Dimanche
dernier, au coeur du festival "Noir sur la Ville" de
Lamballe - qui fêtait ses vingt ans, édition mémorable ! -
l'association 813 des amis des littératures policières décernait
ses célèbres Trophées. Et pour la bande dessinée, les
adhérent-e-s ont porté en tête de leur suffrage, "Les
Nuits de Saturne", de Pierre-Henry Gomont, aux éditions
Sarbacane. Un album qui devance "Tungstène", "Tyler
Cross 2", "Trou de mémoire 1" et "Men of Wrath".
Les
Nuits de Saturne est
une
magnifique adaptation du roman de Marcus Malte,
Carnage Constellation.
Et pourtant, mettre en images l'histoire d'amour lumineuse entre
Clovis, braqueur déchu, et Césaria, jeune homme en talons
aiguilles, le pari était osé, voire risqué. Mais le dessinateur
s'en est admirablement bien tiré, et le voici auréolé d'un
deuxième prix dans le polar après Rouge
Kharma, prix
SNCF polar BD en 2015. Pierre-Henry Gomont n'a pu venir depuis
Bruxelles pour recevoir son Trophée, mais il avait envoyé un
message, que je vous livre ici in-extenso.
"Bonjour
à tous,
je
vous remercie infiniment du prix que vous venez d’accorder à cette
bande dessinée. Je ne peux malheureusement être avec vous pour
fêter cela, mais
ce
n’est que partie remise je vous le promets. Je suis
particulièrement heureux que ce prix aille aux « Nuits de Saturne
», parce qu’il a marqué une rupture dans mon travail. J’ai
raconté les choses d’une manière qui, enfin, parvenait à me
satisfaire. C’est curieux, me direz-vous, parce que c’est une
adaptation, l’adaptation d’un roman de Marcus Malte, récent
lauréat d’un autre Prix littéraire. Mais adapter un roman, le
mettre en pièces et le remonter avec les outils propres à la
bande-dessinée, c’est une démarche périlleuse. Et elle ne
parvient à ses fins que si le besoin d’adapter et de raconter
cette histoire-là est intime.
Le
roman de Marcus Malte, par l’originalité - et l’évidence- de
l’histoire d’amour qu’il met en scène a provoqué cela en moi.
Il en a résulté un ouvrage et un propos qui diffèrent sensiblement
du récit original, mais cela n’a pas d’importance. Le processus
d’adaptation doit être vu comme une liberté, et non comme une
contrainte. Il faut retrouver le coeur de ce qui nous a touché dans
un roman, pour le reprendre et le restituer à sa manière, avec sa
propre grammaire, cette chose un peu bizarre et hybride qui
appartient à la BD. Peu importe qu’il y ait des différences, des
décalages, car le prisme de la fidélité est rarement le bon pour
juger d’une adaptation.
Pour
cela, il faut remercier Marcus Malte : la liberté, il me l’a
accordée avec générosité, et en confiance. Quelques question
préliminaires sur l’angle et l’intention générale que
j’envisageais à l’époque , et il me donnait le champ libre.
Il
faut aussi remercier Frédéric Lavabre, mon éditeur chez Sarbacane.
Ils sont peu nombreux ceux qui, comme lui, savent vous donner la
liberté dont vous avez besoin, mais restent exigeants, jamais
complaisants, et posent les questions qu’il faut pour vous faire
aller plus loin. La rencontre avec Frédéric a changé ma façon
d’aborder mon métier, je ne le remercierai jamais assez.
Une
dernière chose : je le dis à la fin parce que c’est le plus
important. Ce prix est pour Loïcka, la femme qui m’accompagne
depuis 13 ans. Si je fais ces livres, ce n’est que pour lui plaire
et sans elle, il n’y aurait rien de tout cela. Aujourd’hui, le 20
novembre, est le jour de son anniversaire : nous le fêterons
dignement et aurons une pensée pour vous. A très bientôt ! "
Les
autres Trophées de l'association, ont récompensé Christian
Roux, pour son roman "Adieu Lili Marleen" (Rivages), Jo
Nesbo pour "Le Fils" (Gallimard) et Franck Lhommeau
et Alban Cerisier pour leur ouvrages "C'est l'histoire de
la Série Noire" (Gallimard). Un petit tour sur le blog de 813vous donnera une petite idée de l'ambiance de la cérémonie.
Bravo
en tous cas aux éditions Sarbacane, qui proposent pas mal de polars
à leur catalogue, et qui ont avec ce Trophée une nouvelle
récompense pour leur travail sur le Noir.