Bon, allez, si je vous dis :
« Parce que j'aime autant vous dire que pour moi, monsieur Éric, avec ses costumes écossais tissés à Roubaix, ses boutons de manchette en simili, et ses pompes italiennes fabriquées à Grenoble, eh ben, c'est rien qu'un demi-sel. Et là, je parle juste question présentation, parce que si je voulais me lancer dans la psychanalyse, j'ajouterais que c'est le roi des cons... »
Vous me dites, vous me dites... Bernard Blier dans « Le Cave se rebiffe » ? Bingo ! Vous connaissez votre Audiard sur le bout des doigts. Mais si vous avez répondu, au pifomètre, allez, Gabin dans « Le Pacha », pas de doute : l'encyclopédie Audiard de Stéphane Germain, chez Hugo & Cie, est pour vous. Dans le premier cas aussi, d'ailleurs...
Ce pavé de près de 300 pages est un pur délice. Après une première partie resituant l'homme dans son époque, Stéphane Germain, l'auteur de cette somme, se met en tête de présenter à son lecteur l'oeuvre intégrale d'Audiard : l'écrivain, le dialoguiste, le scénariste, le réalisateur, l'adaptateur. Et le lecteur est ébahi, car il ne soupçonnait pas une telle richesse, une carrière aussi prolifique : une dizaine de livres (Audiard fut aussi romancier, ce qui est souvent oublié de celles et ceux qui gouttent son verbe), et une centaine de films. Cette encyclopédie nous les présente tous, absolument tous, dans leur ordre de sortie en salle, de « Mission à Tanger » (1949) à « On ne meurt que deux fois » (1985). On y trouve même les « introuvables », ces six films portés disparus des écrans, impossibles à (re)voir, dont le dernier - «Toutes folles de lui » - date seulement de 1967, et au générique duquel figurent, entre autres, Jean-Pierre Marielle, Julien Guiomard,
Pour chacun des films, Stéphane Germain rappelle brièvement le synopsis et rédige une (courte) fiche technique. Suit alors son avis, dans une longue notice où l'analyse côtoie l'anecdote, où l'utile se joint à l'agréable... et le tout est couronné de la cerise sur le gâteau : l'indispensable citation audiardienne, évitée uniquement pour les films les plus catastrophiques du maître, car oui, il y en a bien eu, et l'auteur n'hésite pas à les signaler. Mais ils sont en nombre minime dans la longue filmographie d'Audiard et c'est un plaisir de retomber sur les classiques « Barbouzes », « Ne nous fâchons pas », « Un taxi pour Tobrouk », « Mortelle randonnée », … Mais c'est un plaisir encore plus grand de découvrir, des oeuvres complètement oubliées car absentes durablement des programmations télévisuelles. Ou de redécouvrir la quinzaine de films dont Gabin était la vedette, lui qui fut l'acteur fétiche du scénariste pendant plus d'une décennie..
Cette copieuse encyclopédie se conclut d'ailleurs sur une dernière partie intitulée « Les grands diseurs d'Audiard », qui dresse le portrait de 19 acteurs et actrices, les meilleurs interprètes des dialogues de Michel Audiard, selon Stéphane Germain. 19 portraits illustrés par le très doué Géga, déjà à l'oeuvre sur le précédent ouvrage de Germain
(« Le dico des Tontons Flingueurs »), et qui croque avec bonheur Blier, Dalban, Belmondo, Girardot, Pousse, Serrault...
Ce livre est, comme il se doit, très richement illustré de photos et d'affiches, parfois de plusieurs pays pour les films ayant eu le plus de succès.
Je vous le disais au début : ce pavé est un pur délice. Que demande le peuple ? Une autre citation, peut-être ? Soyons bon prince, en voici deux :
« Dans la vie il y a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance : le cyanure et la loyauté »
(Jean Gabin dans « Le Gentleman d'Epsom »)
« - J'ai peut-être une bonne affaire. Je connais un gars qui cherche un bateau. Tu pourrais lui vendre le tien.
- Mais j'en ai pas !
- C'est pour ça que c'est une bonne affaire... »
(Dialogue entre Robert Dalban et Jean-Paul Belmondo dans « L'incorrigible »)
Un pur délice, vous dis-je. J'insiste.
L'Encyclopédie Audiard – Du primus, du brutal et de l'harmonie
Textes Stéphane Germain ; illustrations Géga
Desinge & Hugo & Cie, 2012 - 287 pages couleur
24,95 €