« Même
si c’est un détenu plutôt calme, gardez toujours à l’esprit
qu’il est potentiellement extrêmement dangereux ». Tels
sont les premiers mots du directeur de la prison du Montana en guise
de bienvenue à Beatriz Brennan, jeune femme en mission spéciale
dans cet établissement. Envoyée par le tribunal, en qualité
d’experte psychologue, elle est chargée de rencontrer un détenu
d’une soixantaine d’années, incarcéré pour le meurtre d’un
ex-coéquipier. Meurtre dont les sanglantes évidences sur les lieux
du crime pointent sans aucun doute possible vers cet ancien flic, qui
s’accuse du reste sans ambiguïté de l’assassinat de son
collègue, et attend stoïquement son exécution. Or, le doute
subsiste sur la réelle culpabilité de cet homme, et l’objet
principal des entretiens avec Beatriz Brennan est bien là :
faire la jaillir la vérité sur cette affaire étrange de la bouche
de cet homme non moins étrange...
Conçu
d’emblée, dans sa forme, comme une série TV – nous sommes ici
dans la saison 1 – trois des quatre épisodes prévus sont sortis
depuis octobre 2016, et l’épilogue est à venir pour le début
2018. La sortie, ce mois-ci, du troisième opus « Entre le ciel
et l’enfer » est l’occasion de revenir sur l’ensemble et
de l’affirmer tout de suite : No Body est passionnant !
L’idée centrale en a été bien définie par Christian De Metter lui-même :
« Le
titre No Body,
joue sur le double sens d’un point de vue phonétique. Cela
signifie « pas de corps » mais on peut également
entendre « personne ». Le thème de l’identité est
assez récurrent dans mon travail. Là encore, il est central. Je
parle d’un homme qui a vécu comme agent infiltré pour le compte
du FBI et qui, de mission en mission, doit incarner des personnages
au point de perdre, ou plutôt de ne jamais trouver qui il est
réellement... »
Et
c’est tout l’histoire, pleine de faux-semblants et de vrais coups
tordus, de cet homme torturé que nous découvrons au fil des
albums, avec un suspense, une tension qui vont crescendo au fil des
révélations qu’il veut bien consentir à la jeune psychologue qui
a su gagner sa confiance. Dans le premier épisode « Soldat
inconnu », on le découvre tout jeune, au coeur de
«Cointelpro », le programme – authentique – d’infiltration
des mouvements politiques dissidents mis en place par Hoover. Une
première mission qui va – déjà – laisser des séquelles. Dans
« Rouler avec le diable », il a une nouvelle mission,
encore plus dangereuse : se faire accepter par une horde de
bikers ultra-violents, les Napalm’s soldiers. Une fois de plus, il
va en être marqué de façon indélébile. Et nous voici à cet
épisode trois « Entre le ciel et l’enfer », où,
redevenu simple flic, il enquête, en 1987, sur le meurtre d’une
petite fille retrouvée en pleine forêt. Un meurtre qui selon lui
n’est pas isolé, et pourrait le fait d’un serial-killer. Une
idée que ne partage pas vraiment Sarah, sa coéquipière d’alors.
Mais qu’Anne, profileuse dépêchée sur l’enquête, juge elle
plus que probable. Deux femmes qui vont à nouveau marquer au fer
rouge la vie du détenu modèle de la prison du Montana…
Pour
ce troisième tome, on pense immédiatement à « True
Detective » - ne serait-ce que parce que le personnage
principal a un air de faux-frère avec un des deux flics de cet
excellent premier épisode de la série – ce qui n’est pas faire
injure à Christian De Metter, qui est justement allé voir du côté
des meilleures séries du genre, « pour en faire quelque chose
à sa sauce ». Et
la sauce a bien pris, c’est le moins qu’on puisse dire… La
construction narrative, qui dévoile l’ensemble du récit par
touches successives, par flashbacks, est d’une grande force. Mêlant
l’histoire intime de ses personnages – car si le détenu parle de
sa vie, son interlocutrice se dévoile elle aussi… - à celle,
officielle ou passée dans l’imaginaire collectif, des Etats-Unis,
De Metter happe son lecteur dès le début, et maintient toute son
attention sans jamais le faire décrocher. Son dessin, toujours aussi
précis, fin, très réaliste est en adéquation totale avec son
sujet. Les couvertures sont des modèles du genre : l’inconnu
« héros » de No Body y apparaît au fil de ses
années-charnières, avec deux silhouettes, dominatrices, dans
l’ombre, pour les deux premiers épisodes. A la troisième, une
forêt – pourtant tragique – semble lui donner un regain de
sérénité. Retrouvera-t-il toute la lumière dans l’épisode
final ? Rendez-vous en avril 2018 pour l’épilogue de cet
excellente série, qui vient d’être couronnée par
le
prix de la meilleure série francophone de BD « Polar »
à
la 22ème édition du Festival de Cognac.
No
Body ****
Scénario
et dessin Christian De Metter
Soleil,
2016-2017– Collection Noctambule
74
pages couleurs et 15,95 € chaque tome
1
- Soldat inconnu
2
– Rouler avec le diable
3
- Entre le Ciel et l’enfer
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