Alors
voyons, commençons par ce qui se passe au dos de ces deux albums. Le
texte d'accroche est un peu mystérieux :
"Je
m'appelle Revanche, Thomas Revanche. Et j'ai deux boulots. Dans la
journée je suis l'assistant de la présidente de la plus grosse
organisation patronale du pays. Le reste du temps, je restaure la
justice sociale. Avec ou sans arme".
Quant
au dessin qui accompagne cette entrée en matière, que raconte-t-il
?
On y découvre le dénommé
Revanche, bien droit sur le trottoir, une clope à la main, dans un
costume bleu impeccable, et une coupe de cheveux qui ne l'est pas
moins. Une tête, à lunettes, de premier de la classe : ça, c'est
pour le premier boulot. Mais il y a forcément autre chose, et elle
se trouve de l'autre côté de la rue, là où le regard de Revanche
se pose, : la vitrine du bouquiniste "Les Raisins de la colère".
En fait, c'est la porte
de cet endroit chargé de livres, et de sens, que viennent franchir
les outragés de la société, celles et ceux qui sont broyés par un
patron, un chef de service, un collègue harceleur... et qu'ils
viennent prononcer la phrase magique : "Bonjour, je viens
prendre ma revanche". Et là, Thomas entre en scène pour son
deuxième boulot, celui qui lui permet de se faire un pourfendeur, à
coups de poing, d'un monde du travail vraiment trop pourri. Et
franchement, on peut se dire que ça fait du bien de voir enfin
quelqu'un défendre la cause du peuple d'une manière aussi
radicale...
En douze histoires
courtes (chaque album en contient six) de huit pages chacune, Nicolas
Pothier et Jean-Christophe Chauzy font intervenir son "héros" contre, entre autres,
un fabricant de silicone douteux, des exploiteurs de travailleurs
sans papiers, un flic harceleur conduisant une collègue au suicide,
un patron qui vide son usine le week-end pour la reconstruire en
Chine, un marchand de sommeil abusant de la faiblesse d'une vieille
dame... N'en jetez plus, on se croirait au 20 heures (enfin, je sais
pas, le 20 h, ça fait longtemps que je regarde plus, vu la manière
dont sont traités les sujets, mais je m'égare...), en tous cas dans
les pages "société" de la presse nationale... ou locale.
Le tour de force du duo
est de rendre ces histoires tout à fait crédibles... car tout droit
sorties de notre quotidien. L'idée de génie est d'appliquer les
codes du récit de super-héros (double identité, volonté de
lutter contre le mal, tiraillements psychologiques...) au monde
impitoyable du travail, mondialisé, inégalitaire et anxyogène... Et tous ça sans que la lecture de ces scènes de la vie ordinaire, ne poussent
le lecteur au suicide. Au contraire ! Les baffes bien senties de
Thomas Revanche à ses "victimes", les humiliations qu'il
fait sentir aux exploiteurs à la petite semaine, aux chefaillons de
tous poils, ont un effet revigorant. Cela fonctionne car c'est
intelligent dans la dénonciation du monde de l'entreprise tel qu'il
est - et non tel qu'il voudrait nous faire croire qu'il est - et
qu'il y a une part d'humour distancié dans les réflexions pour lui-même
de Thomas Revanche. Une ironie constante, dont on sent bien que c'est
un rempart pour ne pas craquer, lui aussi. Quant au dessin de Chauzy,
il est parfait, en particulier quand il s'agit de faire exprimer tous
les sentiments par lesquelles passent bourreaux et victimes
lorsqu'ils croisent la route de Thomas Revanche... ou avant.
Voilà. C'est bientôt
Noël : vous savez ce qu'il vous reste à faire. Appeler Thomas
Revanche pour lui dire de faire un tour du côté de ce super marché,
pas loin de chez vous, ouvert jusqu'à 22 heures mardi 24 décembre,
et de demander au patron comment il paye son Père Noël. Ou lui
offrir ces deux tomes de Revanche. Il comprendra peut-être. Ou pas.
Mais il ferait bien de se méfier.
Revanche
Texte Nicolas Pothier et
dessin Jean-Christophe Chauzy
1 - Raison sociale
2 - Société anonyme
Treize Etrange, 2012 et
2013 – 48 pages couleur chaque - 13,90 €
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