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dimanche 15 octobre 2017

[Halte au feu!] - Ralentir, de Le Lay et Horellou (Lombard) ****

Lui, costard-cravate, court dans la rue, sous la pluie, la tête abritée par ce qu’on devine être une sacoche. Eléments de décors : une voiture au premier plan, l’enseigne d’une pharmacie. Et un panneau d’interdiction de tourner. A gauche. 
Ambiance : grisâtre et pressée.
Elle, cheveux ultracourts et rangers – oud Docs ? - est assise ce qu’on suppose être une borne kilométrique – d’un autre temps - sur le bord d’une route de campagne. Elément de décor : des arbres à l’arrière plan, un ciel ensoleillé de fin de journée. 
Ambiance : douce et apaisée.
Deux mondes… Qui vont se percuter.

Dès sa couverture « Ralentir » invite à la réflexion. Elle va évidemment se poursuivre quand David, commercial pour une boîte de traitement de déchets, prend en stop, sur sa route vers Douarnenez, Emma, une jeune femme un peu rebelle, du moins à ses yeux. Dans l’espace clos et rapproché de l’habitacle automobile, ils vont apprendre à se connaître et vite se rendre compte que leur place dans la société n’est pas la même, et qu’elle va avec la vision qu’ils ont de celle-ci… Déjà dans l’urgence du nouveau poste qu’il vient de décrocher, David peine à comprendre Emma, qui n’a jamais gardé un boulot plus de huit mois, et il n’est pas loin de la considérer comme un parasite de son monde bien réglé. Au fil des kilomètres, les événements vont peut-être lui faire prendre conscience qu’un autre monde est possible : la destruction de son précieux téléphone (« J’ai ma vie moi là-dedans ! » un grand classique...), un grave accident de la route dont ils sont témoins, et surtout, suite aux intempéries, un arrêt imprévu et prolongé, en plein centre Bretagne, chez des autochtones accueillants et respirant le bonheur de vivre. Le jeune cadre dynamique va sortir transformé de cette parenthèse dans sa vie trépidante, et Emma va, elle, poursuivre son chemin sur ce rythme raisonné qui est le sien depuis déjà un moment. 




 Delphine Le Lay et Alexis Horellou poursuivent leur travail déjà entamé avec « Plogoff » et « 100 maisons – La Cité des abeilles » (chez Delccourt), et leur post-face, forte, pourrait tenir lieu de profession de foi, voire de manifeste : « Nous sommes nombreux à ressentir l’absurdité du système dans lequel nous sommes plongés », écrivent-ils. Et de se questionner sur le pourquoi et le comment faire pour s’en sortir. 
Leurs albums sont une de leurs réponses, et ce dernier livre « Ralentir », trouvera écho auprès de quiconque sent, confusément, ou précisément, que résister aux injonctions d’une société trop pressée pour à peu près tout, est peut-être ce qu'il faut commencer par faire. Résister en prenant le temps de réfléchir à ce que l’on fait, et en sachant renoncer au superflu. Une fois que le superflu est bien identifié : un inventaire de son quotidien propre à chacun.




« Ralentir » n’est certes pas un polar. Pas de morts – si ce n’est une victime de la route – pas d’enquête, pas de flics, pas de suspense, pas d’actes délictueux. Non, rien de tout ça. Mais le polar tel que je le conçois, ici dans Bédépolar, ou dans mes lectures de romans, a bien cette capacité, cette « mission »  (oui, tout de suite les grands mots...) à dépeindre le monde tel qu’il est, d’en dénoncer les travers, et d’imaginer, de temps en temps, des pistes pour le rendre meilleur. 

« Ralentir » est un album qui entre dans cette catégorie. Et il fait énormément de bien. Comme les meilleurs polars.

Ralentir ****
Scénario Delphine Le Lay et dessin Alexis Horellou
Le Lombard, 2017 – 104 pages couleurs – 16,45 €

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