Harlem,
septembre 1974. Ernest Bloomin, petite frappe et grande gueule, est
dans la mouise : il a égaré un kilo de coke, et les propriétaires
de la marchandise ne lui laissent plus beaucoup de temps pour
rembourser. Ailleurs aux Etats-Unis, Mohamed Ali s'entraîne pour sa
reconquête du titre mondial des lourds, le fameux "Combat du
siècle" contre Foreman, que le monde entier attend, et qui doit
avoir lieu à Kinshasa. Là-bas, on s'agite en coulisses autour de ce
combat : un diplomate Belge s'apprête à rencontrer le
"président-citoyen" pour tenter de remettre la Belgique
dans le jeu, la CIA laisse trainer ses oreilles un peu partout, et
Blanche, une jeune Zaïroise tente d'extirper son frère des geôles
sordides de Mobutu... Et voilà que ce veinard d'Ernest gagne un
billet d'avion pour aller voir le combat Ali - Foreman. Il y voit
tout de suite le moyen idéal de mettre de l'ordre dans ses affaires
et d'échapper à ce qui promet d'être un enfer pour lui s'il reste
trop longtemps aux Etats-Unis. Et puis, après tout, n'est-il pas
Noir ? C'est le moment de retourner sur la terre de ses Frères...
Rien
qu'avec la couverture le ton est donné : un titre qui semble tout
droit sorti de la liste des OSS 117 de Jean Bruce, et les deux
personnages-clé de l'histoire posant, au premier plan, sous les
regards croisés, au second plan, d'un homme tenant un revolver, et à
l'arrière-plan, du tout puissant Mobutu, qui tient lui le pays sous
sa poigne de fer. Et quand on retourne le livre, ce sont trois autres
personnages, des blancs, qui semblent eux aussi surveiller tout ce
petit monde. Sans oublier l'affiche du combat Ali-Foreman, toile de
fond de toute cette histoire géo-sportivo-politique, imaginée par
Thierry Bellefroid, sur la base d'une documentation solide. Car il
s'agit bien de cela au final : un récit d'histoire politique et
d'espionnage, au coeur d'une page légendaire et universelle du
sport, d'un épisode devenu mythique dans l'histoire pugilistique. Le
scénario est habile et le ballet des personnages n'est pas sans
rappeler ceux que menait le "danseur" Ali autour de ses
adversaires, les faisant tourner maboule. Ici, chacun essaie de mener
sa barque et de tirer son épingle du jeu dans un pays encore en
pleine "zaïrinisation", et où Mobutu a réussi le tour de
force de faire se disputer un championnat du monde de boxe entre deux
Noirs... américains. La construction, chorale, du scénario est
fluide, et le dessin réaliste de Barly Barutti - rappelant parfois
celui d''Hermann - plonge encore plus vite le lecteur au plus près
des hommes et des femmes protagonistes de ce qui en effet un "chaos
debout".
Et
si le fameux combat tient une place importante dans le scénario, il
ne prend pas le pas sur le reste, et c'est bien un récit assez noir
sur fond de corruption et de liberté que les auteurs proposent. Les
amateurs de boxe n'en seront néanmoins pas frustrés, car, même si
ceci est une fiction, voici un album qui permet au mieux de sentir
l'ambiance qui devait être celle du pays au moment du Combat du
siècle. Mais les amateurs de boxe, et d'Ali en particulier, peuvent
aussi se tourner vers un album paru en septembre dernier "MuhamadAli" (par Titeux et Améziane, au Lombard), une étonnante - et
réussie -biographie dessinée.
Mais
en attendant, il faut lire "Chaos debout à Kinshasa", que
vous soyez amateur de boxe ou pas : c'est un album que nous ne
lâcherez certainement pas avant la limite !
Chaos debout à
Kinshasa ****
Scénario
Thierry Bellefroid et dessin Barly Barutti
Glénat,
2016 - 118 pages couleurs - 22 €
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