Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
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Bonne balade dans le noir !

dimanche 6 avril 2014

[Retour imminent !] - Monsieur Choc arrive...

Les héros du peuple sont immortels... mais leurs ennemis intimes aussi ! De ceux qu'on croit mort à la fin mais qui toujours se relèvent, avec des plans encore plus diaboliques...
Sherlock a Moriarty. Blake et Mortimer ont le Colonel Olrik. Bob Morane a l'Ombre Jaune.
Et Tif et Tondu ont Monsieur Choc. Un ennemi à la peau dure, inventé par Maurice Rosy et Will, en 1954, et qui a vécu une dizaine d'aventures, avant de disparaître une bonne fois pour toute en 1986, dans l'album de Desberg et Will, "Dans les griffes de la Main Blanche"...


Et voilà qu'en novembre 2013, les lecteurs du journal de Spirou découvrent à la une cette silhouette inquiétante, mais familière, accompagnée d'un avertissement : "Préparez-vous à un... Choc !". On ne saurait mieux annoncer, car ce troisième retour est particulier à plus d'un titre : d'abord, il est scénarisé par Stéphane Colman, et dessiné par Eric Maltaite, le fils de Will, lui-même. Ensuite, il met en scène Choc seul, sans Tif et Tondu, et enfin, il est d'un tout autre registre que la série qui l'a vu naître et lorgne franchement vers le Noir. 
 

Mais pourquoi ce come-back, 18 ans plus tard ? José-Louis Bocquet, directeur éditorial chez Dupuis l'explique ainsi : "Choc, c'est le fruit de deux rencontres professionnelles. La première avec Maurice Rosy, avec qui on était en train de préparer une autobiographie", sous forme d'entretiens, illustrés par lui-même, et la seconde, avec Claude Maltaite, la veuve de Will. Chez Dupuis, on était en train d'honorer Will, avec l'intégrale des récits de Tif et Tondu publiés dans Spirou, et Claude me dit, "Ah tu sais, mon gars, Eric, avec son copain Steph, ils pensent à faire un Monsieur Choc... tu peux même aller voir sur Internet". Je connais très bien Eric Maltaite et Stéphane Colman, puisqu'il s'agit d'eux, depuis le début des années 80, on est de la même génération. Je vais voir les dessins publiés sur Internet, pas inintéressants du tout, et je prends donc contact avec eux. Je vois alors les planches, je rencontre alors Stéphane et Eric. Je trouve vraiment intéressant le scénario de Stéphane, qui raconte les origines de Monsieur Choc, et surtout, raconte comment on devient un vrai criminel. C'est un vrai roman noir des années 50 avec la dureté et la violence d'aujourd'hui, mais qui se passe dans les années 20 à 50. L'idée étant que l'histoire s'arrête juste avant la case où M. Choc rencontre Tif et Tondu. Tel était leur concept. Entre-temps, Stéphane envoie son scénario à Maurice Rosy, qui dit : "Formidable ! Maintenant Monsieur Choc est à vous". Et cela, Maurice me le dit. A partir de là, le projet est lancé, pour deux gros albums de quatre-vingt planches, dont le premier sort en avril de cette année". (Interview à Angoulême, 2 février 2014)

"Les Fantômes de Knightgrave" se déroule dans l'Angleterre de 1955, et Choc y prépare un double vol des plus audacieux. Dans le même temps, Colman a fait le choix de raconter l'enfance et la jeunesse de Choc, en le faisant revenir sur les lieux de son passé, et en premier lieu, à ce manoir de Knightgrave où sa mère fut engagée comme cuisinière en 1926. L'album oscille ainsi constamment entre des flashbacks, encore plus lointains, puisque le premier remonte à 1917, et la progression des actes criminels de Choc, en ce février glacial de 1955. Le ton est à mille lieux d'une certaine légèreté qui prévalait du temps de Rosy. Ce qui ne lui a pas déplu, comme l'affirme Colman : "Il était transporté de joie ! Il m'a avoué que, s'il n'avait pas été tributaire des contraintes que subissait la bande dessinée pour la jeunesse dans les années 1950, il aurait donné lui-même à Choc cet aspect sombre qui est au coeur de mon projet" (Interview dans Spirou n°3945).

Ce premier tome que Colman qualifie volontiers de "polar atypique", déroutera, peut-être, par la liberté prise par les auteurs (on y découvre par exemple que Choc est Anglais par son père... et qu'il s'appelle Eden) mais marquera, plus sûrement, les fans de Tif et Tondu, car il donne une autre dimension au personnage emblématique de la série. Et il pourra séduire tous ceux qui n'ont jamais lu les aventures du duo animé pendant Will pendant 50 ans, tant il est moderne, lorsqu'il propose de se pencher sur les mécanismes psychologiques qui amènent un être humain à se transformer en monstre de froideur. Colman et Maltaite ont réellement réalisé bien autre chose qu'un de ces nombreux "prequels" à la mode, car ils sont allés au bout de leurs intentions initiales : 
 
Colman : "Pour moi, Choc symbolise le mystère mieux que quiconque et je voulais créeer une atmosphère lourde et pesante, à la hauteur de ce mystère. Je préférais que le climat prime sur l'action et que Choc fasse son entrée de manière presque silencieuse, théâtrale. Pour lui, cette visite constitue un pèlerinage douloureux dans ses souvenirs, d'où l'intervention dans de divers flash-backs. (Spirou n°3946) 
 
Maltaite : "J'ai eu envie de rendre hommage au travail de mon père [...]. C'est d'ailleurs lui-même qui m'avait soufflé l'idée il y a quelques années. Il m'avait dit : "Choc est un personnage formidable, si tu as envie d'en faire quelque chose, n'hésite pas !". Et l'idée a fini par mûrir, lentement mais sûrement, grâce à Colman. [...] Le style semi-réaliste de cet album a été induit par le scénario : on est clairement dans un univers plus "sérieux" que dans un album de Tif et Tondu. (Spirou n°3947-3948).

