Il y avait bien longtemps que je ne vous avais pas parlé manga dans ces pages, et c'est bien dommage. Aujourd'hui, voici donc l'Affaire Sugaya, dont le sous-titre complet est – La vérité sur les affaires d'enlèvements et de meurtres en série de fillettes du Kita-Kanto. Rien que ça.
Pour compléter le générique : scénario Hiroshi Takano, dessin Kenichi Tachibana, mais aussi direction éditoriale : l'équipe d'enquête du programme Action du service des Informations de Nippon Television.
Et voilà pourquoi sur la couverture le dessin n'est pas un portrait de Sugaya, l'homme accusé à tort, mais une caméra moderne, accompagnée de deux cartes de presse.
Ce manga raconte en fait une histoire qui s'est réellement passée au Japon en 2008 – 2009, et comment un journaliste d'investigation, Kyoshi Shimizu, a repris une enquête close depuis longtemps et permis la libération d'un homme emprisonné à tort depuis plus de 15 ans.
Mais reprenons les faits.
En 1991, un chauffeur de bus de 45 ans, Toshikazu Sugaya, est arrêté pour le meurtre d'une fillette. Il passe rapidement aux aveux, et sa culpabilité est confirmée par une expertise ADN. Par la suite, il se rétracte, mais ni l'appel, en 2000, ni une demande de révision de procès, en 2002, n'aboutissent. Fin du premier épisode Sugaya.
En 2008, la chaine NTV lance un nouveau concept d'émission d'info, le programme Action, qui mobilise des équipes de journalistes sur un sujet, que chaque équipe suit de manière continue pendant 1 an. Objectif avoué : prouver que le journalisme peut encore avoir un impact sur la société, à un moment où il n'est plus vraiment considéré comme un contre-pouvoir. Et parmi les journalistes se trouve Kyoshi Shimizu, un type un peu étrange, pas forcément compris de ses confrères, qui déclare à son directeur vouloir mener une enquête sur une série de 5 enlèvements et meurtres de fillettes, perpétrés de 1979 à 1996... Et parmi ces 5, il y a celui de 1990, pour lequel le tueur, Sugaya, est déjà en prison. L'hypothèse de Shimizu est la suivante : les 5 meurtres sont ceux d'une même tueur et ce n'est pas celui qui est en ce moment sous les barreaux.
Le journaliste a le feu vert de sa chaîne pour se lancer dans l'enquête et en fait, Shimizu commence par reprendre par le menu le déroulement de l'affaire Sugaya, et il fait sensation dès la première émission . Car de fil en aiguille, du témoignage incohérent du présumé coupable jusqu'aux manquements, erreurs et omissions troublantes de la police dans ses investigations, Shimizu montre que son hypothèse n'est pas aussi insensée que certains le pensent, et la suite de ses recherches va lui donner raison.
Mais cela, je vous laisse le découvrir au fil des pages, qui ménagent un vrai suspense, pour nous occidentaux qui ne connaissons rien de cette affaire.
Une des grande réussites de ce manga, est de tenir en haleine sur deux fronts : celui de l'affaire des enlèvements, et celui de l'enquête de Shimizu en elle-même. Comment va-t-il bien s'y prendre pour remettre en cause ce que tout le monde tient pour acquis, la famille de la victime elle-même ? Tout le suspense est là.
Côté graphisme, le trait de Tachibana est plutôt réaliste, dans la veine de celui de Death Note. Bien entendu, les caractéristiques du dessin manga sont bien là, comme cette manière de souligner certaines émotions en faisant perler des gouttes de sueur au visage des peronnages, ou d'accentuer la force de certaines scènes par des traits de vitesse (vous savez, ces hachures...). Mais au final, le dessin est plutôt apaisé, en opposition avec la fébrilité et l'excitation de Shimizu et son équipe.
Car c'est aussi un autre aspect sympa du début de ce manga, quand Shimizu recrute un caméraman hors-pair, une reporter free-lance assez cocotte, un preneur de son taciturne et un chauffeur amateur de choses compliquées. C'est un peu Mission Impossible...
Je terminerai en vous précisant que « L'affaire Sugaya » est un one-shot, comme on dit vulgairement pour les histoires en un seul tome, et que vous n'avez pas à craindre de vous embarquer dans une saga à n'en plus finir.
L'affaire Sugaya, l'historie vraie d'un homme accusé à tort
scénario Hiroshi Takano, et dessin Kenichi Tachibana
Delcourt / Akata, 2012 - 200 pages environ - Noir et Blanc - 7,99 €
La couverture est copyright : VS. - KITAKANTO RENZOKU YOJO YUKAI SATSUJIN JIKEN NO SHINJITSU © 2010 by Hiroshi Takano, Kenichi Tachibana / SHUEISHA Inc., NTV
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