Sebastian « Little Hand » Fletcher est un jazzman hors du commun, un des ces musiciens capables de vous remplir une salle en moins de temps qu'il ne lui faut pour s'installer à son piano et de faire les beaux jours des maisons de disques. Des pépites pareilles ne courent pas les rues, et il faut les ménager, être aux petits soins, comme l'a justement toujours fait le patron de « Lachapelle Records », label le plus renommé et influent de la Nouvelle-Orléans. Mais quand on est héroïnomane comme Fletcher, on est incontrôlable, et « tout à fait capable de faire une bêtise » comme s'en inquiète son mentor, Faust Lachapelle. Quoi de plus naturel pour lui alors de lancer sur sa piste celui qu'on lui a assuré être capable de le retrouver « sans faire trop de grabuge » ? Le détective en question n'est autre que John Blacksad, qui va vite comprendre que la partition qu'on lui a donné est remplie de fausses notes... Du confrère embauché avant lui et évincé sans ménagement au fils Lachapelle, amer et retors, en passant par des musiciens aussi souvent au pénitencier qu'au club de jazz, tous semblent vouloir faire danser Blacksad à leur rythme à eux. Mais c'est bien connu : le chat retombe toujours sur ses pattes...
Cinq ans après « Ame rouge », le détective aux griffes les plus acérées de la BD fait donc son retour, attendu avec impatience par ses fans, une curiosité certaine pour tous les autres, mais avec pour tous la même question : dans quel tourbillon le dur à cuire Blacksad va-t-il être plongé ? Une issue fatale, si on s'arrête à la somptueuse couverture de cet album ? Une histoire étrange, au regard de la quatrième de couverture ? Les premières pages mettent rapidement sur la voie : il sera question de musique, puisque nous voici à la Nouvelle Orléans. Mais nous voilà aussi prévenu : il ne sera pas question uniquement de légèreté et d'insouciance, puisque les premiers mots qui accompagnent le strip-tease auquel assistent Blacksad et son fidèle Weekly sont ceux de Sartre, « l'enfer c'est les autres ». Et Diaz Canales et Guarnido vont constamment jouer sur cette dualité, d'un côté une ville festive, de l'autre des habitants à l'âme tourmentée. Cela se traduit, côté scénario, par une construction non linéaire, où les protagonistes apparaissent de manière parfois inattendue, le plus souvent au moment où la page est tournée, ce qui donne de saisissants changements d'ambiance, et imprime un rythme vraiment particulier à l'album. L'intrigue imaginée par Diaz Canales, autour de la musique bien sûr, mais qui cache des ramifications, confirme le savoir-faire du scénariste dans la bande dessinée noire psychologique, car, comme pour les précédents tomes, ses personnages ont une réelle épaisseur, et celle-ci sert directement la dynamique du récit.
Et si cela fonctionne aussi bien, c'est parce que Guarnido n'a rien perdu de son incroyable talent, et que son dessin est toujours aussi spectaculaire, même dans les scènes les plus calmes. On a rarement vu une bande dessinée animalière aussi expressive que Blacksad, et l'engouement autour de cette série est justifié : voici une oeuvre intelligente, qui prend le temps de se construire.
Et pour les petits veinards qui habitent pas loin de Château-du-Loir, dans la Sarthe, une visite à la bibliothèque municipale s'impose : les planches agrandies de ce quatrième tome de Blacksad y sont exposées du 14 septembre au 2 octobre. Entre autres réjouissances autour du noir (programme détaillé ici) Je serai d'ailleurs présent le vendredi 24 septembre, pour présenter une sélection des meilleures BD polars de ces vingt dernières années. Exercice difficile, mais une chose est sûre : Blacksad en sera !
Et si cela fonctionne aussi bien, c'est parce que Guarnido n'a rien perdu de son incroyable talent, et que son dessin est toujours aussi spectaculaire, même dans les scènes les plus calmes. On a rarement vu une bande dessinée animalière aussi expressive que Blacksad, et l'engouement autour de cette série est justifié : voici une oeuvre intelligente, qui prend le temps de se construire.
Et pour les petits veinards qui habitent pas loin de Château-du-Loir, dans la Sarthe, une visite à la bibliothèque municipale s'impose : les planches agrandies de ce quatrième tome de Blacksad y sont exposées du 14 septembre au 2 octobre. Entre autres réjouissances autour du noir (programme détaillé ici) Je serai d'ailleurs présent le vendredi 24 septembre, pour présenter une sélection des meilleures BD polars de ces vingt dernières années. Exercice difficile, mais une chose est sûre : Blacksad en sera !
Blacksad, tome 4 : L'enfer, le silence
Scénario Juan Diaz Canales et dessin Juanjo Guarnido
Dargaud, 2010 - 56 p. coul. - 13,50 €