Donald Fraser, prince des phraseurs de la petite cité de Bibelosse, est retrouvé mort, au fond d'un puits. L'homme, infirme en fauteuil roulant, semble avoir laissé un indice sur le sol en inscrivant "ETC" avec les roues de son fauteuil. Tout le monde se perd en conjectures sur les motifs de cette mort soudaine : un suicide ? Un assassinat ? Mais dans ce dernier cas, qui pouvait bien en vouloir à l'esprit le plus brillant de la communauté ? Lui qui le matin même avait remporté une des ces joutes oratoires publiques qui font la fierté des villageois. L'arrivée d'un policier sur les lieux balaye ces premières interrogations : il s'agit bien d'un meurtre. L'inspecteur Edgar Sandé affiche toute de suite une détermination qui impressionne les autochtones : "Je vous préviens : le coupable sera retrouvé fissa. Aucune affaire ne me résiste". Et l'enquête commence, auprès d'habitants pour le moins étranges, dans une cité qui semble bien avoir des secrets... Une cité uniquement composée d'écrivains ! Une découverte qui laisse l'inspecteur pantois : "Pourquoi pas de garagistes ou de garçons-coiffeurs, tant que vous y êtes ?". La partie s'annonce plus compliquée que prévue pour Edgar Sandé...
D'entrée de jeu, François Ayroles annonce la couleur, avec une première planche où les noms des deux enseignes peintes sur deux camions, apparaissent d'abord dans des détails successifs des lettres qui les composent, puis, tronqués à la troisième case, "ABC", et "DEF", deviennent à la quatrième "ABO" et "DEA". Deux détails des mots "Laboratoire" et "Bandeaux ", sur deux véhicules qui vont manquer se percuter la page suivante... à un carrefour en forme de "Y". Trompe l'oeil, et cases à déchiffrer : voilà qui va durer les 71 pages de cet album, qui s'ouvre sur un "A" et se conclue, comme il se doit, sur un "Z".
D'entrée de jeu, François Ayroles annonce la couleur, avec une première planche où les noms des deux enseignes peintes sur deux camions, apparaissent d'abord dans des détails successifs des lettres qui les composent, puis, tronqués à la troisième case, "ABC", et "DEF", deviennent à la quatrième "ABO" et "DEA". Deux détails des mots "Laboratoire" et "Bandeaux ", sur deux véhicules qui vont manquer se percuter la page suivante... à un carrefour en forme de "Y". Trompe l'oeil, et cases à déchiffrer : voilà qui va durer les 71 pages de cet album, qui s'ouvre sur un "A" et se conclue, comme il se doit, sur un "Z".
Entre temps, c'est plus à une invitation à un voyage ludique au pays des mots, de la littérature et des figures de styles, qu'à une enquête policière que nous convie l'auteur : ses personnages ont les traits d'écrivains, évidemment pas choisis au hasard. Ainsi, Pérec est là, sous le nom de "Georgs", et pour lui, la disparition n'est ici, pas seulement celle du "E" , mais celle de la parole, puisqu'il est muet et ne s'exprime que sur les murs de la ville. L'inspecteur a les traits de Simenon, et on reconnaît aussi Séraphin Lampion, qui est ici "le doc", et qui cherche à vendre, non pas des assurances, comme son original hergéen, mais des guides en tous genres, qu'il trimballe avec lui dans une espèce de bibliothèque portative à bretelles...
On croise bien d'autres individus remarquables dans cette affaire, et c'est un vrai régal de voir l'inspecteur Sandé, s'embourber dans une enquête où il n'y comprend pas grand chose, car il est tombé dans un milieu de lettrés, dont le vocabulaire lui échappe parfois. Sa visite à l'imprimerie du village en est le meilleur exemple, et le lecteur assiste à un magnifique dialogue de sourds, un de ces nombreux passages jubilatoires de l'album. L'enquête progresse suit donc ces rails, et finira par aboutir, car il y a bien un meurtrier dans cette affaire, mais vous l'aurez compris : c'est bien dans ce fourmillement d'allusions, ces clins d'oeil, cette construction ludique, à la fois dans la narration comme dans la mise en page, que réside la très grande richesse de ce polar complètement hors-norme. Tellement riche qu'on n'a qu'une seule envie : s'y replonger pour y traquer les indices disséminés avec malice par François Ayroles. Si vous ne restez pas hermétique à l'entreprise, "Une affaire de caractères" est un vrai régal. Et pour moi, une des bandes dessinées de l'année.
Une Affaire de caractères ****
Texte et dessins François Ayroles
Delcourt, 2014 - 72 pages couleur - 16,95 €
Une Affaire de caractères ****
Texte et dessins François Ayroles
Delcourt, 2014 - 72 pages couleur - 16,95 €
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