Maurice Rosy, disparu le 23 février 2013, n'aura pas eu la joie d'avoir entre les mains ce premier tome,  "Les Fantômes de Knightgrave", dont la sortie est annoncée pour le 25 avril, en même temps que son autobiographie "Rosy, c'est la vie".  Mais il aurait certainement dit : "Choc est de retour, réjouissons-nous !" .
Vous pouvez aussi tenter votre chance et gagner un des dix albums mis en jeu par les éditions Dupuis : c'est par ici.  
Choc 1 - Les Fantômes de Knightgrave ****
Scénario Stéphane Colman et dessin Eric Maltaite
Dupuis, 2014 - 88 pages couleur - 16,50 €


mercredi 5 mars 2014

[Comics] - Crime SuspenStories : une anthologie de choc chez Akileos !

Un instantané de la mort : Une femme commandite elle-même son propre assassinat, car elle se sait médicalement condamnée. Mais son mari lui apprend une bonne nouvelle : ces braves hommes en blanc ont fait une erreur, elle va s'en tirer ! Oui, mais le tueur est en route...
Le Sosie : Un homme se rend compte qu'il est le sosie d'un milliardaire. Sa vie n'en serait-elle pas meilleure s'il venait à l'éliminer et prendre sa place ? Aussitôt ruminé, aussitôt exécuté... mais la vie du milliardaire n'est pas celle attendue, c'est même un véritable enfer...
Le Tueur ricanant : un homme profite des meurtres commis, à la cordelette, par un tueur en série pour se débarrasser de son insupportable épouse. Mais évidemment, il faut faire attention à qui on fait monter dans sa voiture pour se ménager un alibi...
Face à l'horreur : Un braqueur redoutable se fait prendre en photo au cours d'un hold-up. Son visage désormais connu, sa carrière va tourner court. Jusqu'à ce qu'il trouve un plan génial : se faire refaire le portrait par un médecin... et ne laisser aucun témoin derrière lui. Mais parfois, on a beau prendre toutes les précautions, on oublie le grain de sable qui va tout faire capoter...

Des histoires comme ça, ce premier volume de «Crime SuspenStories » en propose pas moins de 28, réunies par Akileos dans un volume soigné à la couverture sobre et élégante, un peu à l'opposé des couvertures choc de l'époque de parution des fascicules originaux. Ces 28 récits sont tirés des numéros 1 à 7 de cette publication, qui en compta au total 27, et qui prit fin en février 1955, victime de la création du Comics Code Authority. Ce même code entraînera aussi l'arrêt d'autres titres du même éditeur comme « Schock SuspenStories » ou « The Vault of Horror », tous accusés d'entraîner la jeunesse sur les chemins de la délinquance et de la dépravation (on connaît un certain Jean-François C. qui en aurait fait des caisses à leur lecture...). 

(Re)lire, plus de cinquante après, ces histoires qui se sont trouvées dans l'oeil du cyclone de la censure, permet de mesurer leur soit-disant « immoralité »... et de se rendre compte que le duo Bill Gaines (le patron himself à l'époque de EC Comics) Al Feldstein, scénaristes de la plupart des intrigues de ce recueil, construisaient surtout des récits où hommes et femmes s'évertuaient à échapper à un destin funeste, le plus souvent en pure perte... Les chutes de la plupart des histoires sont en effet on ne peut plus cruelles, avec une morale sous-jacente qui pourrait être celle du titre d'une des autres publications de cet âge d'or du "crime comics" : le crime ne paie pas. Et au service de ces histoires sombres et implacables, des dessinateurs au talent immense, qui n'avaient pas leur pareil pour camper des personnages réalistes, aux visages tordus par l'angoisse, suant toutes les larmes de leurs corps à l'approche de l'instant fatal. Sans oublier les femmes, en beautés glacées et glaçantes, fatales pour leur victime... ou pour elles-mêmes. Ces dessinateurs, ce sont Johnny Craig (qui signe la couverture de ce tome 1), Jack Kamen, Graham Ingels, et Harvey Kurtzman, futur fondateur, avec Bill Gaines, justement, de l'immortelle revue satirique Mad.
 
Cette anthologie que nous offre Akileos est une véritable aubaine et permet enfin de lire en français les premiers thrillers - au sens premier : qui font flipper ! - en bandes dessinées, et il ne faut pas passer à côté de ce tome, ni du deuxième, annoncé pour avril... Et aller faire un tour du côté des "Shock SuspenStories" à paraître ce mois de mars ! 

Crime suspenStories 1
Scénario et dessin collectif
Akileos, 2012 – 208 pages noir et blanc – 26 €

Crime suspenStories 2
Scénario et dessin collectif
Akileos, 2014 – 180 pages noir et blanc – 26 €