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dimanche 9 janvier 2022

Mes albums préférés de l’année 2021 [2/3] – Contrapaso (Dupuis) / Moi menteur (Denoël) / No Body (Soleil) / Esma (Sarbacane)

 Hop, on traverse l’Atlantique, pour la suite de mon mini polar-trip des meilleurs albums de l’année . Trois étapes, quatre albums.

En Espagne, les années Franco ont suscité de nombreux récits et bandes dessinées, au fil des années, des archives ouvertes et de la parole libérée. Teresa Valero, dans le premier tome de Contrapaso, les Enfants des autres, a choisi le Madrid des années 50 pour y situer son histoire à elle, et y aborde aussi bien les journaux clandestins écrits par des femmes en prison, la liberté de presse étouffée par une censure terrible , les pratiques médicales proche de l’eugénisme, une grève universitaire… entre autres ! Cela pourrait être foutraque, c’est en fait foisonnant et parfaitement raconté, par le biais d’une enquête journalistique d’un duo improbable de deux reporters affectés aux faits divers dans leur quotidien : Sanz, un vieux brisquard phalangiste repenti et Lenoir, un jeune français idéaliste. Sa cousine Paloma dessinatrice de presse et de BD complète le trio et à eux trois ils vont éclaircir le mystère de meurtres tous liés au passé sombre et récent de leur pays. Mais reste encore l’énigme de ces femmes assassinées par un la main d’un seul homme, une affaire qui obsède Sanz depuis 17 ans. Un album captivant de bout en bout.

L’Espagne d’Altarriba et Keko n’en est pas moins malade et perturbée dans Moi, menteur, dernier volet de la  Trilogie du Moi , après Moi,assassin,où l’on suivait le parcours d’un tueur en série ayant érigé le meurtre au rang d’oeuvre d’art et Moi, fou, celui d’un docteur en psychologie inventeur de pathologie finalement broyé par le Big Pharma. La politique n’était jamais bien loin des deux premiers récits, elle est cette fois centrale dans Moi, menteur, puisqu’on suit le parcours d’Adrián Cuadrado conseiller en communication du parti au pouvoir qui lui a fait de la corruption et de la manipulation son mode de fonctionnement naturel. Comme  dans les deux précédents opus, tout se passe à Vitoria, théâtre de toutes les turpitudes humaines nécessaires pour arriver au sommet, et garder le pouvoir. Mais quel sommet, et surtout, à quel prix ? Ces désespérants parcours de vies sont de parfaits repoussoirs à notre monde actuel et de vrais appels à ne pas suivre ces voies-là. Côté graphisme, le noir et blanc, parsemé au fil des page de fulgurances de vert (après le rouge et le jaune des deux tomes précédents) est sublime. Et cette Trilogie du moi une œuvre majeure du Neuvième Art, rien de moins ! 


Passons en Italie où Le Berger vient conclure la trilogie de la deuxième saison de la série No Body de Christian de Metter. Cette histoire avait débuté dans les deux précédents tomes par le rapt d’une fillette dans l’Italie des années de plomb. L’enquête est confiée au commissaire Gianni Sordi et à son équipe, qui remontent vite à l’identité de la victime : Gloria Agnello Strozzi, fille de juge d’instruction chargé d’affaires politiques et petite-fille du « Baron Rouge », « quelqu’un d’important et de riche », comme le rappelle le patron de la police à Sordi. Les raisons de s’en prendre aux Agnello Strozzi ne manquent donc pas… et les exigences des ravisseurs ne vont pas tarder à arriver : la liberté de Gloria contre celle de jeunes gauchistes exaltés d’un des nombreux groupuscules du moment. Mais cela va se compliquer pour tout le monde quand la monnaie d’échange s’échappe, et que d’autres protagonistes entrent dans la danse au fil des albums. Et toute la science narrative de De Metter entre alors en action pour un ballet de personnages fascinants : deux frères jumeaux footballeurs, jouant l’un pour la Roma et l’autre pour la Lazzio, les clubs ennemis de la capitale, un spécialiste de la prise d’otage, un tueur à gage sosie d’Elvis, et évidemment, le mystérieux « M. Nobody » qui semble tirer les ficelles... La conclusion de ce récit sombre, au suspense grandissant est à la hauteur des attentes et le tout dessiné avec le trait réaliste de De Metter, qui a toujours ce talent incomparable pour exposer les émotions de ses personnages, et cet art du cadrage pour n’importe quel type de scène.

La Suisse n’est pas loin ? Allons-y et retrouvons Iwan Lépingle. Après les étendues du Grand Nord (Akkinen : zone toxique) et les méandres du plus grand fleuve de la Russie (Une ile sur la Volga), c’est du côté des bords du lac Léman que l’auteur nous entraîne dans Esma. Pour plus de quiétude ? Pas vraiment… Car derrière les murs du domaine des Arcets, et de la Villa Matsuo précisément, se déroule un drame que ses auteurs auraient certainement voulu plus feutré. Mais pas de chance, le double-meurtre qui vient d’avoir lieu a une témoin : Esma, jeune turque sans-papiers, qui trouve refuge chez son amie Audrey à qui elle révèle tout. C’est le point de départ d’une intrigue prenante mêlant médias, police et... sentiments amoureux. Comme dans les précédents albums de l’auteur, c’est tout autant l’aspect psychologique des personnages que la résolution du crime qui font mouche, et les démons du passé qui vont ressurgir font tout autant de mal que les coups de feux dans la nuit. Le tout dans une ambiance nocturne et mystérieuse suggérée dès la couverture (superbe !), et qui s’exprime par le bleu dominant choisi par Iwan Lépingle pour les pages d’Esma. Un troisième album vraiment réussi, une fois de plus !


Contrapaso 1 – Les Enfants des autres

Scénario et dessins Teresa Valero

Dupuis (Aire Libre) – 152 pages couleur – 23 €

Moi, menteur

Scénario Antonio Altarriba, dessins Keko

Denoël Graphic – 162 pages noir et blanc (et vert) – 21,90€

No Body – Saison 2, tome 3 : Le Berger

Scénario et dessins Christian De Metter

Soleil (Noctambule) – 108 pages couleur – 17,95 €

Esma 

 Scénario et dessin Iwan Lépingle

Sarbacane, 2021 - 160 pages quadri –22,50 €

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