Barcelone,
de nos jours. Antonia, une jeune caissière, en finit avec sa journée
harassante et rentre chez elle, à pied. Alors qu'elle est en train
de téléphoner à sa fille, elle voit un vieillard s'élancer sur la
chaussée au moment où le feu piéton est rouge. Elle crie pour
l'avertir du danger mais rien n'y fait : le vieil homme continue à
avancer. Autour d'Antonia, personne ne réagit et elle s'élance
alors pour le mettre hors d'atteinte d'une voiture qui arrive.
Sauvetage réussi, in extremis, mais elle se retrouve à l'hôpital,
pour une commotion. Tout va bien, mais quand elle demande des
nouvelles du vieillard, on lui répond qu'il n'a jamais existé ailleurs
que dans sa tête. Première surprise pour Antonia, à qui sa voisine
de chambre explique qu'elle a été renversée exactement à
l'endroit où Antonio Gaudi l'avait été, par un tramway, en 1926...
Dans le même temps des cadavres s'accumulent dans les lieux imaginés
et construits par le célèbre architecte, laissant l'inspecteur
chargé de l'enquête de plus en plus dans le brouillard. Mais quand
Antonia va ête impliquée comme témoin direct dans un des meurtres,
tout va changer : et si le fantôme de Gaudi était la clé de toute
l'affaire ?
Le
postulat est original de la part des auteurs : en plaçant un
architecte et son oeuvre au coeur d'une intrigue policière, ils
inventent un genre nouveau, style "Enquête et Patrimoine". Bon,
il y avait bien eu, en littérature noire, une collection "Tourisme
et Polar" aux éditions Baleine, période âge d'or, et les
romans policiers régionaux sont légion (romaine, et surtout en
Armorique, tiens). Mais pour la bande dessinée, la voie est peu
empruntée, et cet album est vraiment réussi pour tout ce qu'il
donne à voir des chefs-d'oeuvre Barcelonais de Gaudi : la Casa
Battlo, le parc Güell, la Sagrada Familia... l'enquête de
l'inspecteur Tondu n'oublie aucun des grands classiques
architecturaux du Maître. Et les dessins de Jesus Alonso Iglesias sont à la hauteur de ces lieux devenus mythiques. De la couverture à
la mise en image, avec ces planches aux cases distordues, évoquant
immédiatement les formes ondulantes caractéristiques des bâtiments
de Gaudi, le voyage est réellement fascinant. Et les personnages que
l'on suit, dessinés eux dans une veine semi-réaliste, à la
franco-belge, ont le dynamisme qu'il faut pour cette histoire
policière. Côté intrigue, justement, le piège de la simple visite
touristique est évité et El Torres a imaginé une histoire de vengeance
assez prenante, assez gore parfois, même, et qui aurait certes pu être un poil plus huilée. Mais il ne
faut pas s'arrêter à ce détail : Le Fantôme de Gaudi a une vraie
originalité et on ne l'oublie pas aussitôt la dernière page
tournée. Et il donne aussi envie d'aller voir du côté de l'autre
album d'Alonso publié chez le même éditeur : PDM, ou, l'autobio,
justement, de ce même éditeur, Pierre Paquet.
Le Fantôme de Gaudi
***
Scénario
El Torres et dessin Jesus Alonso Iglesias
Paquet,
2015 - 126 pages couleurs - Collection Calamar - 18 €
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