Eté 1967. Antoine a 15
ans, et il ne le sait pas encore quand il termine en vainqueur ce
tournoi de tennis sous les yeux se son père, mais cet été va le
marquer pour le restant de sa vie. Tout commence par un incident à
priori banal : le très énervé père d'Erik, son adversaire en
finale, est à deux doigts d'en venir aux mains avec le stoïque
paternel d'Antoine. Etrange comportement, vite oublié, mais qui
prend une autre tournure lorsque le même homme, dans la nuit, les
prend en chasse avec sa camionnette sur les lacets de la route de la
corniche. Et qu'il se tue en tombant dans un ravin... Entre temps, le
père d'Antoine a été invité par De Noé, une ancienne
connaissance, rencontrée fortuitement au restaurant. Dans la
somptueuse villa de cet ami surgi du passé, Antoine est subjugué
par une jeune Américaine, Joan, qui n'a pas froid aux yeux, ni nulle
part d'ailleurs... L'ado passe une étrange soirée, et lorsque le
lendemain, Erik, qui semble peu affecté par la mort de son père,
vient proposer à Antoine une partie de tennis pour se changer les
idées, celui-ci accepte. Dès lors, l'été va se poursuivre dans
une atmosphère de plus en plus mystérieuse et angoissante pour
Antoine...
Cette tentative de mise
en appétit rend difficilement justice à l'extraordinaire jubilation
qui s'empare du lecteur de l'Eté Diabolik : voici une bande dessinée
d'une immense richesse. Déjà, dans sa construction - les 100
premières pages sont un flash back sur le fameux été - cet album
ménage admirablement le suspense sur ce qui s'est réellement
déroulé au cours de cet été 67. Tous les éléments sont bien là,
mais, à l'instar du narrateur, il nous manque les clés pour saisir
quelles forces sont à l'oeuvre sous nos yeux. Clés qui nous sont
données dans la seconde partie, plus de vingt ans plus tard, alors
qu'Antoine est devenu écrivain, et qu'il a fait de cet épisode
fondateur de sa vie un livre libérateur. Ou plutôt, qui va le
devenir lorsqu'une des protagonistes de cet été va ressurgir du
passé, et lui faire enfin comprendre un des éléments restés dans
l'ombre de ses souvenirs.
Autre richesse du
scénario de Thierry Smolderen, et non la moindre, cette magnifique
idée d'introduire le célèbre personnage de Diabolik en toile de
fond, et de réussir le tour de force d'en faire un personnage à
part entière de l'histoire... sans être là "en chair et en
os". Car c'est bien l'esprit de Diabolik qui plane sur toute ces
pages, symbole parfait de la menace qui rôde, de l'homme
insaisissable... Ce récit qui tient tout autant de James Bond que
des fumetti neri, est un superbe hommage à une certaine littérature
populaire, et d'ailleurs, Smolderen ne le cache pas, puisqu'il
revendique haut et fort sont amour du genre dans une belle postface,
intitulée "Né sous le signe du kiosque". Il y écrit
notamment : "Pour ma part, il suffisait de me projeter devant
le kiosque de mon enfance pour réactiver les émotions graphiques
intenses que j'y avais ressenti au contact du rayonnement prismatique
des magazines exposés".
Et bien, si cet Eté
Diabolik transporte aussi ses lecteurs, c'est que justement, le
dessin époustouflant d'Alexandre Clérisse, apporte à son tour ces
émotions graphiques intenses chères au à son scénariste. Ce qui
frappe immédiatement, c'est évidemment les couleurs choisies par le
dessinateur pour cet album, qui, tout en semblant provenir de
d'époques aussi variées que celle des Spoutniks, de Warhol ou
encore de Pellaert, aboutissent finalement à une impression de
lecture éminemment contemporaine.. et audacieuse. Car il suffit
d'ouvrir ce livre au hasard : cet art de la composition des planches
est bien celui d'un artiste de 2015, qui n'hésite pas à abandonner
le cadre de ses cases quand il le faut, revenir au gaufrier à bon
escient, expérimenter à d'autres moments (formidable visite de la
chambre paternelle d'Antoine, pages 47à 49 !), bref, utiliser toutes
les ressources de la bande dessinée, sans jamais perdre son lecteur
par des effets inutiles.
L'Eté Diabolik est le
type même de l'album qui ne donne qu'une seule envie une fois la
dernière page tournée : tout relire depuis le début. Et admirer le
travail !
Et pour rester dans l'univers de cet album étonnant, un blog dédié : http://wwww.etediabolik.wordpress.com/
A noter que les duo avait
déjà signé ensemble un "Souvenir de l'empire de l'atome",
toujours chez Dargaud. Pas lu, mais semble tout aussi élégant et
indispensable...
L'Eté Diabolik ****
Scénario Thierry
Smolderen ; dessin et couleur Alexandre Clérisse
Dargaud, 2016 - 168 pages
couleur – 21 €
gros gros coup de coeur pour cette bd. Tu en parles magnifiquement bien. On me l'avait prêté, je l'ai acheté direct !
RépondreSupprimer