Les
continuateurs, repreneurs, pasticheurs, imitateurs, et autres
admirateurs de Sherlock Holmes sont légion. Benoit Dahan et
Cyril Lieron débarquent à leur tour et leur Dans
la tête de Sherlock Holmes les place d’emblée tout en
haut de la liste des meilleurs hommages au personnage de Conan Doyle.
Double réussite que cette Affaire du ticket scandaleux :
narrative, car on croirait cette intrigue à base de disparitions
suite à un mystérieux spectacle chinois tout droit sortie du canon
holmésien et graphique, avec cette extraodinaire mise en pages et
en images de l’enquête. Chaque page est source d’émerveillement
tant l’inventivité visuelle saute aux yeux, et surtout, tant elle
fait véritablement sens : on suit, fasciné, réellement
(car il est matérialisé de page en page) le fil rouge des pensées
du détective et chaque observation, chaque réflexion, chaque
déduction, chaque étape du périple dans les rues de Londres,
chaque interrogation de témoins, sont illustrés par une mise en
page en rapport direct avec l’ébullition des cellules grises de
Holmes. D’entrée, son cerveau fertile est présenté en coupe,
comme une planche d’anatomie ou le schéma d’une mécanique
complexe. Cela donne un premier tome – car il faut bien deux
volumes pour résoudre cette affaire – étonnant, foisonnant,
déroutant, rafraîchissant… en un mot : brillant. Et
assurément un des albums de l’année (Ankama).
Et
du côté des reprises, impossible de passer à côté de Mais
où est Kiki ? Non, ce n’est pas la voisine qui
a perdu son Pékinois à poil ras, ni un remix par David Guetta du
Youki de Gotainer, mais bien la nouvelle aventure des vétérans Tif
et Tondu, et quelle aventure ! Ce retour signé Blutch,
sur un scénario de son frère Robber, est clairement un
hommage à une série qui a les a marqués, et leur reprise est
ébouriffante. Au coeur des années 70, on découvre, subjugué, le
chaînon manquant et inédit entre Tif rebondit ,
de Rosy, et L’ombre sans corps , de Tillieux. Ou mieux,
juste après la première apparition de Kiki, dans Tif et
Tondu contre le Cobra, puisque la délicieuse comtesse Amélie
d’Yeu, alias Kiki, est la vedette de cette reprise. Vedette
invisible, car enlevée, disparue, évanouie… Dupuis n’a pas
hésité sur les éditions pour ce Tif et Tondu hors-norme : une
première version en trois « cahiers Tif et Tondu », puis
version noir et blanc en décembre pour Angoulême 2020, la version
couleurs… Que demande le peuple ? Un supplément ? Le
voici, en guise de cerise sur le gâteau : une novella
L’antiquaire sauvage , qui
met en scène les deux héros, « justi-romanciers » comme
ils s’autoproclament, dans une enquête échevelée dans le milieu
de l’Art et des faussaires… Et s’il fallait d’ailleurs
commencer par quelque chose, c’est bien par ce court roman :
il met immédiatement dans le bain car l’esprit et le ton « Tif
et Tondu » sont bien là et l’intrigue est digne de Tillieux
Suprême délice : l’épilogue n’est ni plus ni moins que ce
qui se passe dans les premières pages dessinées par Blutch. La
boucle se boucle et il n’y a plus qu’à se laisser entraîner
dans l’aventure (Dupuis)
Et
pour finir cette sélection, place aux « immortels »
annoncés das le titre de cette chronique…
Les Sanson et
l’Amateur de souffrances s’inspire
de l’histoire
des Sanson, la dynastie
de bourreaux la plus célèbre de l’Histoire de France et
qui débute en 1675, quand
Charles Sanson épouse Marguerite Jouënne, elle-même fille de
bourreau. Une union assortie
d’un double couperet :
Charles hérite
du métier de son beau-père, mais aussi d’une malédiction
terrible, qui prend elle la forme d’un homme sinistre mystérieux,
l’ Amateur
de souffrances. Un individu dont personne ne connaît le nom, mais
dont Charles mesure très vite l’étendue des pouvoirs : en se
nourrissant des douleurs intenses des suppliciés, par la simple
vision du spectacle des châtiments et exécutions publics,
l’Amateur rajeunit littéralement de plusieurs dizaines d’années…
Depuis
ce point de départ original, Patrick Mallet et Boris
Beuzelin se sont lancés dans une étonnante et passionnante
saga, à la fois historique (les Sanson ont existé) et fantastique,
avec ce personnage de l’Amateur de souffrances, tenant à la fois
du vampire, de l’ogre et du sorcier. Original par son méchant
hors-norme, cette trilogie l’est aussi par son scénario, qui étale
la lutte contre le mal sur plusieurs générations de Sanson. Boris
Beuzelin réussit le tour de force de nous plonger dans les antres
des bourreaux – charmants instruments, et délicates missions à
accomplir pour le compte de la justice royale … - sans donner la
nausée avec juste ce qu’il faut de détails pour comprendre que le
métier n’était pas facile tous les jours… Et en faisant saisir
toute la fascination et la répulsion qu’il pouvait exercer sur les
foules. (Vents d’Ouest).
Dans
la tête de Sherlock Holmes : L’affaire du ticket scandaleux 1
**** / Liéron et Dahan – Ankama – 60 pages
coul.
Tif
et Tondu : Mais où est
Kiki ? **** – Scénario
Robber et dessins Blutch – Dupuis – 88
pages noir et blanc
L’antiquaire Sauvage ***: un roman de Tif et Tondu / Robber et Blutch – 92 p. - Dupuis
L’antiquaire Sauvage ***: un roman de Tif et Tondu / Robber et Blutch – 92 p. - Dupuis
Les
Sanson et l’amateur de souffrances tomes 2 et 3
***/ Mallet et Beuzelin – Vents d’Ouest – 95 p. coul.
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