1948.
Charlie Parish est scénariste à Holllywood. Il émerge un lendemain
de cuite, au petit matin, dans un des bungalows de Studio city, ces
petits apparts « où on parquait les acteurs pour les garder
tout près du plateau ». Le temps de chasser les effluves
vaseuses de son cerveau embrumé, Parish reconstitue petit à petit
la soirée de la veille. Une fête. De l’alcool. Une bagarre. Et
pour finir, une balade, avec Valeria Sommers, la starlette en pleine
ascension. Voilà. Nous y sommes. Il y est. Le scénariste se
rappelle de tout, et qu’il se trouve chez la starlette. Mais elle…
Où est-elle ? Pas très loin, dans le living. Morte. Etranglée.
Et Charlie qui a passé la nuit complètement ivre, à ses cotés…
Vite, agir ! Prévenir la police ? Impossible… Alors, il
efface toutes les traces de son passage, et se rend à pied au
studio, tout près. En laissant sa voiture sur place…
Ce
prologue occupe les dix premières pages sur les quatre cents que
comptent les douze chapitres de « The Fade Out », le
dernier Brubaker et Phillips publié par Delcourt. Un éditeur qui
n’hésite pas à qualifier les deux créateurs de « duo
magique », et on ne peut lui donner tort : en un
peu plus de 10 ans et depuis la sortie du premier volume de Criminal, les deux hommes sont devenus les véritables
maîtres du récit noir dont ils ont exploré de multiples facettes,
avec leur série phare, Criminal, donc, mais aussi avec Incognito
et Fatale, où ils flirtaient avec d’autres mauvais
genres, le fantastique en tête.
Fondu au Noir marque un
retour à ce talent inégalé qu’ils ont pour le récit
strictement noir, qui a la couleur sombre et mélancolique des
romans et films de l’âge d’or du genre. Peut-être parce que
cette histoire se déroule en pleine chasse aux sorcières, au coeur
d’Hollywood ? Peut-être…
Mais plus sûrement, parce qu’Ed Brubaker déploie une fabuleuse galerie de personnages – dont les
dix-huit principaux sont d’ailleurs présentés, en guise de
générique mystérieux dès les premières pages – et qu’il les
plonge dans un univers fait de mensonges, corruption et
manipulations. Le pauvre Charlie Parish, pour se sortir d’affaire,
va vite découvrir que le meurtre va être transformé en suicide
pour cacher des secrets bien plus importants que sa petite personne.
Contraint malgré tout de mener
son enquête, entendra-t-il cette mise en garde de Dashiell Hammett
lui-même : « Je dirais que ce détective ferait mieux de
se tenir à l’écart de tout ce bazar… Il y a des gens qu’il
vaut mieux ne pas irriter. »
Je vous laisse découvrir
comment va se sortir Charlie Parish du nid de vipères
dans lequel il est tombé… Et c’est une fois de plus
dessiné avec classe par Sean Phillips, véritable maître des ombres
et des ambiances nocturnes. De ce tandem qu’ils constituent,
Brubaker dit : « Nous
espérons former un duo tel que celui de Munoz et Sampayo, mener
cette collaboration à bien pour le reste de nos vies, et être
considéré comme les membres d’une équipe à part entière ».
Une équipe à laquelle il faut associer Elizabeth Breitweiser, leur
coloriste désormais attitrée, et qui magnifie le travail de
Phillips.
Ajoutons
que Delcourt a, une fois de plus, soigné cette édition, qui est du
reste la traduction de la version « Deluxe » originale.
La galerie d’illustrations qui clôt ce livre magnifique
vaut vraiment le détour, et on y trouve aussi la « bande
annonce » de la série, que je vous reproduis ici.
Alors,
vous n’avez pas envie d’aller faire un tour du côté obscur
d’Hollywood ?
Joyeux
Noël !
Fondu
au noir *****
Scénario
Ed Brubaker, dessin Sean Phillips et couleurs Elizabeth Breitweiser
Delcourt,
2017 – 400 pages couleur - Collection Contrebande – 34,95 €