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lundi 6 février 2017

[Art volcanique] - Le Retour, par Bruno Duhamel (Bamboo - Grand Angle)

Cristobal, l'enfant du pays, l'artiste international revenu trente ans auparavant sur son île natale pour en faire un havre de culture préservé de la rapacité des promoteurs et la protéger du tourisme de masse, trouve la mort dans un accident de voiture.
Une mort qui encombre un peu les autorités du continent, car elle survient peu avant des élections... et que l'autre véhicule, celui qui a vraisemblablement percuté la voiture de la gloire locale, a purement et simplement disparu. Pourtant, l'île n'est pas bien grande, et son caractère inhospitalier - elle est constituée sur les deux-tiers de lave solidifiée - ne pourra guère dissimuler longtemps le véhicule fantôme... Mais qui aurait bien pu en vouloir à cet homme, qui, au service de "son" île, a dépensé sa fortune, apporté son talent et a mis sa réputation mondiale en jeu ? Des ennemis écartés un peu trop brutalement par Cristobal dès son retour ? Des amis, jaloux ou aigris, qui trouvent que l'homme qui a façonné l'île à son image leur fait trop d'ombre ? Jusqu'où l'inspecteur Claudio Ramirez, envoyé sur place pour éclaircir le mystère de cette mort peut-être pas si accidentelle, va-t-il devoir creuser ? Il ne le sait pas lui-même lorsqu'il arrive sur les lieux, où le moindre espace est transformé en véritable oeuvre d'art...

"Le Retour" - premier album solo de Bruno Duhamel (dessinateur, côté polar, de la pittoresque série "Harlem" mettant en scène Mose et Lennox, deux bras-cassés un brin losers...) est original à plus d'un titre. D'abord par le choix du sujet, ambitieux : le pouvoir de l'Art face à la marchandisation à outrance, en l'occurrence, face à la prolifération bétonnière des endroits sauvages, à seule fin de gagner du fric. Cette lutte est personnalisée via Cristobal, gloire internationale, colosse irascible, sûr de son Art, qui va tout mettre en oeuvre pour contrecarrer les rêves de tourisme de masse de la municipalité. Dont le maire n'est autre qu'une vieille connaissance de l'artiste : petit, Gaspard jetait à la figure de Cristobal que celui-ci ne savait que peindre des trucs moches... Et le principal "truc moche" en question, et qui fascine le gamin, n'est autre que "Le Dragon", ce volcan en sommeil qui domine toute l'île de son ombre menaçante. Duhamel réussit parfaitement à faire passer cette fascination exercée par la nature, hostile, sur Cristobal, et sa façon d'essayer de la dompter, à travers ses créations. Tout comme il met parfaitement en scène tous les protagonistes de son histoire, qu'on découvre petit à petit, à travers une construction habile, par flashbacks, après avoir démarré sur le point mystérieux de l'album : la mort de Cristobal. 
Le cadeau qui va tout déclencher...
 "Le retour" est de ce fait très bien rythmé, et le choix d'avoir "inversé" les couleurs, en optant pour la quadrichromie pour le passé, et la bichromie (aux tons variables) pour le présent est judicieux. Il donne ainsi à voir les oeuvres monumentales disséminées partout sur l'île de manière plus spectaculaire et de mieux mesurer l'ambition folle de Cristobal, sur cette terre peu accueillante, fut elle natale...
Bruno Duhamel ne cache pas, dans une introduction à l'album, s'être inspiré du parcours de l'artiste Cesare Manrique sur l'île de Lanzarote (aux Canaries) pour imaginer son histoire. Mais, au-delà de ce point de départ - un rêve d'artiste, pas loin d'être utopique - Duhamel aborde bien d'autres choses, dont les rapports humains (père-fils, mari-femme, artiste(s)-artiste(s), artiste-politique...) ne sont pas les moindres. Et comme c'est traité avec finesse, et, qu'en guise de cerise sur le gâteau, le suspense est ménagé jusqu'au bout, il n'est pas besoin de chercher bien loin : voici un des premières grandes réussites de cette année.

Le Retour ****
Texte et dessin Bruno Duhamel
Grand Angle, 2017 - 96 pages couleur et bichromie - 18,90 €


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