Lui,
costard-cravate, court dans la rue, sous la pluie, la tête abritée
par ce qu’on devine être une sacoche. Eléments de décors :
une voiture au premier plan, l’enseigne d’une pharmacie. Et un
panneau d’interdiction de tourner. A gauche.
Ambiance : grisâtre et pressée.
Ambiance : grisâtre et pressée.
Elle,
cheveux ultracourts et rangers – oud Docs ? - est assise ce
qu’on suppose être une borne kilométrique – d’un autre temps
- sur le bord d’une route de campagne. Elément de décor :
des arbres à l’arrière plan, un ciel ensoleillé de fin de
journée.
Ambiance : douce et apaisée.
Ambiance : douce et apaisée.
Deux
mondes… Qui vont se percuter.
Dès
sa couverture « Ralentir » invite à la réflexion. Elle
va évidemment se poursuivre quand David, commercial pour une boîte
de traitement de déchets, prend en stop, sur sa route vers
Douarnenez, Emma, une jeune femme un peu rebelle, du moins à ses yeux. Dans
l’espace clos et rapproché de l’habitacle automobile, ils vont
apprendre à se connaître et vite se rendre compte que leur place
dans la société n’est pas la même, et qu’elle va avec la
vision qu’ils ont de celle-ci… Déjà dans l’urgence du nouveau
poste qu’il vient de décrocher, David peine à comprendre Emma,
qui n’a jamais gardé un boulot plus de huit mois, et il n’est
pas loin de la considérer comme un parasite de son monde bien réglé.
Au fil des kilomètres, les événements vont peut-être lui faire
prendre conscience qu’un autre monde est possible : la
destruction de son précieux téléphone (« J’ai ma vie moi
là-dedans ! » un grand classique...), un grave accident de la route dont ils
sont témoins, et surtout, suite aux intempéries, un arrêt imprévu
et prolongé, en plein centre Bretagne, chez des autochtones
accueillants et respirant le bonheur de vivre. Le jeune cadre
dynamique va sortir transformé de cette parenthèse dans sa vie
trépidante, et Emma va, elle, poursuivre son chemin sur ce rythme
raisonné qui est le sien depuis déjà un moment.
Delphine
Le Lay et Alexis Horellou poursuivent leur travail déjà entamé
avec « Plogoff » et « 100 maisons – La Cité des
abeilles » (chez Delccourt), et leur post-face, forte, pourrait
tenir lieu de profession de foi, voire de manifeste : « Nous
sommes nombreux à ressentir l’absurdité du système dans lequel
nous sommes plongés », écrivent-ils. Et de se questionner sur
le pourquoi et le comment faire pour s’en sortir.
Leurs
albums sont une de leurs réponses, et ce dernier livre « Ralentir »,
trouvera écho auprès de quiconque sent, confusément, ou
précisément, que résister aux injonctions d’une société trop
pressée pour à peu près tout, est peut-être ce qu'il faut commencer par faire.
Résister en prenant le temps de réfléchir à ce que l’on fait,
et en sachant renoncer au superflu. Une fois que le superflu est bien
identifié : un inventaire de son quotidien propre à chacun.
« Ralentir »
n’est certes pas un polar. Pas de morts – si ce n’est une
victime de la route – pas d’enquête, pas de flics, pas de
suspense, pas d’actes délictueux. Non, rien de tout ça. Mais
le polar tel que je le conçois, ici dans Bédépolar, ou dans mes
lectures de romans, a bien cette capacité, cette « mission »
(oui, tout de suite les grands mots...) à dépeindre le monde tel
qu’il est, d’en dénoncer les travers, et d’imaginer, de temps
en temps, des pistes pour le rendre meilleur.
« Ralentir »
est un album qui entre dans cette catégorie. Et il fait énormément de bien. Comme les meilleurs polars.
Ralentir
****
Scénario
Delphine Le Lay et dessin Alexis Horellou
Le
Lombard, 2017 – 104 pages couleurs – 16,45 €
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