tome 5 – 11 septembre ***
Scénario
Luc Brunschwig et dessin Laurent Hirn
Futuropolis ,
2018 – 80 pages couleur – 17 €
Avec
Edouard Luntz, le cinéaste des âmes inquiètes ****
Scénario
Julien Frey et dessin Nadar
Futuropolis,
2018 – 182 pages noir et blanc – 23 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire