Bon. C'est le jour des
courses, vous avez rempli votre caddie de choses les moins pourries
possibles au supermarché du coin, et ça y est, c'est à votre tour
de passer à la caisse. "37 € 50" dit la dame. Et aussi :
"Vous avez la carte du magasin ?". Pas de quoi s'affoler,
même si on n'a pas ladite carte.
Sauf que cette scène,
c'est exactement celle que vit le héros de "Zaï zaï zaï
zaï", et qu'à partir du moment où il annonce qu'il n'a pas sa
carte... tout part en cacahuète : le voici obligé de fuir à toute
jambe, poireau à la main, cet endroit maudit, où le directeur du
magasin, appelé par sa caissière, l'a carrément menacé d'une
roulade arrière... Dès lors, un engrenage infernal s'enclenche pour
le client oublieux, qui devient du jour au lendemain, l'ennemi public
numéro 1... La police commence son enquête, la caissière sous le
choc tente de se remettre de l'aventure, le poireau, lâché par le
fuyard, a été envoyé aux experts scientifiques, la presse débarque
pour interroger le voisinage sur le climat d'insécurité qui vient
de s'installer... Pendant ce temps, le criminel, dont on apprend
assez vite qu'il est auteur de BD - circonstance aggravante - a gagné
la Lozère, où on ne capte ni la télé, ni la radio... Va-t-il
sortir vivant de cette gigantesque chasse à l'homme ?
Alors là, attention :
voici LA bande dessinée de l'année ! Toutes catégories confondues.
Fabcaro, auteur d'une pléthore d'albums, le plus souvent publiés
par les princes de l'underground (6 pieds sous terre, La Cafetière,
Même pas mal, Vide Cocagne...), mais aussi repreneur d'Achille Talon avec Serge Carrère, signe ici une histoire qui tient tout
autant de la critique sociologique que du polar (après tout, il y a
une traque d'un délinquant dans la nature), et qui fait mouche à
chaque page : le système productiviste, la connerie humaine,
l'industrie automobile française, la théorie du complot, la menace
pédophile, le statut de l'artiste, le racisme ordinaire... tout y
passe ! Planche par planche, Fabcaro démonte les mécanismes à
l'oeuvre dans les têtes des autochtones de notre bonne vieille
France, et à chaque fois, on se dit, hilare, "Ah ouais, la vache, bien
vu !". Ou quelque chose du genre. Si l'hilarité nous guette à chaque case, ou presque, c'est parce que tout cela est traité avec un humour absurde et kafkaïen. Si, ça existe. Et en fil rouge, on suit la
fuite de son alter ego, le dessinateur de BD fugitif, en se demandant
où tout cela va nous mener. Ben, au coeur de la chanson française.
Entre autres. Graphiquement, c'est en noir et vert douteux, et ça donne ça
:
Foncez sur cet album,
avant qu'il soit épuisé, d'ailleurs, ça se trouve, c'est déjà le
cas : ce qui ne serait pas étonnant, car je vous l'ai dit, c'est la
bande dessinée de l'année. VRAIMENT !
Zaï Zaï Zaï Zaï
*****
Scénario et dessin
Fabcaro
6 Pieds sous terre, 2015
– 72 pages bichromie - Collection Monotrème (mini) - 13 €
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