Alors voilà : c’est une journée apparemment comme les autres pour Raoul, voire même mieux, puisqu’il se sent merveilleusement optimiste, et que rien de particulier ne vient obscurcir son horizon. Quel bonheur pour ce flic d’élite, à la tête du quatuor de chocs qu’il forme avec ses collègues Saturne, Mercure et Jupiter, des policiers tout aussi émérites que lui-même. Pourtant quand il va arriver au commissariat, rue des Tartelettes (en deuil), tout va partir en cacahuète et contrarier cette splendide matinée : son supérieur lui annonce qu’un dénommé Portal a avoué le crime pour lequel il était en garde-à-vue, bonne nouvelle, mais le problème est que l’équipe de Raoul a exactement la même chose à lui annoncer. Un dénommé autrement – Monclar – vient également de passer aux aveux, pour le même crime. Splendide ! Mais c’est tout de même un souci pour Raoul ces deux meurtriers pour un seul assassinat. Et comme il le dit lui-même à ses troupes « Il nous faut décider quel coupable doit être le seul et l’unique ». Et plutôt que de se fier à la méthode de Jupiter (« Pile : Monclar. Face : Portal »), voici les Dentus à nouveau sur la brèche et partis pour une contre-enquête qui s’annonce périlleuse, mais dont l’issue ne fait aucun doute : la vérité va triompher. Ou pas...
Ah que ça fait du bien de voir de nouveaux venus dans la galerie des enquêteurs branquignols ! On avait Jack Palmer (Pétillon), et plus récemment le gigantissime Scott Leblanc (Geluck et Devig) ou encore l’Inspecteur MC Cullehan (Schilling), il va désormais falloir compter avec cette belle brochette finaude imaginée par Anthony Pascal, à qui on peut visiblement faire confiance dans le registre du loufoque et du parfois bien débile (comme j’aime, et ouais). Rien que la page de garde (il faut TOUJOURS s’attarder sur les pages de garde) met au parfum. Celle-ci est une merveille du genre. Voyez plutôt :
Après cet avertissement discret mais imparable, on n’a qu’une envie : voir si ces quatre lascars sont vraiment aussi doués que leur portrait en creux le laisse supposer. Ben on est pas déçu : ils sont vraiment nazes. Ils ne comprennent rien – enfin, surtout Raoul… - se perdent dans des fausses pistes et déductions hasardeuses, et au final déclenchent une catastrophe explosive. Et c’est extrêmement drôle ! D’abord, par cet art de réplique absurde, du jeu de mots subtil, de la rhétorique hilarante que maîtrise Anthony Pascal. Comme ici par exemple :
Et puis, graphiquement, même si son quatuor est un poil géométrique facièsement, parlant le style semi-réaliste de l’album fonctionne très bien, et c’est enlevé, avec toujours ces petits détails qui font mouche comme ces affichettes au cabinet médical ou à l’hôpital (« Pour être en bonne santé, soignez-vous » , « Le médecin n’y est pour RIEN »).
Alors,
oui, si vous avez envie de vous dérider un brin, tout en lisant un
vrai polar, car il y a tout de même un mystère à éclaircir
derrière ces facéties policières, n’hésitez pas. Les Dentus
font un peu penser à l’équipe imaginée par Sophie Hénaff dans
«Poulets grillés » (série de romans chez Albin
Michel), en moins doués tout de même. Sauf pour faire rire. Cette
première enquête est aussi le premier album d’une nouvelle maison
d’édition, La Mouche-Krokodile. Souhaitons-lui
une longue vie ! Raoul et ses Dentus le méritent.
Les Dentus, meilleurs flics de France ****
1- De pire en pire
Scénario et dessin Anthony Pascal
La Mouche-Krokodile – 66 pages couleurs – Paru le 27 février 2021 –16 €